Vendanges 2015 – Jour J + 9 – Carosse ? Non, poubelle


On est au milieu des vendanges. A quoi je le vois ? Ma voiture est une poubelle.
Poubelle

Ce matin, courses diverses et variées. A l’arrière, des tuyaux, de la glace carbonique, un bidon de multigrap. Des pommes, des barres de céréales, de l’eau pour les vendangeurs, j’en passe et des meilleures. Le sol est plein de boue, des bons de livraison traînent un peu partout. Il y a quelques olives en train de noircir, une besace, des torchons sales, du papier cul. Faut toujours avoir du papier cul dans sa voiture, pendant les vendanges. Bon, j’arrête là, j’ai honte. Un compresseur. Un cuisseau de sanglier, au frais, qu’on a tué ce matin dans une vigne, bien fait pour lui. Un tapis. Un tapis ???

Moi aussi, je me décompose doucement. Ongles noirs, mais sales et rougis par le vin, cheveux trop longs mais quand donc aller chez le coiffeur ? En plus, je risque de m’endormir pendant le shampoing. Car en ce moment, c’est un peu comme Léonard de Vinci, qui dormait, parait-il, toutes les deux heures un quart d’heure. Le génie en moins. Dès que je vois une surface plane, je me dis, tiens, une place pour m’allonger, dormir, même un instant.

Tout baisse. La vue au point que j’ai l’impression qu’il faut que je change de lunettes. Les réflexes, surtout, et il faut faire super attention. Le champ visuel, c’est impressionnant. Plus question de quitter la route des yeux. Plus question de conduire vite. Il faut se concentrer au maximum, prévoir plus que jamais, ne pas se relâcher car les réflexes sont au moins divisés par trois, même le matin.

Au niveau humeur, on est tous à fleur de peau. Hyper empathique, donc agressé par un rien, un ton de voix, une allusion, un regard, une incompréhension. A la cave, il faut redoubler de prudence, ne jamais courir, demander à un collègue quand on dose le SO2, ne jamais courir.

A la maison, c’est pas mieux. Pas de temps pour les enfants, tout le temps faim, taiseux au possible. Impossible de lire, toujours faim. En plus je me répète. Pas question de regarder n’importe quoi à la télé, parce que la moindre scène me fait pleureur. De toute façon en dix minutes je m’endors. Impossible dans l’autre sens de supporter les images violentes. Visa pour l’image, c’est pas pour ceux qui vendangent. Déjà, le dernier Diana Krall me déclanche de vives émotions, c’est vous dire.

Et puis on a peur. Oh, pas peur de rater, ou du futur. Des peurs basiques, débiles, simples. Peur de tomber. Peur de l’accident en voiture. Peur de crever. Peur de faire tomber ses lunettes dans une cuve ou dans l’égrappoir. Peur que l’un des saisonniers se coupe ou pire. Ou que certains se battent. C’est débile ? oui, c’est débile. Mais on est dans l’émotif pur, à vif, pelé comme un supplicié dans Games of Thrones. Hein, Nicolas 😉 ? Nicolas, c’est le boss de Reignac, un hypersensible comme moi, qui tient un blog super, que vous connaissez sans doute ? Noonnn ??? C’est ICI. Il fait des vins top, en ce moment, je suis ravi pour lui.

Au milieu des vendanges, vient le moment où, pour nous en tout cas, il faut s’asseoir et, qu’on le veuille ou non, faire une démarche douloureuse qui consiste à «adapter ses ambitions à ses capacités». «Ce que nous avons fait» versus «ce que nous pouvons encore faire». On est pas un grand cru, faut pas se leurrer, tout simplement parce qu’on compte toujours, les sous, les cuves, le matériel, les ressources humaines, le temps qui passe. Mais bon, honnêtement, c’est pas mal pour l’instant. On va juste manquer de cuves pour les vins de fruits, peut-être… Faire un peu de Rivesaltes, peut-être, ce serait la solution, c’est l’idée de la nuit…

Bon au milieu de tout ça, tournage pour FR3 qui veut voir la récolte des Lucques à la main. Imaginez mon plaisir, de bon matin, à faire le pinpin devant une caméra. Mais l’équipe est sympa, les arbres magnifiques, le tournage rapide. Que ne ferait on pas pour Laurent Romejko et son émission de météo surFR3… En plus, ça va passer en Replay pendant des années et je… ressemble à un clochard. On parle, bien sûr, de 1956 et son gel dévastateur qui, trois ans après décida Henri Lacassagne à replanter des oliviers que nous exploitons aujourd’hui en fermage, avec passion. 1956, quelle époque… Des images ICI, tiens, pour se souvenir de cette année étonnante. Dans quel état serait la France si ça se reproduisait aujourdh’ui…

Le journaliste fait une petite composition sur ma belle table en bois avant de partir et bien sûr, me la raye. Bon, il y a plus grave. Et puis ça fait une photo avec un peu de couleur pour conclure. Ces olives noires, c’est une tuerie…

20•FR3Ce billet, c’est n’importe quoi. Bon, à la cave, Bizeul.

 

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