Miscellanées – En Juillet


Hier, j’ai découvert qu’on pouvait m’écrire sur mon adresse @gmail, ce que font, depuis des mois, des lecteurs abonnés à mon blog, sans que je n’en sache rien. Ouahhh. Ca m’a fait un bien….

Alors j’ai remonté le temps, trouvé quelques mots, quelques phrases, de longs textes, des «merci», des «bravo», des «accrochez-vous», des «pas trop grave?» des «meilleurs vœux et même des «bon anniversaire», bref que du bon, du beau, du gentil. Alors, bien sûr ça m’a donné envie d’écrire un peu, ce que je ne fais pas uniquement par manque de temps, croyez-le, tant, souvent, l’envie me tenaille de vous raconter quelques tranches de vie de vignerons. Et de bonnes tranches.

J’ai essayé de répondre, du coup, hier, un peu, mais j’en ai sans doute raté, oublié, pas assez remercié. Je le fais ici, alors, si vous le voulez bien, en vous proposant d’écouter ce titre de Tvärvägen que j’adore et qui reflète à la particule quantique près mon état d’esprit en ce moment même. Ca s’appelle «Everything That Can Be Invented» (vous devez bien voir un service de streaming, maintenant, j’imagine, sinon, voilà le lien vers Itunes, auquel je ne comprends plus rien tant c’est devenu une usine à gaz …). Il a y des notes simples et pures, des silences, de la joie et de l’émotion, du non-dit et de l’allégresse, tout ce que j’espère arriver à mettre dans mon vin cette année. Car les vendanges approchent. La preuve, les raisins grossissent…

GrenacheJuin2015

En juillet, le vigneron sensible regarde les signes. Il voudrait tant savoir ce qui l’attend, bientôt; en même temps, il adore, il faut le savoir, être obligé par la nature à avancer au jour le jour. Il y a deux jours inutiles dans l’année, dit le Dalai Lama, comme je le mettais sur mon Facebook il y a peu : hier et demain… Plus facile à dire qu’à faire dans sa vie. Mais la vigne vous l’apprend. Aucun scénario ne tient vraiment, chaque jour peut obliger à tout changer, tout peut être grandi ou anéanti en quelques heures. Et puisque nous n’y pouvons rien changer, vivons, les amis, vivons…

Les signes, le vigneron attentif les note, sans savoir, toujours, ce qu’ils signifient. Peu de coquelicots mais des cigales par millions. Peu de mouches, mais des guêpes maçonnes qui tentent de s’accrocher au moindre trou, même celui d’un portail en métal brûlant et qui m’ont fait part de leur courroux à coup de dard. Peu de drosophiles japonaises sur les cerises (ouf) mais abondance rarement vue de mouches dans les oliviers. Des melons délicieux, depuis le début, mais pas une année de tomates, en tout cas ici, peu et pas formidables pour l’instant. Année tardive, sèche puis pluvieuse et froide, puis chaude, mais moins qu’ailleurs, plus ici d’un style 2005 que 2003, grâce au vent, toujours, qui un jour nous cause les pires maux, puis, quelques jours plus tard, s’avère notre meilleur allié, selon qu’il vienne de la montagne ou de la mer. Les signes, ce sont aussi les maladies, bien sûr. Un oîdium bien maitrisé, pour qui a su travailler et croire au souffre poudre au lieu de céder aux sirènes de la chimie simpliste, un mildiou en embuscade, qui, à la moindre pluie, va être sans pitié, comme le montrent des signes de ce genre…

Mildiou

C’est l’époque où beaucoup se relâchent, croyant que le plus dur est passé. Que nenni… Le vigneron, comme tout le monde, il voudrait vivre en théorie. Parce qu’en théorie, tout se passe bien… Mais il vit en pratique et la pratique, le bon sens, c’est l’attention quotidienne.

Bon, même si on reste à l’affût, il faut bien avouer que jusqu’ici, tout va plutôt bien. On a lutté pour attacher avant les trois semaines de forte Tramontane à Pentecôte, la floraison s’est super bien déroulée, même sur les Grenache, ce qui est rare deux années de suite, il y a du raisin mais pas trop et sur à peu près toutes les parcelles et tous les cépages. Une bonne pluie, il y a trois semaines, a permis de finir la floraison et de faire grossir les grains. Pas partout, cependant, et en discutant avec mes confrères, on voit que certains villages, pourtant proches, ont eu 35 mm et d’autres 14. Un carrefour important pour comprendre, dans des années, la qualité de certains vins et pas d’autres. A quoi ça tient, quand même… La grêle nous a frôlé, mais évité, et, après tout, qu’on l’évite de 200 mètres ou de 100 kilomètres, cela revient au même, sauf sur la place, le soir, pour animer les conversations. Mes vignes sont belles, exceptionnellement vertes pour l’époque, sans aucune feuille jaune à la base, qui seraient signe d’un début de stress hydrique, qui viendra bien assez tôt, indispensable à la formation des polyphénols de grande garde, enfin je le crois. On les laboure toujours, de plus en plus doucement, légèrement, pour installer cette petite couche de terre meuble, qui passionnait les anciens et qui va limiter l’évapo-transpiration du sol, avec un travail à la piquette derrière. 14 personnes dans la vigne, tous les jours, pour faire cela et finir les attachages. Quand on aime, on compte pas. Et je l’aime ce Roussillon où il fait beau quand il fait mauvais ailleurs et qui, quand 51 départements sont rouges vifs sur les cartes météo, en alerte canicule, se fait encore remarquer par un 28/32° tout à fait de saison… Chez nous, les vignes sont d’un vert magnifique, continuent même de pousser ce qui est rare à cette époque et qui montre qu’elles ont toute l’eau qu’il leur faut. Les mauvaises herbes aussi, si belles quand elles poussent ainsi en bouquet, autour d’un vieux cep de Grenache noir. Quand la nature se fait fleuriste, rien ne l’égale.

bordeline

Remarqué, tiens, je me suis fait encore, hier, où, à une réunion en vue de Vinisud 2016, j’ai dit tout haut ce que tout le monde pensait tout bas : idiots que l’on est de passer annuel et de ne pas intégrer le salon des vins bio, idiots de vouloir imiter les Allemand et leur Pro-Wein au lieu de jouer avec nos armes, idiots «d’inviter» la Californie ou Bordeaux comme si on avait encore besoin du Cabernet pour vendre du Carignan et du Grenache, idiots de ne pas mettre le paquet pour fêter l’unification formidable avec nos compagnons du Sud-Ouest, idiots de ne pas inviter, avec les honneurs, le Maghreb qui résiste, fait du vin et en boit.  Rien ne change, on reste des lions dirigés par des ânes, transformés en moutons, sans leader couillu, sans vision, sans idées. Je parle de la viticulture, hein, mais j’ai bien peur que vous ayez pensé à la France. Ainsi va la vie. On verra bien. Je ne vais pas vous raconter les détails, ça gâcherait ma zennitude du matin. Quoi d’autre ? J’ai acheté un nouveau utilitaire, un berlingo je crois, c’est vous dire combien ça me passionne. Mais bon, c’est fait… J’ai une super adresse, au fait, où l’on achète au meilleur prix sans discussion de marchand de tapis. On parle de canicule, ailleurs. Chez nous, bof. Mais ça va peut-être arriver. Disons, que le chaud, l’été, ici, on connait et, d’ailleurs, le gobelet est parfaitement adapté, par sa taille courte, à l’économie d’eau, contrairement à la  guyot. On évoque déjà  dans les médias, 1947, tiens, aussi. Ah, 1947, millésime du siècle à Bordeaux, qui fait roucouler tous ceux et ceusses qui en ont bu, même 70 ans après. Ca me fait toujours marrer quand les Bordelais se gargarisent d’un millésime du siècle, tout ça parce qu’ils ont un climat typiquement méditerranéen. Ainsi va la vie et l’inertie reste la plus grande force de l’univers, comme le disait Einstein. Au fait, je souhaite un 1947 à tous les vignerons de France. Moi, je vois (et j’aimerais bien…) plutôt un 1959… Oui, ça ça me plairait un 1959. Voyons voir…

Pour l’instant, millésime du siècle ou pas, ce bébé tourterelle, qui vient de naître et dont la maman s’est envolée devant mes pas, est blotti dans son nid au milieu de mes vignes. Sa vie commence, il piaille, vite, laissons le tranquille… (vous voilà rassuré, non, je ne gobe pas les bébés tourterelles vivants, il ne fait pas croire tout ce qu’on dit sur moi!)

tourterelle

Pas de temps pour écrire, parce que je construis. Un stockage, une petite cave. Un truc carré, en bardage, sobre à l’intérieur mais coquet, j’espère, à l’intérieur. Et plein de bonnes idées, enfin je crois. Mon Cos d’Estournel à moi, je vais le laisser à la charge de la génération suivante.. Moi, je vais juste faire pratique, gris, chic et qui devrait nous permettre de travailler les détails, là où est le diable… J’ai choisi la couleur des murs, hier, comment vous dire ? Aubergine mi-mûre ? Hum, maintenant, j’ai un doute. Fais sortir le grand coloriste qui sommeille en toi, petit scarabée, fais toi confiance… Avec du vert «Lucques» en demi-maturité, dans le chai à barrique (de poupée, hein, le chai…). Curieux de savoir à quoi ça va ressembler. Mais ça m’occupe. A la réunion de chantier, passionnante, virile, intense, je me suis dit que voilià un truc que j’avais loupé : les réunions de chantier… Oh, toi, vigneron, que tu sois jeune ou le sois moins, si tu penses un jour construire, pense, si ton voisin, ton ami le fait, à aller le voir lors de ses réunions de chantier. Tu te fais petite souris, tu ne dis rien et tu écoutes. Si je l’avais fait, que n’aurais je acquis comme expérience, que d’erreurs évitées, que de coûts diminués, que de solutions trouvées, que d’expériences partagées, que de temps gagné.

Sur ce bon conseil que personne ne suivra, allons…

 

 

2 commentaires

  • Christian
    08/07/2015 at 6:40 pm

    je vote aussi pour le 59… 😉

  • Roger
    09/07/2015 at 7:23 am

    Bonjour Hervé, pour les couleurs tu sais ou t’adresser !

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