Vernaculaire


Vernaculaire. J’adore ce mot. Je l’ai appris tardivement dans ma vie, quelques années après mon installation, en faisant un plan dont je ne me souviens plus du nom, où l’on me proposait de sauver et d’entretenir l’architecture vernaculaire de mon «Domaine». A l’époque, je n’avais que bien peu de vignes, mais beaucoup de cailloux et, sans le savoir, beaucoup de bâtiments vernaculaires.

Un truc vernaculaire, c’est un truc qu’on fabrique soi même, que l’on obtient pas par l’échange. Ca se fait rare, depuis que la Chine est devenue l’usine du monde. Ca vient de Venaculus, indigène, en Latin. Je vais pas faire mon petit professeur, si vous voulez en savoir plus, c’est ICI, comme d’hab, merci Wikipédia. Avant, ici (avant, c’est il y a moins d’un siècle), il n’y avait que des trucs vernaculaires, hein. Le menuisier était local, la viande, les légumes, le fromage, et bien sûr, l’architecture, puisque c’est de cet emploi là dont j’avais envie de vous parler depuis un moment; Après, si vous êtes vigneron, vous pouvez vous la jouer en indiquant, nonchalamment, au détour d’une conversation, que «vos levures sont vernaculaires». Ca le fait. Pour un caviste aussi : voyez vous, ce vigneron reste profondément vernaculaire… Hum. Pensez à expliquer, on pourrait penser à d’autres choses…

Donc, on y arrive, j’ai un grand respect pour tout ce qui est vernaculaire chez moi. Ma maison (1870), mes murs, mes citernes et mes cazots. Le concept du vernaculaire, c’est que c’est souvent affreux, au départ, parce que c’est fait dans l’urgence, avec les moyens du bord, les ressources qu’on a sous la main à ce moment précis c’est à dire souvent pas grand chose à part ses deux mains, un goût souvent incertain car peu influencé par le monde extérieur et bien sur les matériaux du cru, de la paille, de l’argile, des pierres, un peu de calcaire, de gypse parfois et des branches ou des troncs.

Cette architecture, ici, en dehors de quelques murs faits il y a bien longtemps, elle doit beaucoup à l’après guerre, à l’arrivée du ciment, de l’armature métal, puis des parpaing. Bof, donc. Et pourtant cela me plait.

Il y a des refuges, laissés dans le mur, parfois pour un homme, parfois pour une raison aujourd’hui oubliée. Il y a des citernes, bien sûr, un peu partout, à l’époque où l’on sulfatait à la machine à dos et où l’on avait rien pour transporter l’eau sur les parcelles. Il y a des cazots, en pierres sèches, plus ou moins bien faits. Et il y a ceux horribles, faits sans penser une minute à leur impact esthétique, le mauvais goût étant, nous le savons tous, la chose la mieux répartie au monde, ne serait ce que parce que le bon goût, c’est le sien et le mauvais, celui des autres.

Je vous ai fait quelques photos, il y aurait tant à dire que ça nous occupera, à l’occasion, histoire de laisser des traces…

Un cazot très vernaculaire destiné à abriter les chevaux, pas beau, mais pratique.

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On remarquera la recherche pour le bien être des animaux, l’essentiel, après tout, dont une magnifique récupération d’un bassin émaillé. Nous dépanne bien quand Magalie vient labourer…. On voit bien le bricabrac (et du coup le charme…) des matériaux de récupération…

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Une citerne de vigne, comme il y en a tant, pratiquement toutes construites de la même façon, dans les années cinquante : approximativement 2 x 2, murs en pierres coulées dans le ciment, grand sol lisse sur le dessus avec trou de récupération en point bas et trou d’ouverture pour puiser l’eau. Et la plupart du temps accompagné d’un tube en béton, type conduite, vertical, détournée de sa fonction orginelle afin de servir de récipient de mélange pour la «bouillie», à l’époque le plus souvent du souffre qu’on tentait tant bien que mal de dissoudre dans l’eau et bien sûr de bouillie bordelaise, préparée home made parfois.

Venaculaire1A l’époque, monter les matériaux ici n’était pas simple. Les voitures étaient rares, il y avait encore plus de 80 chevaux à Vingrau, peut-être un TUB, mais je n’en suis pas sûr, alors que le type H venait de sortir. Il gardera le nom vernaculaire de tube, ici, il en roule d’ailleurs encore au moment des vendanges, alors que l’on a oublié de puis longtemps le sens des initiales : Traction Utilitaire Basse… On se prend à réver d’un utilitaire aussi simple et pas cher, conçu aujourd’hui… Je m’éloigne, je m’éloigne… On était fier, à cette époque, de ces jours passés à construire, en s’entraidant, la citerne permettant seule la culture, et l’on mettait alors la date de fabrication pour laisser une marque dans l’univers, luttant ainsi contre l’entropie qui nous transforme tous en atomes, un jour ou l’autre. Bon, je suis pas sur que le raisonnement fut aussi profond, mais la marque est bel et bien là…

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Dans le genre vernaculaire, un double mur, très typique.

Le premier est construit au moment du défrichage de la parcelle. Après plusieurs années et sous l’effet du labour permanent, il faut continuer à sortir les pierres des vignes et, n’ayant aucun moyen de transport sous la main, on les empile sur une deuxième rangée. Souvent, cela permet de voir que la parcelle a changé de main et/ou qu’un savoir faire s’est perdu. En effet, au niveau des murs en pierre sèche, il y avait des bons et des mauvais, comme partout….

doublemur

 

Voilà voilà… Je me demande toujours si ce genre de post est intéressant. Mais bon, je n’ai pas de chai fait par un architecte vedette (il y a désormais des «chais d’architectes» comme il y a des «maisons d’architectes»), pas de château du XVIIIème, alors on fait avec ce qu’on a…

Je me demande si je faisaisun petit film sur mes cabanes de bouseux si B & D le mettraient sur le site, vu qu’ils diffusent maintenant des films de pub, comme celui de Cos d’Estournel, ICI, ode à son propre génie. Comme dit l’autre, il est important de dire du bien de soi même, d’abord parce que sinon personne ne le fera à votre place, ensuite parce qu’on aura vite oublié la source de l’éloge et non l’éloge lui-même. Étonnant que ça ne gratouille personne quand même, ce va et vient désormais permanent entre la pub et le journalisme…

Bon, je dis ça, hein, je dis rien…

3 commentaires

  • Michele Chantome
    29/04/2015 at 2:54 pm

    Tu dis ça tu dis rien, mais tu dis quand même, mine de rien et c’est très bien comme ça ! Ne change rien Hervé !!!

  • Jean-Jacques Salvat
    02/05/2015 at 2:33 pm

    Pour approfondir la connaissance des murettes, casots, agulles etc, voir sur le site du CAUE( Conseil d’Architecture, d Urbanisme et d’Environnement des Pyr Or), un important dossier technique ( a télécharger: fiches pratiques/pyr or/paysages cote vermeille) sur les paysages et terrasses de la cote vermeile.

  • Michel Smith
    22/05/2015 at 1:02 pm

    Vas-y, fais-le ce film ! 😉

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