Et tout d’un coup, plus rien ne semble important…


Didier Daguenau est mort…
Accident stupide, au décollage, en Dordogne, dans un ULM. Au début, on ne veut pas y croire, bien sûr. L’appeler sur son portable ? Contacter sa famille. Tout est bien sûr occupé. Puis on passe en revue le nom d’autres amis proches et un d’entre eux vous confirme la triste nouvelle.
Tout, alors, autour de vous, devient gris. Comme à chaque grande émotion, moi, c’est d’abord les poils des avant-bras qui se hérissent, puis, doucement, les coins des yeux, à l’extérieur, qui se chargent lentement mais sûrement de ce qui ne va pas tarder à se transformer en larmes.
Je garderai de Didier deux images, si vous le voulez bien. Une, il y a vingt ans, d’un jeune vigneron rebelle chez qui je tournais un petit sujet pour Canal Plus. Thème : la taille de la vigne. Je me souviendrai toute ma vie de Didier m’expliquant l’incompatibilité entre quantité et qualité. « Tu vois, si tu coupes là, tu fais du bon vin. Et si tu coupes ici, tu t’achètes un studio à Courchevel». Entre les deux, deux yeux, à peine quelques centimètres. Je ne crois pas avoir jamais entamé une campagne de taille chez moi sans penser à cette image. Il doit d’ailleurs en rester, de ces images, quelque part dans les archives de l’INA.
L’autre, c’était il y a dix ans, presque jour pour jour. Je commençais à avoir l’idée de faire du vin. Je cultivais quelques hectares de vignes abandonnées. Je vinifiais chez un ami. A quelques jours des vendanges, il était passé, faisant un improbable stop dans ma maison à moitié en ruine. Il était amoureux. Heureux. Joyeux. Je lui expliquais, avec, je m’en rends compte aujourd’hui, une infinie naïveté, mon projet de faire un peu de vin, chez un ami qui me prêtait un coin de sa cave. J’avais reçu 2 cuves en plastique, mais je n’avais pas les portes. Je ne m’angoissais pas plus que cela. Lui, sa cave était déjà prête, rutilante de propreté, et il prenait quelques jours de vacances avant le rush. Il avait admiré, je crois, ma volonté et s’était souvenu, comme je le fais aujourd’hui devant des vignerons qui démarrent avec trois bouts de ficelle, de ses début où tout était, comment dire, « léger »; sans pression; sans média; sans barre de plus en plus haute; sans entreprise de plus en plus complexe. J’ai beaucoup de reconnaissance pour sa franchise de l’époque, mais aussi pour sa pudeur, qui l’avait poussé à ne pas me décourager dans ma volonté d’emprunter un chemin qu’il savait difficile. Trois ans plus tard, repassant me saluer, il avait eu la gentillesse de m’acheter du vin, sans doute plus qu’il n’en avait réellement besoin, insistant pour payer ce que je voulais bien sûr lui donner, sachant combien j’en avais besoin.
Le reste, permettez que je le garde pour moi. Et peut-être, un jour, pour ses enfants à qui je pense en regardant les miens ;-(
Rare, franc, pudique ET provocateur. Et bien sûr innoubliable. Bon vent, mon ami. En espérant qu’il y ait quelque chose après, pour toi avec des amis, du bon vin, des chiens joyeux, un traineau et de la neige ;-)

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