Miscellanées – En avril


Drôle de temps. Le genre à ne pas se découvrir d’un fil. Dans des deux sens du terme, d’ailleurs. Le temps qu’il fait et le temps que l’on vit.

Celui qu’il fait, en mars, je dirais qu’il fut incroyablement mauvais. Bon, à Pâques, ici, il fait rarement beau, ll faut le dire. La fin de semaine était ventée, dirons-nous, c’est à dire que l’on ne pût sortir tellement il y eu de vent, un vent à décorner les bœufs, en fait. Dans le village, la chose était encore supportable. Mais dès que l’on montait vers le nord, Opoul, ou l’ouest, Embres, c’était insupportable. Lundi, en revanche, avec ces incroyables sautes de temps que le Roussillon affectionne, c’était le rêve. Quoi qu’il en soit, et si l’on s’occupe un tant soit peu de cultiver les choses en général et la vigne en particulier, mars fut glacial. Tous les matins, 2 à 3 ° selon les terroirs, limite gelée blanche, alors que que la météo des chaînes de TV nationales annonçaient 8°. Je sais pas où ils les trouvaient, ces 8°, peut-être sur la plage, au lever du soleil. Pas à Vingrau. Printemps humide, froid, tramontane, ça pousse lentement, quand ça pousse, de nombreuses vignes n’ayant pas débourrées, à peine au stade «bourgeon dans le coton». Le millésime commence à se former.

Sur les terres détrempées, une semaine de vent à 100 km/h, ça vous fait une croûte dure comme du béton et la pauvre Magali, dans certaines parcelles, n’était pas loin j’en ai peur de renoncer, sa charrue glissant sur une terre qui paraissait comme durcie par une cuisson naturelle. C’est le problème de cette argile dont on pourrait faire des pots : les vins sont armés pour 30 ans, quand ils sont vinifiés pour ça, mais les sols, à cultiver, c’est la croix et la bannière. Bon, j’en ai déjà parlé, du labour, je vais pas y revenir.

Semaine à fond. Comme toutes les semaines, en ce moment. La préparation de notre grand événement au Bristol, le 18 mai, bat son plein et il a fallu décider et organiser une foule de choses. Je sais, vouloir « produire » soi même un tel événement est franchement gonflé. Mais je crois qu’on peut le faire. Reçu en début de semaine une invitation pour un autre événement à Paris, le même jour, organisé par Hubert. Le Hubert du vin, pas le uber des taxis… Hubert de Boüard consultant, à la Monnaie de Paris, dans le nouveau restaurant de Guy Savoy… Quarante châteaux, domaines et propriétés derrière lui, sans doute. A ma droite. Organisation et équipe de la mort, moyens illimités. Talent, aussi, bien sûr. Et charme. A ma gauche, un vigneron du trou du cul du monde, avec sa garde rapprochée. Bon, j’ai Éric Fréchon dans mon équipe, faut pas non plus se faire passer pour Cosette en permanence. Et puis quelques idées. Et quelques amis. Un beau «combat» en perspective, plein d’enseignements, je l’espère, quoi qu’il arrive. Et sans doute aussi, le même jour, d’autres dégustations, qui sait. Viendrez vous ? On verra bien.

A Hong-Kong, la dernière fois, j’ai rencontré un homme fascinant, tycoon de l’internet en Chine, qui m’a expliqué le nouveau challenge des grandes marques : le O to O… Le Online to Offline. Ca m’a intéressé. Il n’y a pas de monde virtuel, en réalité, cher lecteur, comme on l’entendait il y a quinze ans, au début de l’aventure internet. Il y a un monde numérique, Online, certes, mais c’est un VRAI monde, où les « marques » ont une vraie vie, de vrais amis, de vrais clients, de vrais ennemis aussi, sans doute. Comment rencontrer ces relations numériques ? Dans la réalité, dans la vraie vie ? Comment leur faire goûter votre vin alors qu’ils ne connaissent parfois que votre marque, votre région, votre AOC ou vous, à travers le web, sur Facebook, sur Twitter, où ou sur je ne sais quelle application au nom exotique, voir inconnu, qui regroupe des communautés de plusieurs dizaines ou centaines de millions d’utilisateurs ? Qui sont ces milles et quelques personnes qui me suivent (me suivent, quel mot étrange, à tant de sens…) sur Twitter, truc dont je ne sais même pas me servir ? Tiens, et mes je ne sais combien « d’amis » sur Facebook ? Les ai-je déjà croisés, sans avoir eu le temps de vraiment les connaître ? Vont-ils ou elles me demander une invitation pour le Bristol ? Ou vont elle se contenter de lire, parfois ? Vont-elles, un jour, m’acheter une bouteille, à moi, à un caviste, dans un restaurant ? Qu’il est difficile de comprendre le monde dans lequel nous vivons, en si rapide mutation. Qu’il est passionnant, aussi, ce monde. Que de possibles n’ouvre t’il pour un petit domaine tel que nous… Toilettage de fichiers, invitations, clients, membres de la « communauté Clos des Fées », tous, j’espère, ont été désormais invités. Uniquement sur Paris Région Parisienne ; par peur de déranger, trop souvent, nos clients, sans doute fais je en vexer certains ? Les premières réponses rapides, tout le monde semble trouver cela « courageux » et « enthousiasmant ». Wait and see.

A  Bordeaux, la semaine des frimeurs est terminée. Ce n’est pas une faute de frappe mais un bon mot que l’on m’a rapporté et qui m’a fait sourire. Il fallait y penser. Je n’y suis pas allé cette année, j’ai avoué publiquement que cela m’avait manqué, fort honnêtement je crois, alors que je peux bien me moquer un peu des faiblesses du genre humain en général et des vignerons en particulier. Si tous ceux qui ont participé avaient acheté une caisse de cru classé, la pénurie serait proche, mais bon, on va attendre les notes, la tendance. Dès quelles seront sorties, les vignerons noteront à leur tour, dans l’intimité bien sûr, les journalistes : bonne note, il goûte bien. Mauvaise note, il goûte comme un pied (je reste poli, dans la vraie vie, c’est un peu plus cru…). Puis un autre millésime viendra. Un pronostic en passant, cette année, on redécouvrirait les 2007 que ça ne m’étonnerait pas. Je vais me pencher sur la question, mais mon long nez me dit que c’est le vin à ouvrir en ce moment pour ceux qui en ont, à rechercher sur la place pour ceux qui n’en ont pas. Grand respect pour Jacques Dupont, qui a labouré le ban et l’arrière ban de la campagne bordelaise pour s’occuper de tous ces « Bordeaux d’en Bas » qui, pourtant, correspondent si bien à ce que l’honnête homme recherche. On trouvera ICI ses dix billets sur sa semaine primeurs, en tout point remarquables, au point que j’eusse été fier de les écrire et que certains seront honteux de ne pas l’avoir fait. Ah, pour finir avec le sujet Bordeaux, je vous conseille de vous abonner à la charmante lettre de mon jardin de mon vieil ami Jean-Cristophe Estève (ICI). Il vend du vin, son fils aussi, avec constance et honnêteté. Sa lettre, régulière comme un métronome, parle de son jardin, des plantes et du ciel et de vignerons qui sont, comme moi, dans la réalité et le quotidien, dans tout ce que ces mots ont de noble et beau. Il me fait penser à Alphonse Karr, grand journaliste, auteur et jardinier injustement oublié. Grand aphorisme, aussi. Tiens, je vais émaner cette semaine de voyage de ses maximes, ça changera de Spinoza, hein. Commençons, si vous le voulez bien.

«Chaque homme a trois caractères : celui qu’il a, celui qu’il montre et celui qu’il croit montrer»

ou

« L’on passe la première partie de sa vie à espérer la seconde, la seconde à regretter la première ».

ou encore :

«La vérité est le nom que les plus forts donnent à leur opinion».

Il eut pendant des années un commerce de fleur à Nice, où je vécus moi-même quelque temps des jours heureux, ce qui me le fit le connaître. Lui aussi écrivit de très jolies «lettres de mon jardin» ce qui me fait penser à lui ce matin. Je me souviens d’un passage charmant, une charmante histoire de pauvres s’appropriant en imagination le jardin du Luxembourg et celui des Tuileries, et où l’héritage de l’un fut la fin de son bonheur et de leur amitié. J’essaierai de retrouver le passage.

Ce lundi, c’est le moment, quand on est pauvre, ou économe, ou rusé comme un renard ou encore très con, (vous choisirez) de faire croire aux enfants que les cloches avaient du retard cette année : les chocolats sont soldés à -50 % chez Carrefour, et ailleurs, j’imagine. C’est un peu comme fêter Noël et le 31 à la mi- janvier, c’est moins drôle, mais qu’est ce que c’est moins cher… En parlant de Carrefour, vu une nouveauté au rayon jambon. J’ai beaucoup d’empathie avec les chefs de produit marketing des grandes marques de charcuterie, parce que ça doit pas être un job facile, créatif dans le jambon. Louisa, grande gourmande et fine gueule, m’avait signalé le nouveau « grandes tranches » de Fleury-Michon, au packaging orné d’un beau macaron « savoir faire charcutier Français ». Et bien contre toute attente, ce jambon, les amis, il est fort bon. Je vous le conseille.

C’est vraiment n’importe quoi, ce billet hebdo, hein. Quoi d’autre ? J’ai du mal à finir le dernier Fred Vargas (pour la première fois…), je suis saturé du dernier album de Cristine and the Queen, mais c’est sans doute parce que je l’avais acheté à la sortie, et plein d’autres choses, encore, bien sûr, mais ça va faire trop long. Troplong. Putain, déjà un an que Christine est morte. Chienne de vie.

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