Pas de 2010 du Clos des Fées dans la Revue du Vin de France


Pour la première fois depuis la création du domaine, les vins du Clos des Fées ne sont pas cités dans le palmarès du millésime 2010 de la RVF, en kiosque cette semaine. Parce qu’ils sont moins bons, cette année, penseront certains ? Non, simplement parce que nous n’avons pas fourni d’échantillons et n’avons pas accepté les conditions de dégustation. Parce que croyez- moi, 2010, c’est une sacrée bombe !

Cela méritait, je pense, une explication.

De nombreux journalistes utilisent les services de l’interprofession, chaque année, pour réunir des échantillons qui seront goûtés ensuite, à l’aveugle, anonymat fait par le syndicat, tous ensemble, le même jour et dans le même lieu (pas terrible, le lieu, j’en conviens…), en dehors de toute influence et parfois en compagnie des techniciens du cru ou en tout cas sous leur contrôle.

Nous avons toujours accepté la règle du jeu, tout simplement parce que nous la trouvions honnête, juste, seule capable de faire émerger de nouveaux talents – comme nous avons émergé il y a quinze ans bientôt – mais aussi seule capable de nous aider à maintenir notre position de « leader » en nous obligeant à nous confronter à nos « challengers ». Une fois cette dégustation aveugle menée à bien, nous avons toujours salué le travail de terrain des journalistes qui cherchaient, chez nous ou ailleurs, à confirmer une émotion, à comprendre un changement, à vérifier une qualité hors norme ou s’assurer que ce n’était pas simplement un mauvais jour.

Une dégustation honnête, à la recherche de jeunes talents, qui ne privilégiait (ni ne désacralisait…) les vins déjà connus, voire célèbres, qu’il est de toute façon toujours excellent, qu’on en parle ou pas, de déguster en bonne concurrence…

Or, cette année, nous avons été limités à un vin par appellation.

Lesquels de mes enfants devais je sacrifier ? Sur la même appellation, devais je envoyer en dégustation un vin concentré ? Un vin de fruit ? La petite Sibérie ? Le Clos des Fées ? De battre mon cœur ? Je n’ai pas su trancher et, c’est avec regret que nous avons donc décidé de ne pas envoyer d’échantillons.

Devant notre refus, il nous a été proposé une visite « sur mesure », afin de goûter les vins qui n’avaient pas été proposés dans le collectif, bien sûr pas à l’aveugle, dans un environnement privilégié (sur notre terrain…), en présence des explications du vigneron, sous son influence, en fait, et, pourquoi pas, autour d’un bon repas. C’est apparemment le privilège de certains. Nous ne sommes pas contre, bien sûr, ce genre de rapport avec les  journalistes qui permettent des échanges plus profonds et des explications plus pointues. Mais sur un sujet aussi pointu que les primeurs, elle doivent à notre avis venir après et non remplacer. Sinon, il n’y a plus de justice. Plus de valeur à la critique. Plus d’obligation à fournir un échantillon cohérent. Simplement parce que le journaliste va chez ceux qu’il aime, tout entier empli de ses aprioris positifs. Nous avons refusé. Et, fort logiquement, nous ne sommes pas dans la revue…

C’est particulièrement stupide, je le sais, parce que nous sommes de plus parmi les seuls domaines à vendre à primeur, parmi les seuls à avoir des lots homogènes de vins déjà assemblés et identifiés, parmi les seuls où le journaliste peut donc se faire une idée du vin proposé et, par la suite, avoir un résultat de sa prévision. Mais c’est ainsi.

A un moment de sa vie, il faut être cohérent, avoir une ligne de conduite et s’y tenir.

J’ai toujours refusé, en tant que journaliste, d’aller chez un 1er cru classé déguster un échantillon primeur qui ne voulait pas se « mélanger » à la plèbe. Parce que je pensais que c’était injuste. Manipulateur. A la limite de la malhonnêté. Et surtout terriblement mauvais joueur. indigne d’une élite qui n’accepte pas les remises en question. Oh, je connais les arguments et, bien sûr, j’en comprends certains. Mais j’ai toujours défendu l’efficacité de « l’ascenceur républicain », irremplaçable pour le consommateur mais aussi pour le marché lui même qui ne doit pas se scléroser en tournant sur lui même mais bien accueillir et valoriser tous ceux qui le méritent, qui font des efforts, qui luttent et se passionnent. Entre mettre son vin partout et ne permettre aucune dégustation comparative, il y a une infinité de nuances possibles…

Je n’ai aucune animosité envers la Revue du vin de France et je profite de ce billet pour clarifier mon attitude. Pour le nouvel appel à échantillons pour le guide « GERBELLE-MAURANGE » des vins à petits prix, dont l’appel à échantillons me semble juste, je présenterai bien sûr des échantillons.

Mais je ne pouvais cautionner, parce que je suis désormais de l’autre côté de la barrière, et du bon côté dirons nous, un système de passe-droit contre lequel je me suis toujours élevé. Que m’importerait un éloge public qui se ferait au détriment de mes confrères moins privilégiés ? Il serait pour moi sans valeur.

Avoir des idées, une morale, s’y tenir, montrer l’exemple, voilà qui me semble tout aussi important que de faire du bon vin.

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