Quotidien


Bientôt un mois que je n’ai pas écrit. C’est grave, docteur ? Pourtant, les billets que je pourrais écrire se bousculent dans ma tête. Sur la vigne. Sur le vin. Sur autre chose, aussi, que j’aurais bien envie de partager mais bon, ce blog est déjà assez fourre-tout comme ça. Pourtant, ne croyez pas que j’ai rejoint ma grotte et que j’hiberne. J’ai le physique (les réserves…), l’envie aussi, parfois, mais bon, voilà, dans la vigne, il n’y a pas de temps morts. On travaille, on prépare, on remplace, on taille, bien sûr, on commence à labourer pour ouvrir un peu les sols pendant qu’on soutire, qu’on met en bouteille, déjà, qu’on prépare commandes, voyages, événements. On fait des choix, tous les jours. Un peu comme dans la vie, où l’on ne peut revenir en arrière. En plus complexe, en plus intense, en plus vivant. Vinifier, au final, c’est décider – vite, toujours, bien, qui peut le dire ?. Il faudrait que je fasse des billets courts, plus souvent. Je sais. Mais changer, c’est difficile.

Que vous dire ? Je vais bien, tout va bien. Pour un vigneron, ne vous méprenez pas sur le sens de la chose. Il ne s’est rien cassé. Pas d’accident grave non plus chez ses collaborateurs, sorte de grande famille. Des vins qui continuent à quitter son chai. Sa famille roule et il a passé un peu de temps avec ses enfants pendant les vacances d’hiver, voire quelques jours au ski comme j’ai réussi à le faire. Après, on taille, bien sûr, beaucoup en ce moment. Sans moi, cette année : je le regrette tous les jours où il fait beau, pas ceux où le temps est humide et où la Tramontane à 100 km/h veut vous renverser sans cesse et vous glace le sang et les os, sans répit ni la moindre pitié. Je devrais mettre des vidéos de l’équipe, les mauvais jours, pour que le «grand public» se rende compte de la punition que c’est. On va bientôt rentrer dans la gestion de la pénibilité, une nouvelle usine à gaz impossible à mettre en place en agriculture, mais que l’on va quand même imposer alors qu’on veut nous «simplifier» la vie. J’ai vraiment parfois, en temps qu’entrepreneur, l’impression d’être sous la direction d’un pervers narcissique, qu’il s’appelle François Hollande ou Nicolas Sarkozy. Le discours est plein de bonne volonté, on vous caresse dans le sens du poil, on vous dit, pas plus tard qu »au salon de l’agriculture, que vous êtes sympa, méritant, essentiel et vlan, de l’autre main, on vous met une nouvelle contrainte, un nouvel impôt ou taxe, une nouvelle limite, une nouvelle interdiction ou obligation. L’impression d’être une marionnette en chiffon, sans volonté et sans fierté tant j’accepte de choses. L’impression de vivre vraiment, certains jours, sous un «joug» que je sens réellement autour de mon cou, qui m’étrangle et me pèse à la fois, me courbant. J’ai sur le feu une lettre à mon cher premier ministre, du genre à celle que j’avais faites à un ancien ministre, parti faire le beau en Europe, sans qu’il n’ait la moindre idée des conséquences de son passage.. Mais bon, est ce vraiment la raison d’être de ce blog ? Qui a dit : se révolter, c’est rester jeune ? Personne ? Ben alors, voilà, c’est fait. Voilà sans doute le secret de mon apparence juvénile… En ce moment, je suis un peu à fleur de peau, sans doute une nouvelle crise de phobie administrative, et j’ai l’impression que je ne suis pas le seul, la Jacquerie n’est vraiment pas loin…

Bon début d’année, je n’ai pas à me plaindre, les vins plaisent et ça me fait plaisir. Mais mon Dieu comme le monde est devenu complexe ! Un rouble qui descend, un dollar qui monte, un importateur qui vend, un autre qui démarre, rien n’est un long fleuve tranquille dans ce métier. Aussi passionnant, parce que c’est aussi difficile ? J’ai du déjà le dire, non ? Toujours de nouvelles idées, voilà qui me rassure.

Bon, voilà, j’ai repris, je vais tenter de faire des petits billets plus souvent, c’est promis. Tiens, demain, assemblages.

7 commentaires

  • Agnès C
    25/02/2015 at 9:41 am

    Bonjour Mr Bizeul
    Autant je comprends que la complexité administrative soit un fardeau pour les entrepreneurs, comme elle l’est pour les autres citoyens (salariés, retraités, fonctionnaires…), autant je me désole que la prise en compte de la pénibilité au travail ne soit pas prise en compte automatiquement par les employeurs. On est obligé de légiférer pour tout, et vous saviez bien pourquoi!, parce que on n’a pas tous la même notion de l’honnêteté, de l’altruisme, de l’empathie, de la prévention, de la responsabilité! Que pronez vous pour simplifier (je me rappelle vous avoir lu détaillant les déclarations administratives à faire pour vos récoltes,… j’en étais effarée)? Hélas, je ne sais pas s’il y a une solution à cela. Travaillant dans un pseudo « service public », je vois bien que la dérèglementation et la simplification se font au détriment des plus faibles ou moins bien nantis.
    C’est démoralisant.
    Pour soigner momentanément ce désespoir, sachez néanmoins que ce soir nous allons découvrir 4 de vos vins…

    • Hervé Bizeul
      25/02/2015 at 10:19 am

      Désolé si j’ai donné l’impression du désespoir, c’est plutôt une grosse fatigue. Encore une fois, le Clos des Fées assumera parce que nous avons atteint une taille qui le permet. Bien sûr, tout cela part d’une bonne intention. Mais, encore une fois, l’application pratique est rejetée sur des entreprises minuscules qui n’ont absolument pas les épaules, les moyens, les ressources pour faire tout cela. Parce que tout cela, ce n’est pas leur métier. Trop de décalage entre la cabine du capitaine et le banc des galériens. Rien de changer en fait. Au final, des dizaines de milliers d’entrepreneurs sont en train de se décourager alors que ce sont eux qui auraient peu relancer la machine. Bonne dégustation ce soir !

  • Agnès C
    25/02/2015 at 10:04 am

    Ah oui, pour info, j’avais oublié, pardon
    http://www.travailler-mieux.gouv.fr/Viticulteur.html

  • Pascal
    28/02/2015 at 10:11 am

    Que ce soit dans les normes administratives ou dans les normes que les entreprises s’imposent (une façon parfois de se mettre un sac de 100 kilos sur le dos avant de courir un marathon), on retrouve le même désir : régler les 2-3 % d’anomalie en contraignant les 97-98 % de normalité. Ce serait comme d’obliger des valides à se déplacer dans un fauteuil, au lieu d’aider simplement les personnes à mobilité réduite. Certes, il y a, par exemple dans les entreprises, une partie d’employés qui ne font pas bien leur travail. Mais au lieu de les obliger à faire bien, ou mieux, on ajoute des normes pour la totalité. Résultat : ces normes étant de plus en plus contraignantes, personne ne les suit, donc personne ne fait son travail correctement. Donc on ajoute une nouvelle norme, avec bien sûr une nouvelle équipe de contrôle, dont la première production serai de rajouter une énième norme pour justifier son existence. La suite vous la connaissez, comme le bateau s’enfonce au fur et à mesure qu’il ralentit, on cherche de nouvelles règles et on agrandit l’équipe chargée de les appliquer.

  • Pascal
    28/02/2015 at 10:14 am

    Petite anecdote : j’entendais une fois Fabrice Lucchini comparant les patrons de gauche et les patrons de droite. En gros, en Lucchini résumé, çà donnait quelque chose du genre : « le patron de droite, tu sais qu’il va t’enc… Et il t’enc… ! Le patron de gauche, il arrive, il te parle bien, il te caresse dans le sens du poil, 35 heures, tout çà, et la fin, il t’ENC… !!!

  • pphilippe13
    04/03/2015 at 10:33 pm

    Bonsoir
    Je sais que c’est très politiquement incorrect, mais tant pis ! A quel moment un salarié agricole qui a passé une grande partie de sa vie sur un tracteur , le restant à tailler en plein froid ou à relever les fils en plein cagnard. A quel moment à t’il le droit de se retirer de la vie professionnelle si on a pas les moyens de mesurer les difficultés qu’il a pu rencontrer au cours de sa vie ? Si ce n’est son employeur qui le fera ?
    « pour que le «grand public» se rende compte de la punition que c’est… »
    C’est le moins que nous pouvons leur rendre.

    • Hervé Bizeul
      05/03/2015 at 7:24 am

      Cher Philippe, c’est toujours politiquement correct que de s’occuper du bien être des personnes. Tout le monde sait (ou devrait savoir) qu’ouvrier viticole est un des plus usants métiers actuels. Mais est le rôle de l’entreprise, souvent unipersonnelle ou minuscule, de tenir tout au long de la vie du salarié une sorte de registre qui décide quand il a souffert ou pas ? Ne pourrait-on juste pas lui donner le droit de partir un an ou deux à l’avance ? Non, on retarde de la main gauche son départ à la retraite pendant que la main droite, soi disant, augmente ses droits. Le soutient-on dans sa peine en diminuant ses charges à défaut de sa charges ? Non, on supprime en même temps le contrat vendange et on lui donne pas, de toute façon, accès é cet avantage qui était réservé aux saisonniers ? Bref, rien de concret pour lui, car il ne peut bloquer les routes, les trains, les avions, les écoles. Tout cela est d’une grande hypocrisie et, quelque soit le bon vouloir, une PME ne peut pas tout faire à la place des fonctionnaires dont c’était autrefois le travail et qui, ce travail étant trop dur (sic) se contente de « contrôle sur pièces ». Dans tous les cas, le vigneron, déjà harcelé par dix autres services, ne peut tout faire, c’est tout simplement au dessus des forces d’un homme (même de Monsieur Macron…) et au final, il se sent en permanence en faute, comme un criminel en puissance… Vaste problèmme. En attendant, respect pour ceux qui taillent aujourd’hui…

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