Vendanges 2014 – J+6 – Un long dimanche de vendanges


Et le week-end ? Quel week-end ?

La météo n’est pas très bonne, décision est prise de rentrer deux parcelles qui ne gagneraient rien à subir de gros orages. Le Sémillon, samedi, que nous allons prendre un peu différemment cette année. Puis un tri, toujours, pour alléger des Grenache noirs un peu généreux et compléter notre rosé, tout en lui apportant un peu de gras en milieu de bouche. Il faut chaud, très chaud, étouffant même et dès midi, l’équipe prend un soleil de plomb qui fait monter les températures à 38° à l’intérieur des voitures. Le mois d’Août, c’est maintenant, avec ce soleil différent quand même, plus enveloppant sur la peau, plus doux malgré son ardente. Mais on souffre.

Dimanche, 6h45 sur la parcelle, on en profite pour finir avec la machine à vendanger. Une belle parcelle de 1,7 hectares de Syrah, sur Saint-Hippolyte, un terroir magnifique totalement sous exploité, vers l’étang de Salses. Ce coin, je l’ai connu il y a quinze ans, en arrivant, plutôt pimpant, avec juste quelques jachères; c’est aujourd’hui une étendue à moitié sauvage, où des landes conséquentes (plusieurs hectares…) sont mitées de vignes abandonnées, où la cabanisation rampe. C’est le royaume des «espaces de loisirs», une faille de la Loi, où l’on vend un petit terrain immédiatement clôturé qui se remplit peu à peu de caravanes abandonnées, de tôles, de déchets, d’une cabane de moins de 20 m2 qui ne nécessite pas de permis de construire. Triste fin d’un monde viticole, d’un temps, d’un terroir qui fut pourtant l’un des plus prospères du monde : la Salanque. Ne me demandez ni pourquoi, ni quand ça a commencé à partir en brioche, je n’en sais rien en fait. Un cocktail, sans doute, de familles trop enrichies par la vigne dont les descendants ne jugent pas « L’agricole » en tant que destin, fin d’un monde de vin de consommation courante (pourtant aujourd’hui en plein renouveau avec la taille rase), difficulté de changer de culture (pratiquement) et de culture (dans la tête) et de passer du vin doux naturel (Rivesaltes et Muscat qui rapportaient des fortunes) au vin sec, incapacité de la cave coopérative à créer de la valeur ajoutée et d’installer des jeunes, limites bien connues de l’organisation kolkhozienne (tous pour moi, les autres au diable), plus envie de se lever tôt, d’être indépendant, de prendre des risques et d’être responsable de ses choix. Ah, et perte de la fierté d’être vigneron et du plaisir de cultiver un bout du monde. Un peu de tout et bien sûr d’autres choses. Je traverse Saint-Hippolyte ou la taille des maisons et des caves m’impressionne toujours et me demande ce que deviennent les vignes de la famille XX qui, dit-on, possédait ici 1 000 hectares, comme quelques autres dans le département. Puis je zizague dans un désormais no mens land qui déchire la cœur. Cultiver ici est pourtant facile, le terrain est plat, le terroir vraiment magnifique, l’eau à dix mètres et donc l’irrigation intelligente possible : on peut y faire des bons vins à 50 hecto/hectares, riches, colorés, pleins et soyeux. Les pêchers sont superbes, les abricotiers font un des meilleurs fruits du monde. Et pourtant, la zone retourne peu à peu à l’état sauvage. Ainsi vont les choses.

Le soir, la météo ne s’est pas trompée et le temps se couvre. Trois gouttes. Je passe deux heures, dans une lumière magnifique, à faire le tour des vignes, voyant tout ce que l’on peut faire, ce qui est bien différent de ce qu’on aurait dû faire et qu’on a fait. C’est clair ? Pour moi, oui. Pour vous, je ne sais pas. En résumé : le mieux est l’ennemi du bien et si pour certains je suis un « grand cru », dans les faits, je suis loin d’avoir les moyens d’avoir des vignes parfaites, des murets impeccables, des sols parfaits. J’aime aussi, je l’avoue, que tout ne soit pas totalement «humain» dans les vignes qui doivent rester des plantes, garder en elles un aspect un peu sauvage, pas totalement domestiquées. Comme les vins…

Merci au fait pour vos commentaires, n’ai pas toujours la force d’y répondre.

Une question reste en suspens : les raisins sont magnifiques mais le vin sera t’il bon ? Rien n’est encore joué. Les deux semaines qui viennent seront cruciales, l’importance de l’orage qu’on m’annonce aussi. Dormons. Demain est un autre jour.

 

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