Le temps long ou la plantation pour d’autres


J’ai dû écrire sur le temps, non ? J’ai un vague souvenir… Faudrait que je recherche. En même temps, si je recherche, je vais trouver et je ne vais pas écrire. Dilemme. Bref, le temps long, je pensais encore à lui en regardant l’équipe du Clos des Fées planter un petit hectare de Grenache blanc sur nos terres noires d’Espira. Désolé sur la photo, c’est noir sur noir, vu le temps pourri de ce mois de Mars ici…

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Une plantation de plus. On les fait nous même, désormais, las de courir après des planteurs médiocres qui ne pensent qu’au rendement, étant payés au pied planté. Là, on a pris le temp de tracer, droit, ce qui n’est pas facile à cause d’une butte et d’une foultidude de pointes. Mais on n’est jamais si bien servi que par soi-même, disait ma grand-mère, et dans la vigne comme dans le vie, il n’y a rien à jeter dans ces vieux proverbes. Las de voir nos filins bouger avec le vent, on a fabriqué nos chaînes, ce qui nous permet de bien les tendre sur les cailloux et de planter sur les marques. Là, tous les 90cm. On aime bien les vignes alignées… Et puis au moins on met les bourgeons face tramontane, comme le faisaient les anciens, ce qui est loin d’être un détail…

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Combien de vignes vais je encore planter ? Pourquoi planter encore ? Le vigneron est pris dans une multitude de « temps » (enfin, la plupart du temps, il est dans l’urgence), mais aujourd’hui il faut bien me rendre à l’évidence : vu mon âge et à moins que la science fasse des progrès considérables au niveau nano-molécules réparatrices ou régénération des organes avec des cellules souches, je ne verrai pas cette vigne dans la force de l’âge, c’est à dire dans trente ans. Pour autant, je continue à faire comme si…  Vanité ? Inconscience ? Chacun ira de son commentaire, s’il le souhaite, pour ma part, à dire vrai, je crois que c’est dans ma nature d’aimer le travail bien fait, de les faire «dans les règles de l’art» et, croyez moi, cette vigne aura été plantée en ce sens : Défonçage soigné pour éviter le court noué, broyage de cailloux dans une petite lune pour éviter des zones infertiles, fumier de bergerie composté, et bien sûr, essentiel chez nous, des arrosages les deux premières années, parce que sinon, déjà qu’il n’y a rien à manger, si en plus il n’y a rien à boire…

plantation2014:3Bon, c’est fini, ça a quand pris beaucoup de temps, mais cet investissement dans les détails, croyez moi, on le récupère pendant soixante ans. Ou plus. Quelqu’un, un jour, me remerciera t’il, silencieusement, en vendangeant cette vigne, alors que je ne serai que poussière et oubli ? J’en doute, mais qui sait, après tout. La vigne est replantée, sa voisine Maccabéo, appartenant au domaine des Mathouans, semble soulagée d’avoir un nouveau jeune et beau voisin…

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2 commentaires

  • Guillaume Gondinet
    13/04/2015 at 5:03 pm

    Je rebondis sur le court-noué: au vu de la concurrence hydrique et nutritique, est-il imaginable d’y semer des plantes antagonistes du nématode Xiphinema index (à vos souhaits)?

    • Hervé Bizeul
      17/04/2015 at 9:32 am

      Il y a très peu de court noué chez nous. Et beaucoup de terres disponibles et en repos après un défonçage soigné. Le foncier étant bon marché, il est possible de revenir à de bonnes pratiques agricoles, c’est à dire le long repos des terres avant plantation…

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