Le joueur de flûte d’Hamelin


Les jeux sont faits. Les traitements sont terminés depuis maintenant 2 semaines, les véraisons se terminent dans les terroirs les plus tardifs. Comme chaque année, il devient donc urgent… d’attendre.

Avant de devenir vigneron, je me moquais volontiers de ces vignerons pressés qui ne pensaient, septembre venu, qu’à rentrer leurs raisins le plus vite possible, comme attirés par un air de flûte mystérieux qu’ils étaient seuls à entendre et qui leur faisait perdre leur bon sens. Aujourd’hui, je ne souris plus, car j’ai pris conscience de la difficulté à résister à cet empressement collectif, cette tension presque palpable, à cette envie presque physique qui déferle sur le vignoble comme une épidémie : l’envie dévorante de vendanger le plus vite possible.

« Untel a commencé ! » « Les prélèvements l’affirment, c’est mûr » ! « On a rattrapé le retard, il ne faudra pas traîner, cette année » ! Et comme l’être humain a dans ses gênes une profonde attirance pour l’imitation, à entendre et à voir tout cela, une furieuse envie de commencer à couper du raisin vous saisit, au point parfois de fausser complètement votre jugement et de, le mot n’est pas trop fort, vous abuser dans la perception des maturités.

La météo joue bien sûr le rôle principal de ce gigantesque jeu de rôles digne de la télé-réalité et le thème des vendanges prend peu à peu le dessus dans toutes les conversations. Les vieux du village, qui se retrouvent sur la place, chaque après-midi, vers 18 heures, pour discuter et critiquer les joueurs de boule, livrent volontiers quelques-uns de leurs souvenirs : « En 1967, il a commencé à pleuvoir en août et cela n’a pas cessé pendant 6 semaines ! Les seaux flottaient dans les vignes ! Heureusement qu’à l’époque, on avait encore les chevaux, parce que les tracteurs, fallait pas y compter ».

Ne croyant plus au croque mitaine, le vigneron aime à se faire peur et énumère dans sa tête tout ce qui peut encore lui arriver comme catastrophe avant les vendanges. À sa décharge, il est vrai qu’il y a « parfois loin de la coupe aux lèvres » et que tant que le raisin n’est pas dans la cave, tout le travail d’une année peut être perdu.

Se répéter sans cesse que « le raisin mûr est la clé de voûte d’un grand vin », voilà quel est mon programme des quinze prochains jours.

P.S. : entretenons notre vernis culturel avec wikipedia…

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