Sentiments Distingués


Flight 687 by Singapore Airlines to Hong-Kong.

Je pensais arriver à donner un titre d’un album de Sempé à chaque billet de ce voyage mais je crains fort que je ne cale au milieu du gué… Bon en même temps, qui avait noté ce message subliminal ?

4h30 d’avion, rien de bien intéressant à vous dire. Programme de film assez bluffant quand même par leur nombre. Hôtesses charmantes marchant à petits pas dans de grandes jupes longues, nourriture insipide comme toujours. Change de compagnie, ça, ça ne change pas. En regardant ces costumes traditionnels, je me remémore que sur la fiche de Laundry de l’hôtel de Jakarta, il y avait, entre chemises et pantalons, la possibilité de faire nettoyer son sarong… Dieu que c’est exotique. Comme les costumes de ce mariage traditionnel dans l’hôtel. Je les ai trouvé si beaux (enfin elle, lui il était élégant…) que je leur ai demandé de poser pour vous. Je devrais voyager avec une petite baguette magique, une de voyage, histoire de jeter des charmes positifs, de temps en temps…

HK Day1-Mariage
Une photo de mariés, c’est comme le sourire d’un bébé, ça donne la pêche. Même quand on connait la fin… Ce qu’il y a de bien, en Indonésie, c’est qu’on ne vous sourie pas systématiquement, comme à Bali ou au Four Seasons, encore qu’on le fasse plus qu’ailleurs. Mais que si vous souriez, on vous REND votre sourire, à chaque fois. Et le sourire indonésien, et bien c’est le plus beau que j’ai jamais rencontré. Ca n’a rien à voir avec la beauté de la personne qui le donne, d’ailleurs, et j’en ai eu des édentés de la mort. Les Indonésiennes et les Indonésiens, ils savent faire, y’a pas à dire. Et mon Dieu comme c’est bon, un sourire comme ça. Alors, j’ai beaucoup souri et on m’a beaucoup rendu.

Alors Hong-Kong, donc. En moins de 30 minutes depuis la porte de l’avion, nous voilà avec nos valises dans le train impeccable qui nous emmène à grande vitesse vers la gare centrale. C’est toujours un émerveillement. Si on pense au RER (B, je crois) qui emmène nos touristes de Roissy vers Paris, et si on est impartial, on met un peu d’eau dans le sentiment de supériorité qui est, chez nous Français, si bien réparti… Les valises sont pleines de vins, mais aucune angoisse à avoir, ici pas de taxe. Cela explique pourquoi H.K. est désormais la plaque tournante et le point d’entrée du vin en Asie du Sud-Est.

Taxi, nous voilà chez Amigo… Ah, Amigo…

HK Day1-Amigo

Amigo, c’est un restaurant unique. Une faille spatio temporelle. Un restaurant mytique, le plus vieux restaurant Français de H.K. En allant chez Amigo, vous vous retrouvez en France, en 1950. La même cuisine. Le même décor suranné. Les mêmes loufiats en surnombre, les mêmes maitres d’hôtel qui ne font rien, à l’ancienne, si ce n’est de contrôler et de regarder. Et vous pouvez pas savoir comme c’est BON de ce retrouver dans un restaurant. Déjà, j’adore quand ce sont des gens agés qui sont au service. Là, certains me semblent des personnages de cire..

Amigo, c’est un peu comme l’Ami Louis, à Paris, ou le Passage del Pep, à Barcelone, un truc hors du temps, hors des modes, que beaucoup trouvent ringard. Que moi je trouve génial. Ce soir, c’est diner privé. Ca veut dire que c’est nous qui invitons et que vous, vous ne pouvez pas venir si on vous a pas invité. C’est comme ça, exclusive, juste cinq invités et nous. Mais pas n’importe quels invités, de vrais fans, de grands amateurs, surtout de Clos des Fées, dont N., en quelque sorte le premier client du domaine en Asie. En 2002, en goûtant un échantillon de petite Sibérie, il avait passé une sacrée commande, comme ça, sans se soucies des notes ou des articles. A l’époque, où nous étions littéralement laminés par la presse et sur les forums de vin, à cause de notre arrogance à vouloir sortir de notre condition paysanne, cela m’avait conforté sur le côté unique de ce vin, sur sa différence, sur sa capacité à toucher certaines personnes au plus profond, au cœur. A l’époque, la somme était tout simplement pour nous incroyable et représentait d’infinies possibilités. Cet argent, nous l’avions immédiatement jetée dans la vigne, en matériel, en main d’œuvre et cela eu beaucoup d’impact sur le train vie du domaine à l’époque, donc sur la qualité et bien sur, sur notre liberté, en réalité. On lui doit beaucoup. Il est en plus sympa et son premier mariage, à Bali, fut 100 % au Clos des Fées, un grand souvenir, ce qui participa aussi beaucoup à la notoriété du Domaine. Boire du Clos des Fées à Bali, un soir de fête, dans le centre de l’ile, alors que le soir tombe, faudrait un poête persan pour vraiment décrire ce type de félicité. Bon, le mariage s’est mal terminé je le crains. En même temps, c’est du vin, hein, pas un filtre d’amour.

On se change en vitesse, dans les toilettes. Je sais, ce n’est pas glamour. Il y a un magnifique Bacchus en bronze, au milieu d’une foule d’antiquités plutôt bien choisies, un peu partout dans le restaurant qui fait très province.

HK Day1-BacchusOn attaque un verre de Grenache blanc et puis la De Lorean se met en route et nous voilà projeté dans le passé. Le Clos des Fées blanc accompagne divinement un simple crabe mayonnaise, dans sa carapace nappé d’une sauce Choron légèrement spicy, les deux sont parfaits, vraiment. Les invités sont bluffés, il faut le dire et ça me fait plaisir, il faut le dire aussi. On est dans le très grand vin blanc, n’en déplaise à certains et le résultat dépasse toutes les espérances que j’avais mis dans ce projet loufoque, surgreffer un bout de muscat en Sémillon, il y dix ans. On nous sert de la baguette juste sortie du four, et des toast grillés saturés de beurre d’escargot. Bonne idée. Un truc light, vous imaginez, mais que c’est bon. Tous les serveurs sont en rang d’oignons, il y a en a partout, ils ne parlent qu’un anglais approximatif, mais s’agitent tout d’un coup quand arrivent de grosses papillotes toutes gonflées. Tout se fait ici au guéridon, à l’ancienne, et ce ne sont pas moins de sept serveurs qui sortent les Soles de Douvres de leur papier argenté, dressent les légumes, nappent le poisson, d’une qualité exceptionnelle disons le, d’une sauce homard/champignon qu’Escoffier aurait sans nul doute encensée. C’est pas léger. Mais qu’est ce que c’est bon. On tente le Clos des Fées 2011 et 2007 dessus et honnêtement, ça le fait. Les textures sont parfaites, les nez bien développés, les matières douces, les finales épicées, mon anglais presque correct, puisque mon voisin m’avoue comprendre à… 80 %. Je suis au maximum de ma joie comme dirait mon fils.

Tournedos Rossini.

Non…. Et si, na !

Mais à l’ancienne, là aussi, avec poêlon en cuivre pour la viande, un autre avec le foie gras, sauce à part. Bœuf délicieux, cuisson parfaite, dessus bien « quadrillé », comme on me l’apprenait à l’école hôtelière, et sa sauce Périgueux, un fond de veau lié, truffes noires. Classique, oui. Mais parfait, avec des saveurs que je n’avais plus goûtées depuis mon enfance et une texture de sauce vraiment unique, soyeuse et distinguée..

HK Day1-RossiniOn se dit que bien sûr, la nouvelle cuisine était sans doute nécessaire, mais qu’en même temps, on a sans aucun doute être perdu certaines choses en route, parce que plus personne en France aujourd’hui ne sait, je pense, faire une sauce comme ça, ni un service comme ça. Petite Sibérie 2011 et 2007, il y a peut-être un vin de trop parce que là, le tournedos Rossini et la petite Sibérie, c’est un truc comment dire, roboratif… Disons qu’on aurait mangé que ça, ce fut parfait. De la la semaine ? Non pas de la semaine quand même… Mais pas loin. Enfin, les deux vins sont top, le 2007 à peine émoussé par le temps. On s’extasie. Il y a de quoi.

Bon, on y va ? Non me dit Alex, faut que tu goûtes les cerises jubilé. Des cerises jubilé, non mais Allo, ils font des cerises jubilé à Hong-Kong ? Moi qui croyais ne jamais en remanger de toute ma vie, moi qui fut deux fois meilleur maître d’hôtel de France, dans ma jeunesse, moi qui suit passionné par le flambage ! Que pouvais je faire ? Je capitule et regarde les master of flambage exécuter côte à côte des crêpes Suzette et des cerises jubilé… Un moment inoubliable, inracontable, unique. Cerises fraîches, sirop léger, sirop au Marasquin, flambage au kirsh. En plus elles sont franchement bonnes, pas trop sucrées, avec une délicieuse glace vanille fraîchement turbinée.

HK Day1-Julilé

On plane. C’est là qu’arrivent les marriachis…

Enfin deux mecs avec des guitares qui ressemblent à des mexicains et un Chinois avec une contrebasse. Je croyais qu’Alex se moquait de moi. Non, c’est l’heure de la musique. Votre musique préférée, monsieur…. Euh, je pense à la Cucaracha, pourtant, ils n’ont pas de sombrero, mais je sais pas s’ils ont le sens de l’humour. Je pense me sortir de cette mauvaise passe en pensant à un truc injouable et m’écris : « Hôtel California ». Le mec prend un peu l’air désespéré, puis ajuste sa guitare, rabaisse un truc sur le manche pour changer la tonalité, regarde ses potes et en avant pour Hôtel California… Délire… On the dark désert highway, pom, pom sur la contrebasse, cool wind in my air, pom, pom. C’est la folie dans l’assistance…

Bon, on se fait encore Adèle, Someone like you, un petit Simon and Garfunkel, happy parce que ces mecs, c’est des guerriers, moi je vous le dis… Je décide de mettre le challenge plus haut : « je t’aime moi non plus », vous connaissez, boys ? Et du Bob Marley, vous en faites ? Non, je plaisante. Mais bon, un Lady Gaga plus tard, avec les lunettes, s’il vous plait, il est temps de lever l’ancre…

Dernière photo du reste du staff, mes nouveaux potes, faut vraiment rentrer….

HK Day1-Staff

Dernier regard sur la machine mystérieuse aperçue à l’entrée. C’est un petite presse pour graver à l’or fin le nom du client invitant pour un petit blog note… Classieux.

HK Day1-Machine

Je saute dans un taxi, qui roule comme un calu (un fada, en Marseillais), check-in au Hyatt, douche, crevé et pourtant incapable de dormir. Gros programme demain, pourtant il faudrait.

Alors, j’écris…

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