Vendanges 2015 – Jour J +14 – Ma nouvelle copine


Je sais, je ne devrais pas en parler. Mais j’ai une nouvelle copine. En comme c’est nouveau, en ce moment, je passe beaucoup de temps avec elle. Logique. Mes deux mains autour d’elle, bien serrées, nous avançons tous les deux, lentement, sans complexes, au milieu de la cave.

Elle est verte. Ni de jalousie, ni de bonheur. Elle est vraiment verte.

25•laveuseTrêve de jeux de mots et d’allusions grivoises, qui seraient aussi faciles que nombreuses, car cette machine projette de l’eau à l’avant (elle mouille le sol), brosse et aspire à l’arrière à l’aide d’une suceuse plate en caoutchouc rose (les commentaires seront modérés, j’ai déjà averti…). Jeune, infatigable, bien carossée, bref, elle me donne surtout l’occasion de décompresser (c’est assez ludique) et elle soulage lors de ces heures et ces heures de nettoyage que nous passons chaque jour de la semaine, du sol au plafond, à astiquer la cave. Et le week-end ? Le week-end, c’est pire, puisque c’est le GRAND nettoyage, à fond, où l’on démonte tout, vérifie tout, désinfecte tout, jusqu’au moindre recoin, au point que le lundi matin, on serait je pense pas loin de pouvoir tenter une opération dans la cave.

Je repensais, en poussant la laveuse, à l’une de mes balades dans la région, en 1997, année où j’ai écumé tous les chemins environnants (tiens, je pourrai l’appeller Paulette, la laveuse auto-tractée, ça, c’est une idée), je me suis arrêté à la sortie de Padern, attiré par un panneau qui m’intriguait. L’autre jour, en allant acheter un morceau de pain à Cucugnan (un pain merveilleux et un maître boulanger autant que philosophe), quel ne fût pas ma surprise de voir ce panneau toujours en place, bien qu’à ma connaissance, la cave fut fermée.

25•Ancienne

Curieux, j’avais arrêté ma Renault 6 bleue roi de l’époque devant la cave, une masure de bord de route à la porte défoncée et j’avais dégusté sans vraiment le croire les vins de M. Mazières. Comment vous dire… C’était vraiment à l’ancienne. La cave était d’une saletée repoussante, véritable cafarnaïum de saloperies laissées là où elles tombaient, une couche de crasse au sol, un amoncellement de bouteilles vides usagées, des barriques aux douelles défoncées, de vieux garde-vins en résine, une cuve ou deux en béton, à l’ancienne, effectivement, c’est à dire construites dans la cave…

A vrai dire, quand j’y pense, le plus ancien souvenir de vin «nature» que j’ai, et bien c’est celui ci. Je ne sais ce qu’est devenu Monsieur Mazières, mais, fort étrangement, dans les dix années qui suivirent, je vis son vin sur de nombreuses cartes de vins de grands restaurants, et pas des moindres, comme si les chefs se donnaient cette adresse en secret, lors d’une réunion de Loge. Dommage qu’un milieu, très vivant à l’heure actuel, ne lui rende pas hommage.

Les vins possédaient, bien avant l’heure, toutes les qualités que certains recherchent aujourd’hui avec gourmandise dans ce type de vins. Restons poli, ne parlons pas des rouges. Mais j’avais été interpellé, je l’avoue, par les blancs, vins «orange» avant l’heure, laissés des années à l’abandon, en barriques hors d’âge, sans ouillage, même pas fermées, les barriques, parfois, je le crains. Les vins étaient… étranges, différents, plus moyenâgeux qu’à l’ancienne, à moins «qu’à l’ancienne » ne signifiait, et c’est le cas je pense, bloqués à l’époque, pas si lointaine en fait (1850), où Pasteur n’avait pas encore découvert la fermentation alcoolique et prouvé, en l’espèce, l’existence des microbes. Je ne serais d’ailleurs nullement surpris que bientôt, certains vignerons remettent au goût du jour le concept de «génération spontanée» qui faisait loi à l’époque, pour justifier certains itinéraires. Passons.

La fatigue et la lassitude font parfois ressortir de bien étranges souvenirs. Pour ma part, je ne suis vraiment satisfait que quand ma cave est d’une propreté exemplaire, luisante et qu’elle sent bon. Donc, j’y retourne.

Chacun sa vie, chacun son chemin.

3 commentaires

  • Jean Baptiste
    30/09/2015 at 5:36 am

    Jean-Michel Lasbouygues,Domaine Mazieres. Mort il y a quelques années déjà. Des vins hors normes, certes pas toujours trés précis, mais de l’émotion à coup sûre! C’est le genre de vigneron qui vous donne envie de vous dépasser. Avec lui, dans la bouteille il se passait toujours quelque chose.
    Jean-Baptiste

    • Johan Van de Winkel
      21/03/2017 at 4:08 pm

      Je suis à la recherche de quelques bouteilles de ce vin. Savez-vous ou on peut trouver?

      • Hervé Bizeul
        22/03/2017 at 10:45 am

        Aucune idée… Désolé.

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