Vendanges 2015 – jour j+18 – Voir le jour, être cuit


Deux expressions qui illustrent bien ce dernier jour de vendanges… On a enfin vu le jour, c’est à dire qu’on a quitté la cave avant le coucher du soleil. On est cuit. Je crois que ça n’a pas besoin de traduction. Me faudrait un massage. Un grand coup d’espace thermo-ludique avant, avec de la chaleur et des bulles. Thaï traditionnel, le massage, ce serait si bon de se faire tordre dans tous les sens tellement le corps est comme écrasé, par l’effort physique ou la tension nerveuse. De toute façon, le Kiné ou l’Osthéo s’impose après ce qu’on vient de vivre et je crois que je vais l’offrir aux membres de ma garde rapprochée, ceux qui enchainent 12 à 16 heures par jour depuis plus d’un mois. Dieu qu’ils le méritent.

On termine par là où on commence certaines années. Étrange. Je ne crois pas que la dernière cuve sera la meilleure, mais après tout, qui sait ? Des Carignan très mûrs, qui flirtent avec le 16°, heureusement qu’on a du frais, moins riche et plus léger, déjà bien au chaud, malo fini pour une cuve, même, pour un assemblage qui s’annonce détonnant… Étrange, les pH sont excellents, en dessous de 3.30 avant malo, d’où des vins puissants mais nerveux. La nature, quand elle veut, elle veut. Et cette année.

Bon, faut pas croire, après ce dernier jour, ça n’a pas été le Club Med. Cinq jours en fait que nous avons terminé, mais pas un moment (temps, courage, énergie…) pour finir ce billet, commencé pourtant le soir même. Un nettoyage de dingue, d’abord, la révision de tous les matériels ensuite en préparant déjà les hivernages puisque dans la vigne ou la cave, on ne se sert de certains matériels que sur une période très courte. Les décuvages, après, et donc encore sans doute plus de trois semaines de vinification. Mais ça va être plus calme, plus détendu, moins extrême. Ce blog aussi. Je ne vous lache pas comme ça, mais plus question d’un billet tous les jours, s’il vous plait, c’est un trop gros challenge. je l’ai tenu cette année encore, mais, en vieillissant, je l’avoue, c’est de plus en plus dur.

Jeannette, ma voisine a bien nettoyé ses sécateurs, les a graissés et va les mettre dans un papier jounal, pour un an en sommeil. Nous ferons de même demain. Sur le mur du lavoir, c’était beau…

Sécateurs

Que vous raconter d’autre ? Tiens, hier, pour animer un peu une journée qui l’était déjà beaucoup, coup de fil de la douane volante.

– Monsieur, on a arrêté votre camion !

– Fichtre ! Et pourquoi donc ?

. Il contient des marchandises suspectes…

– Silence. Ah. Quoi donc ?

– Des olives, Monsieur, des olives. Venez immédiatement au péage de l’autoroute, avec des justificatifs.

– Euh, des justificatifs de quoi Monsieur ?

– Aucune marchandise ne peut circuler en France, Monsieur, sans des papiers.

– Ah, mais je suis producteur, j’apporte mes olives à la coopé.

– Je veux rien savoir, monsieur, faut justifier.

Je vais donc justifier, quelques bons d’apport et mon Kbis à la main. Le pauvre Pavel, le chauffeur, hésite entre le désespoir et la peur. Il a pourtant tous ses papiers, même s’ils sont Polonais. Mais Monsieur, il ne parle même pas français. Euh, oui, il est européen, en même temps, et libre de travailler et de circuler en Europe. Et il n’a pas son contrat de travail ? Je me mords la langue, ayant furieusement envie de lui demander quelle loi oblige en France à se balader avec son contrat de travail. Je ne discute pas, inutile. Je demande à Pavel de repartir, ayant convaincu la douanière de mon honnêteté. Elle me confirme que j’ai intérêt à le faire désormais voyager avec son contrat de travail et son attestation préalable à l’embauche, l’œil sévère. Et vous parlez polonais, au fait, me demande t’elle, le voyant partir sur mon conseil ? Non , Madame, mais anglais, un peu…

Le soir, en me douchant, je me prends à sourire largement : on attend 700 000 migrants en Europe en 2016, autant qu’en 2015. Et on arrête les camions d’olives, traquant les honnêtes gens comme si c’était eux les criminels. Mieux vaut en rire. Comme du recommandé reçu ce matin, m’informant d’un nouveau contrôle, parmi tant d’autres, l’URSSAFF cette fois. Je pensais que j’allais passer « platinum », à la MSA, cette année, avec les 90 personnes embauchées en septembre. Mais non suis je bête, ce sera contrôle. C’est vrai que j’ai tout mon temps, entre les vendanges, les vinifs et un peu de participation aux 10 milliards d’excédent du commerce extérieurs de la branche vins/spiritueux. Des ennuis en perspective, j’en ai peur, non pas que j’ai quoi que ce soit à me reprocher, mais entre la MSA et l’URSSAFF, c’est la guerre pour récupérer les cotisations, sans donner les avantages, bien sûr, dès qu’on le peut, en jouant sur l’inertie d’un service public étonnément débordé alors que le nombre de fonctionnaires augmente en proportion inverse que celui d’agriculteur diminue.

Les vendanges sont finies. La fête aussi. Mais quand le soleil d’octobre se lève sur l’étang, on oublie tout.

Soleilfin

4 commentaires

  • Agnès C
    09/10/2015 at 6:07 am

    Bonjour Hervé, je lis chacun de vos billets avec plaisir, parfois effroi quand vous racontez toutes ces démarches administratives, mais je me permets de corriger un point: il n’y a pas de plus en plus de fonctionnaires (le solde départ/arrivées est négatif, et ce sont les collectivités locales qui ont beaucoup recruté) Je ne suis pas à même de juger de leur travail Quant à l’URSSAF et la MSA, ce sont des agents dont le statut est privé. Et il est vrai aujourd’hui que dans les services publics, les Etablissement Publics a caractère administratif (EPA) on met le paquet pour recouvrer plutot que pour aider… A l’inverse on met à poil l’Inspection du travail, c’est dommage parce que des salariés en ont besoin (je me doute que les dirigeants, moins). Bonnes vinifications et bonne journée.

    • Hervé Bizeul
      09/10/2015 at 6:37 am

      Ah, c’est vrai Agnes, je devrais être plus précis mais, vu d’ici, j’ai du mal à faire la différence entre les fonctionnaire purs et durs, les collectivités territoriales, les agents du privé style MSA. Disons qu’ils ont un point commun : ils cultivent une lutte des classes hérité d’un autre temps et considèrent les entrepreneurs comme des ennemis. Alors qu’ils devraient nous considérer soit comme des clients, qui rapportent de l’argent. Soit comme leur donneur d’ordre, après tout, puisque c’est nous, avec les taxes et impôts que nous versons, qui sommes leurs employeurs. Les mentalités ne sont pas près de changer, j’en ai peur. L’idée d’une carte Silver, Gold et Platinum à la MSA est quand même intéressante, ainsi qu’un majordome personnel à un certain niveau, qui vous aiderai à recruter plus, à payer plus, à créer plus de richesse. Au lieu de ça, la tendance, de plus en plus lourde, est de vous mettre en face d’une… machine qui ne fait pas de sentiment, que vous alimentez à la place de l’agent avant. Bref, vous faites son boulot, il n’est là que pour contrôler, punir, attaquer, taper sur les doigts, vous considérer comme un délinquant en puissance. C’est cela qui est insupportable, ainsi que la couche débile que l’administration française met à chaque décision européenne, histoire de compliquer encore des choses simples. C’est la vie. Et encore, si je disais tout…

  • Agnès C
    09/10/2015 at 10:39 am

    … heureusement vous ne dîtes pas tout parce que sinon je passerais mon temps à essayer de justifier les décisions des hautes sphères alors que les employés, les agents, les conseillers, tous ces gens qui sont sur le terrain et qui en connaissent la réalité, essaient de faire au mieux. Je travaille dans un établissement public, je suis syndiquée, je ne tape pas sur les patrons, je tape sur les actionnaires et les fonds d’investissement et je pense pouvoir dire que la lutte des classes n’est pas un dogme dans ces services publics ou organismes de recouvrement. On n’imagine pas le nombre de personnes qui viennent bosser sans réfléchir à ce qu’ils font. Je suis bien d’accord avec vous sur le fait que sans patron, pas de salarié (car tout le monde n’a pas la fibre ou la capacité entrepreneuriale). Vous ou moi on fait tous des généralités. Bonne continuation.

  • Nicolas de Rouyn
    12/10/2015 at 9:11 pm

    T’es cool, toi.
    Quand je lis ça, je me souviens pourquoi je ne veux pas être vigneron. Jamais. Je finirais en prison, je crois.

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