Complantation


Après les buses, les trous. Pas des petits, des gros. Du genre taupe géante. Ou vers de terre monstrueux. Ca ressemble à la lune, aussi. Enfin, à ce qu’on veut. L’essentiel est d’avoir de l’imagination.

Tarière trou

Ce qu’il y a d’étonnant, dans un blog, c’est que vous ne savez jamais ce qui va intéresser vos lecteurs. Apparemment, ma vie quotidienne, le terrain, quoi, ça vous intéresse plus que mes considérations philosophiques, vu les commentaires sur mes buses. C’est la vie.

Je me suis toujours un peu retenu, en fait, d’expliquer mon quotidien, mes travaux au jour le jour, persuadé qu’un vigneron «de souche» le ferait mieux que moi. Ou serait plus légitime de le faire, parce qu’au niveau conduite du tracteur, la buse, c’est moi. Mais bon, au niveau des travaux de base, les vignerons sont aussi silencieux que sur le reste. Comme s’ils n’avaient pas encore compris que le monde changeait. Qu’il y avait depuis fin 2011 à quelques mois près, davantage de comptes Facebook que d’habitants sur terre en 1850. Là, on doit être à 1900…

Alors, on complante. Doucement, hein, pas partout. D’abord parce que c’est super cher. Ensuite parce que c’est super long. Enfin parce que c’est super risqué. Et surtout, parce je me dis parfois que c’est surtout très arrogant. Ici, la terre ne vaut plus rien, vous le savez désormais. Pourtant, comme disait l’autre, «achetez en, on en fabrique plus». Et donc, la question de la complantation n’a rien à voir avec celles de régions prestigieuses. A la Romanée-Conti, par exemple, si une vigne meurt, normal qu’on la complante, c’est à dire qu’on tente de mettre un jeune pied à la place de celui qui est mort. Sinon, un jour, on va tout arracher et je vous dis pas le manque pendant quelques années. Mais chez nous, en fait, il vaut bien mieux planter, repartir de zéro, dans le bon écartement, sur des terres bien reposées, bien préparées, avec le bon matériel végétal.

Alors, pourquoi complanter les vieilles vignes, pourquoi vouloir remplacer les disparus, qu’il faudra soigner différemment pendant de longues années, vendanger et vinifier séparément ? Sur des vignes de 10, voire 15 ans, ç’est justifiable car elles ont encore une vie devant elles. Mais ici, sur des terroirs pauvres et caillouteux, qui vont nous poser problème tout l’été, avec des voisines de 60 ans qui en plus ne vont pas se laisser faire et vont concurrencer à mort, à vrai dire, je ne sais pas. Sans doute parce que c’est ça ou l’arrachage, en fait, et que je peux me résoudre à les arracher. Alors, on y va, nageant dans ce «temps long» qui me fascine, m’entoure, me fait faire des choses dont je ne verrai pas la fin, comme certains hommes qui, à 70 ans, font des enfants alors qu’ils savent qu’ils ne les verront jamais adultes. Tout ça pour dire que, tout le monde l’a sans doute remarqué, dans complantation, il y con…

Anyway, on trouillote. Ca se fait avec une tarrière, un outil un peu barbare mais qui prend tout son sens quand on doit faire mille trous…

Tarière TracteurJe me souviens d’une fois, il y a quinze ans, où mon voisin Charlou, paix à son âme, me montra par une belle matinée d’été comment on faisait les manquants, où plutôt comment on les faisait dans le temps. « Alors, tu vois, c’est assez simple, tu commences à faire un trou de 50 cm x 50 cm x 50 cm. Tu enlèves les cailloux. Après, un seau à vendange de fumier de cheval par trou. Et puis tu plantes. Et tu n’oublies pas d’arroser quatre fois dans l’année».

Pour bien comprendre l’intérêt de la tarrière, je ne saurais trop vous conseiller de prendre une pioche, ce week-end, et commencer, pour le plaisir, à faire un trou de 50 cm x 50 cm x 50 cm… Même si vous n’êtes pas dans l’argile gentiment «nougatté» de carbonate de calcium, ce calcaire urgonien d’une dureté légendaire, vous devriez comprendre l’énergie que cela demande. Alors, mille…

Bon, après cette gentille matinée de formation où Charlou se moquant gentiment du mollusque que j’étais devenu après trois trous alors qu’à 70 ans passés, il en avait fait cinq fois plus, je changeais d’opinion sur l’intérêt de faire «les manquants» sans tarière et surtout dans certains terroirs où ce n’est pas une tarière qu’il faut mais de la dynamite (on l’a fait aussi…).

Là, on est au Mas Farine, il y a un peu de bonne terre et dans quelques jours, quand on aura aplani à la pioche, mis de la matière organique dans le trou, tracé, on mettra avec émotion quelques plants de grenache blanc de compétition et se disant qu’on est sans aucun doute cinglé. Mais bon, on ne se refait pas.

P.S. : j’ai mis une vidéo sur FB parce que je sais toujours pas comment les mettre ici… Désolé.

4 commentaires

  • ND
    12/03/2015 at 9:00 pm

    Également j’aime bien les billets concernant les différents chantiers. D’ailleurs je me demande ce qu’est devenu la parcelle plantée il y a pas trop longtemps. https://www.closdesfees.com/blogs/2012/07/07/2026/

  • Pierre
    13/03/2015 at 6:36 am

    Il est vrai que ce travail de tout les jours représente un véritable intérêt dans le lien qu’il crée entre le clos des fées et nous (lecteur tranquillement derrière un écran).

  • Jean-Jacques Salvat
    13/03/2015 at 2:00 pm

    Complanter: donc mélange d’ages et de cépages.La vigne d’origine est elle en grenache blanc?
    Si ce n’est pas le cas on s’achemine vers un assemblage à la parcelle…
    Le vecu, l’histoire et la mémoire , la terre, la souche sont essentiels pour comprendre le vigneron et son vin.Merci

    • Hervé Bizeul
      13/03/2015 at 2:52 pm

      C’était déjà une vigne complantée, en Grenache trois couleurs. Il restait surtout du gris et du blanc, mais bon, en même temps, les morts ne peuvent plus nous donner leur couleur… Donc, la complantation va orienter la vigne vers 100 % de grenache blanc à terme.

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