Compétition et performance sont elles des fatalités ?


Ce billet a tourné et retourné dans ma tête depuis le début de l’été, en fait depuis les jeux olympiques…

Si je ne l’écris pas maintenant, même un peu tard, à la veille du bruit et de la fureur des vendanges, sans doute ne verra t’il jamais le jour.

Allons, alors 😉

Je n’aime pas les jeux olympiques. Enfin pas les jeux olympiques tels que je les ai vus cet été, ces jeux modernes ou, loin d’un défi contre soi même, le sport devient une compétition ou le 4ème ou le 6ème, pourtant à quelques centièmes de secondes, à quelques centimètres, à un doigt ou une main, est juste un « perdant », avec tout le mépris que mettent certains dans ces mots.

Qu’importe qu’il y ait dix ou vingt ans, avec cette même « non-performance », il fût rentré dans la légende du sport. Qu’importe qu’il ait battu ce jour là un record personnel, ou explosé un record dans son pays ou dans son continent, le voilà au mieux oublié, au pire honni, méprisé, pour n’avoir pas « gagné ».

Le tout dans un climat de jeu du cirque, de sponsoring économique, effrayant, pratiquant la politique de la terre brûlée envers les autres marques. Il ne suffit plus, désormais, de se développer mais bien d’empêcher les autres de le faire…

ll parait que nous sommes tous, génétiquement, programmé à être compétiteur ou performeur. Pour certains d’entres nous, seul compte la position par rapport au autres. Un 18 en classe ne représentait rien pour vous à l’école, si vous n’étiez pas premier ? Vous auriez préféré, et de loin, être premier avec un simple 12 ? Vous êtes compétiteur, c’est sûr.

Les notes des autres ne vous on jamais fait ni chaud, ni froid, seule comptait votre performance personnelle, jugée par vous ou par d’autres ? Vous êtes performeur. C’est ainsi. On peut bien sûr lutter, se raisonner, mais tout au long de sa vie, la première impression lors d’une compétition sera toujours l’une ou l’autre 😉 Pour tout vous dire, je suis un piètre compétiteur…

A la veille de la sortie des deux gros guides annuels (RVF et Bettane-Desseauve), ce genre de réflexion prend tout son sens. Qui va avoir un bon point ? Une image ? Qui va se faire taper sur les doigts, n’ayant pas des vins assez « vivants » ou « qui n’ont pas fait « vibrer » tel ou journaliste élevé toute l’année dans le papier de soie ? Qui va être la reine d’un jour, oups, pardon, « vigneron de l’année » ? 😉

Bien sûr, quand on y pense avec logique, cela n’a rien à voir avec ma réflexion du début, avec le sport. Dans le sport, il y a des RÈGLES, des compétitions entre des personnes à un moment précis, des instruments de mesure, des références. Dans le vin, il y a des goûts, des compétences étranges, des expériences étonnantes, des affinités humaines, des intérêts financiers, des obligations économiques, un monde de sensations et d’affectif pur et dur. Et pourtant, les mêmes « classements » .

Alors, ma pensée du jour est : ne sommes nous pas, nous vignerons, embarqués dans une course à la performance sans fin ainsi, et c’est plus grave, entre la compétition entre nous, par ces notes qui pleuvent sur nous et décident en partie de notre vie ?

Sommes nous obligés, comme je le vois de plus en plus, avec étonnement, de nous présenter, de nous situer les uns les autres, voire de nous estimer nous même, par nos « notes » :

« j’ai eu XXX points chez Bob (induit, et toi ?);

« j’ai trois étoiles dans tel ou tel guide », etc ?

« je suis arrivé premier à la dégustation de tel concours et j’ai eu la médaille d’or… » And ?

Avons nous besoin de ça, avons nous envie de ça ? Pourquoi est ce devenu si important ?

Mais au fait, Jouons nous simplement dans la même catégorie ?

Quand je vois les investissements de certains chais, en France ou ailleurs (plusieurs dizaines de millions d’euros…), quand j’entends parler de vignobles à 20 millions d’euros l’hectare, quand je me vois proposer des équipement de tri à 150 000 euros ou des tracteurs à 100 000 euros (l’aurait on osé en francs ?) , je me dis : « est-ce que je joue toujours dans la même catégorie ? »

Car je croyais bêtement qu’il n’y en avait qu’une, alors qu’il me semble possible que le monde du vin ait changé en douce et, comme au foot avec sa structure pyramidale, ne faudrait-il pas désormais parler de première, de deuxième division, de division d’honneur, voire de ligue départementale selon les domaines ? Faudra t’il bientôt mettre sur la balance, lorsque l’on goute un vin, le budget de fonctionnement du domaine qui l’a fait naitre, un peu comme on parle en permanence de celui des clubs de foot, en exigeant plus ou moins de chacun d’un ? Et publier le salaire des consultants comme on publie celui des joueurs ? Et où est la limite dans la dépense acceptable dans le processus de fabrication du vin, au risque d’en réserver certains à une élite ?

Je le dis en toute liberté, je n’aime pas ce monde où je croise de plus en plus de vignerons, talentueux, bosseurs, passionnés, qui malgré leur bons vins sont dans une grande difficulté (entre autre…) pour simplement se SITUER qualitativement, en perte de confiance, avec l’impression que les jeux sont faits, que les dès sont pipés, comme est annoncé la victoire du PSG cette année…

A la veille des vendanges, un moment toujours difficile pour un vigneron artisan comme je le suis, je me pose alors la question « la solution, ne serait ce pas, si c’est encore possible, aujourd’hui, de refuser certaines compétitions, certains défis ? », surtout quand ils me semblent parfois faussés par une multitude de critères très étranges ?

Au lieu de parler de compétition et de performance, je vais me consacrer au final sur le véritable esprit olympique, ou du moins ce qu’on en comprend, et que l’on peut résumer en un seul mot : dépassement…

Certains de faire tout mon possible, d’emmener dans cette expérience mes vignes, mon terroirs, mes collaborateurs, nous devrions trouver dans le chemin lui même de quoi être fier de nous, quoiqu’il arrive.

Essayons simplement de faire un beau millésime, de bien jouer, de bien combattre, d’être proche ce que disait, finalement, Pierre de Coubertin :

L’important dans la vie n’est point le triomphe mais le combat, l’essentiel n’est pas d’avoir vaincu mais de s’être bien battu

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