Miscellanées – En juin


Le temps file. Les vendanges, déjà, au bout de l’été, demain…

Comme le chante Michel Fugain, «Je n’aurai pas le temps…». Quelle belle chanson. Il y en eut tant d’autres. En Juin, j’ai donc ré-écouté un peu de Michel Fugain. Nostalgique. Les classiques, bien sûr, ceux de mon enfance mais aussi le chiffon rouge, une grande chanson qui marqua la fin de la sidérurgie française. Il y en a de plus gaies, heureusement, de plus légères. Mais celle là pourrait bien refaire un hit bientôt…

La légèreté, en mai et en juin, on l’a cherché. Trois semaines de temps de Toussaint, un vent permanent, des fenêtres de traitement étroites, au lever ou au coucher du soleil, la nuit, le week-end. Le millésime, en partie, s’est joué cette année fin mai, sur un ou deux poudrages. Ceux qui l’ont fait auront des vignes saines. Pour les autres, ce sera plus compliqué.

Un vendredi, ce fut un peu l’enfer. Démarrage dans la nuit, traitement des oliviers, puis les vignes de la Chique. Sieste, casse-croûte, puis c’est reparti pour une soirée poudrage à Vingrau. On mange un bout de tomme, délicieuse, apporté du Saint-Gothard par un client fidèle, en regardant les tracteurs prêts à partir. On a déjà 12 heures dans la pattes et la journée est loin d’être finie. Pourtant, tout le monde est fier et a envie de se donner à fond. La passion, que voulez vous. L’intime conviction que son travail va participer à l’élaboration d’un grand vin. Ca aide.

Soufre1

Vers 21H, le ballet de tracteurs bat son plein. Le soleil se couche, pas de vent, la poudre bienfaisante se répand sur les vignes, encadrant la floraison. Sur celles du voisin aussi et c’est tant mieux. Je me souviens des anciens qui, bien plus intelligents que nous, se donnaient le mot pour aller traiter le même jour dans le même secteur, démultipliant ainsi l’effet du poudrage, le mutualisant en quelque sorte. En Juin, j’ai appris, tient, un proverbe Africain : »seul, on va plus vite. A plusieurs, on va plus loin». A méditer.

Soufre3

Trois tracteurs, deux véhicules qui précédent, positionnant le soufre sur chacune des parcelles. 130 parcelles sur 25 kilomètres autour de la maison, c’est romantique, mais à l’usage, contraignant. Mais cela compte, sans aucun doute, dans la complexité du vin. Alors… Ah, pour ceux qui savent pas, c’est bio, hein, le soufre. Un peu irritant, c’est rien de le dire, mais au moins, on a pas de mycoses quand on est vigneron… En 6 heures, tout est plié. A minuit, un peu plus d’une tonne de soufre en place, bien collé à la feuille et à la fleur. Rassurés, on va dormir, l’impression du devoir accompli.

Soufre2

En juin, j’ai vu des artistes de l’hélicoptère à béton sur leurs drôles de machine. Vous ai je dit que nous construisons une petite cave et un petit local de stockage ? M’en souviens plus. Enfn, là, bluffé par des pro, par leur tour de main, par leur sens du «touché», tant ils «sentent» la matière en train de sécher, la remouille, passe jusqu’à sentir que le grain est parfait. Chacun son métier. Respect et humilité, Messieurs.

Béton

En juin, la vigne a fleuri et bien fleuri. Il n’y avait pas d’énormes sorties mais la fleur s’est bien passée, homogène, sans coulure ni millerandage. Le potentiel est là, attendons de voir s’il sera exploitable et exploité. C’est le cas aussi à Bordeaux, pour ce que j’en sais, et les vignerons se réjouissent d’avoir enfin là bas, un peu de vin après des années chiches. Ailleurs, je ne sais pas, mais les commentaires sont là pour ça. Chez nous, ce sera peu, comme d’abitude. Mais de source sûre, pas ou peu de Drosophilia Suzukii sur les cerises, trop chaud et trop de vent cette année, et donc, on peut commencer à espérer que cette saloperie soit moins virulente aux vendanges. Osciller entre espoir et réalités climatiques, voilà le quotidien du vigneron. Comme le dit je ne sais plus qui dans «En magnum», on a jamais vu un produit de luxe dépendant de la météo, donc le vin ce n’est pas le luxe». Bien d’accord. C’est très bien, au fait, la nouvelle revue de Bettane + Desseauve, je vous le conseille. Un peu compliqué à trouver en province mais un ton différent et de belles photos. A transformer.

Fleur

 

En juin, j’ai rencontré le champion du monde de sculpture sur fruit. Il m’a fait une aubergine qui a la pêche. Ca m’a fait marrer. Un peu de légèreté, toujours.

Aubergine

En juin, j’ai découvert que Lafarge avait inventé un béton liquide prêt à l’emploi en sac individuel de 30 litres, pour les bidonvilles d’Indonésie. Ca me rendrait bien service pour les murets, monsieur Lafarge. Qui connait ?

En juin, j’ai commencé la biographie de Jung. Il m’a dit que «dans l’acte de création, il y a toujours quelque chose d’imprévisible où je ne peux rien fixer ni prévoir à l’avance». Je me suis dit, tiens, on est deux ! Maintenant, je pourrai dire, Carl Gustav et moi pensons que… Je plaisante. Mes rêves sont bien moins tourmentés. Je me garde «Synchronicité et Paracelsica» pour la plage.

En juin, j’ai appris que d’après une étude américaine, 74 % des parents d’enfants de moins de quatre ans (et à partir de six mois…) laissaient déjà leurs bébés une heure par jour à jouer avec une tablette ou un smartphone. Ca m’a fait froid dans le dos. Comme d’apprendre que dans un concours de robots destinés à « intervenir dans des désastres humanitaires », un robot Coréen avait gagné en réussissant à ouvrir des portes, fermer des vannes, passer au travers d’un mur, monter des escaliers, bref, faire plein de trucs. Bizarre. Utile ? Si catastrophe nucléaire, parait-il. Dieu nous préserve.

En juin j’ai appris qu’en faisant un régime surdosé en zinc, on voyait son odorat incroyablement boosté. Dommage que je ne fasse plus de concours de sommeliers….

En juin, nous avons fait un diner chez Anne-Sophie Pic au Beau-Rivage Palace et son asperge marinée à l’anis vert, citron de menton, sorbet Verveine-réglisse m’a bouleversé avec un Clos des Fées blanc 2012. J’en fus tout retourné. L’harmonie des mets et des vins, c’est compliqué. Mais quand c’est top, on est sur le toit du monde. Merci à tous, salle, cuisine, hébergement, direction, de nous avoir toujours considéré comme des bons vignerons et traités, dès l’origine, comme des grands. Un palace, c’est ça… Avec celui là, nous aurons toujours un lien d’affection particulière.

asperge

En juin, maintenant en fait, j’ai regardé le ciel devenir menaçant, l’orage gronder, la pluie s’abattre et, me sentant minuscule autant qu’impuissant, j’ai lancé une prière vers des forces mystérieuses et ancestrales : «Seigneur, Dieux Païens, âme de la terre, s’il vous plait, pas de grêle ». Puis j’ai attendu, sachant que, quoiqu’il arrive, je devrai accepter.

Ciel

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