Faire du bon vin, tout simplement.


Mon parallèle sur les « angoisses créatrices » du vigneron et celles du peintre ayant déclenché un débat passionné et passionnant sur LPV, un des internaute se demande – et me demande – ce que je ferais d’une parcelle d’Aramon sur un terroir genre artichaut/asperge… Si vous n’avez pas le temps de le lire, le débat a en effet changé de sujet et dérivé sur l’importance du terroir et la part de mérite du vigneron dans la réussite d’un vin.

Cette excellente question me donne envie d’expliquer ma vision du vin. Pour moi, il n’y a en effet pas de vins plus grands que d’autres, il n’y a que des vins « justes ».

« Justes » dans la concentration si l’on est dans la catégorie vins concentrés; « justes » dans le fruit, si l’on veut du fruité; « justes » dans la finesse, si l’on a recherché la finesse. De ces vins « justes » découlent des moments de consommation « justes ». Pour moi, un beaujolais parfait mérite donc un 18 sur 20 autant qu’un Pingus 2003, le plus dense et le plus stupéfiant des vins goûtés à Vinexpo cette semaine. Pour moi encore, un Bienvenue-Bâtard-Montrachet de Leflaive, dégusté avec émotion avant-hier est finalement au même niveau de réussite qu’un Sauvignon de Saint-Bris délicieux bu il y a deux mois à Paris. Les deux, dans mon panthéon personnel, méritent 5 étoiles. Simplement, ils n’évoluent pas dans le même univers.

Mon cerveau est ainsi formé (ou déformé, s’empresseront de dire certains ;)) que je distingue des sortes « d’univers parallèles » où les vins évoluent. Il y a l’univers des vins « magiques », celui des « grands » vins, celui des « bons » vins, celui des vins de « soif » et même celui des vins « technologiques » ou celui des vins « marginaux. Mais attention, il y a aussi l’univers des vins sans personnalité, celui des vins sans concept, celui des vins bâclés, celui des vins industriels, etc., sans oublier celui des mauvais vins. Vous me suivez ?

Ceci étant expliqué, je serais donc, vous l’avez compris, tout à fait heureux de vinifier une parcelle d’Aramon. Je le labourerais, le taillerais dans les règles de l’art et le nettoirais de toutes maladies. Ah, je feraisi aussi les manquants avec un peu d’Alicante ou de Syrah. Après deux ou trois ans de soins attentifs et d’amour, je le vendangerais mûr mais sans plus, puis je tenterais de travailler à basse température pendant les fermentations, pourquoi pas avec une levure, si cela lui apporte du fruit, chose que je pratique peu. Je décuverais sans doute assez tôt, élèverais en milieu réducteur en cuves béton puis mettrais en bouteille avant Pâques afin d’avoir au début de l’été, une sorte de « bombe » fruitée, à boire à grand verre dans les restaurants de plage du coin. Ca ferait sans doute entre 60 et 80 hl/ha (l’Aramon, c’est généreux…) et, si tout va bien et si la parcelle n’est pas trop grande, je devrais en manquer vers le 14 juillet, parce qu’en sortant du restaurant ou avant de rentrer, les gens passeraient sans doute en acheter au domaine. Ça ne se vendrait pas cher parce que ça ne coûterait pas cher à faire. Il y aurait une étiquette sympa, moderne, colorée, comme elles fleurissent en ce moment dans le Languedoc.

Surtout, surtout, je n’essaierais pas de faire du Clos des Fées avec. Le travail du vigneron, c’est de « révéler » le terroir, de lui mettre un objectif qu’il peut tenir, pas de tenter, en le tordant dans tous les sens, de prouver quoi que ce soit, et surtout pas que l’on a « raison ».

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