Japan Tour 2014 – Troisgros, bouquet final


Dernier soir à Tokyo. Diner chez Troigros. Tout au long du séjour, Damien et Guillaume se sont occupés de moi avec plus que de la gentillesse. De l’affection. Un petit café le matin au milieu de la cuisine, des discussions sans fin sur le Japon, la France, le Michelin, les produits, les artisans, la manière Japonaise de tuer les poissons, les crus des viandes, le métier, la vie, quoi.

Ce soir, diner intime et grandiose. Tout était bon, voire bien plus, merci, les amis. D’ailleurs, au Japon, on ne peut pas se tromper : les convives font des « mmimmmm » un peu graves, pour indiquer leur satisfaction. C’est vraiment sympa. Je vais peut-être m’y mettre.

Sur le Vieilles Vignes, un mariage très osé mais parfait, d’une langoustine au vin rouge. Elle rejoint un peu l’idée de nos amis de Bournissac sur le homard à la fraise, fantastique, l’année dernière. Elle est brillante, cette idée.

On commence doucement, il y a des couples, très sérieux, encore quelques japonaises, entre amies. Depuis le début du voyage, je sais désormais le mot qu’il faut leur apprendre pour exprimer, en français, leur émerveillement : « Ma-gni-fi-que » ! Facile à dire, à prononcer, bien plus que « Rrrroussillon » avec tous ces « r » si difficiles à prononcer pour eux. J’ai appris à quelques unes d’entres elle qu’on pouvait aussi dire « je vous trouve très beau… » J’espère qu’elles vont le ressortir un jour à un autre vigneron. La tête…

Bon, le pigeon est… ma-gni-fi-que. Et je ne vous parle pas de la cuisse, ce serait jouer le « Garrigou » dans les trois messes basses. « Dis moi encore, Garrigou, comment étaient ces dindes ?  Bourrées à craquer de truffes grosses comme le poing, Révérend. Et la peau, craquante et dorée, toute fumante, luisante de graisse, embaumant toutes les pièces du château…». Ah, les Lettres de mon moulin. Je les ai relues avec plaisir, surtout celle là, avec Gaspard, la semaine dernière. La gourmandise n’est pas un péché, mon révérend, c’est la gloutonnerie qui en est un.

Entre chaque plat, je parle, de tout et de rien. Du vin, bien sûr. De la nature. De mon travail. De mes expectations. Et des nuances, bien sûr. Je suis de plus en plus persuadé que le grand vin est entre l’obscurité et la lumière, là, dans l’ombre, quelque part. Dans la nuance, en fait.  Le clair obscur. Qu’il faut faire tourner son verre non pas pour le dévoiler plus vite, mais pour prendre le temps de lui laisser exprimer sa complexité, ses forces mais aussi parfois ses faiblesses, toujours sa personnalité, son caractère, sans lequel il n’y a pas de grands vins. Des vins personnels, voilà ce qu’il faut tendre à faire. Tout cela est bien loin de l’époque actuelle où Parker lance, parait-il, un magazine intitulé « 100 points » pour continuer dans la grosse cavalerie, le gros tanin, la grosse Bertha. Quelle tristesse. Faisons plutôt ce soir l’éloge de la nuance. La cuisine s’y prête. Le dessert aussi. Je m’y emploie.

Le pré-dessert est prodigieux. Le patissier, Michelle (il est italien) s’est surpassé. C’est une panacota au sarrasin, le soba d’ici, plus doux que notre sarrasin breton. Une merveille de finesse et de goût.

Et le dessert, enfin, un truc de malade… de petits cylindres avec de la poire, de la glace, de la crème, un accord avec le muscat inoubliable. Un dernier gout de paradis, avant de partir. Car ce soir, valises…

Merci, les amis, merci, pour tout. Je vous attends, un jour, j’espère, à Vingrau.

Une dernière photo, encore, avec une de mes nouvelles fan. Une parmi tant d’autres, je ne sais combien de photos de moi avec de charmantes japonaises circulent désormais sur les réseaux sociaux. Ah, non, pardon, pas de moi. de mon vin. Nuance. Mais de taille. Sans mon vin, il faut être honnête, personne ne se prendrait en photo avec moi. C’est la vie, c’est bien aussi.

Bon, valise, taxi, me voilà le lendemain, à la gare, prêt à monter dans le Narita Express, qui me fait toujours penser au Pouldard express. C’était aussi bien ! A l’année prochaine, j’espère.

 

Un commentaire

  • julien
    02/04/2014 at 7:09 pm

    Superbe récit de voyage !

    Merci beaucoup, vraiment, de nous faire vivre de l’intérieur la gastronomie de ce pays qui a l’air si fascinant.
    Bon retour !

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