New-York, through the street


Bon, voilà, finie la grande journée de vacances. La (courte) soirée télé m’a épuisé : regarder un film à la télé aux USA, ça s’arrange pas… C’est un truc qui rend fou, ça consiste à vous obliger à regarder deux heures de pub pour des promos de bagnoles, des céréales et de la bouffe qui rend amok (Pizza, poulet frit, burgers), le tout en mettant en scène des gens heureux, équilibrés et qui dansent, tout le contraire ce qu’on peut devenir si on suit les dites pub. Un enfer, encore pire qu’avant. Télé sur Off, ça, c’est fait. Courte nuit, levé à 4 heures local time. On écrit, dans son lit, c’est de toute façon le seul moment où ça va être possible et, très vite, le jour se lève, faut y aller. Le temps fait envie, faut en convenir : toujours de la neige, un petit -4° avec un « facteur vent » sympa pour un – 8° ressenti. Et il va falloir marcher…

Mais avant, présentation aux équipes de vente de notre importateur à N.Y. et ailleurs, juste à côté de l’hôtel, c’était un peu pensé quand même. Accueil chaleureux, café, les différents commerciaux d’un peu partout aux USA s’installent leur café à la main. On m’explique l’évolution positive de la boite, c’est bien, et combien on est content de me voir. Pas sûr que ça va durer ;-). «Je peux avoir votre Power Point, pour l’intervention ?». Ah. un Power Point. Bien sur. C’est cela, oui. Si à 60 ans tu pars à NY sans ton Power Point, j’ai bien peur que tu sois plus dans le coup. Et pas de Rolex. Ni de tatouage. Ni de boucle d’oreille. F… k, je suis vieux. Et surtout je suis pas Steve Jobs, je fais pas de « Keynote» en pull noir… «Même pas une petite clé USB, avec des photos ?». Non, même pas. «Mais on va le faire à l’ancienne, si vous avez un Paper Board, je pourrais vous dessiner un truc sympa et qui ferait marrer tout le monde ?» Je crois que mon humour marche pas bien en anglais, c’est clair…

Je vais passer en premier, quelques italiens super sapés attendent déjà leur tour en faisant chauffer leurs surfaces pro ou leurs ordis. Mon importateur vend beaucoup de vins italiens, je vais être le seul français ou presque dans le groupe pendant les deux jours, sauf peut-être un champenois. Où que vous soyez dans le monde, y’a toujours un Champenois qui n’est pas loin. Et depuis peu, j’ai remarqué, un producteur de saké qui essaie de se glisser dans le groupe en douce. Le vigneron italien, on le reconnait assez facilement à ses fringues top assorties, la touche de cachemire ou la qualité du coton de son costume, sur mesure, quand il est du nord, à ses chaussures impeccables, aux accessoires, toujours assortis. Ca rigole pas. C’est un budget, les fringues, là bas, pour un vigneron, c’est clair. L’italien, il se change souvent entre le déjeuner et le diner, lui. Moi, avec mon pantalon en velours acheté sur internet en solde et mon gilet troué aux manches et mes New Balances tachées, on voit bien le Français c’est sûr, le bon paysan de base, à la Fernand Raynaud…. Manque la ficelle pour tenir le pantalon…  Sauf les Champenois, hein. Je vous ai parlé des Champenois ? Je le ferai, un jour, c’est promis… Bon, c’est la vie, va falloir s’habituer, mon pote, j’suis un paysan… Et arrête de me regarder comme ça, je vais t’en mettre une, tu vas voir… Do you talking to me ? je prépare ma réplique, au cas où…

Tout le monde s’installe, son café ou son bagel à la main. J’ai 30 minutes pour raconter ma vie, mon œuvre. «En Anglais ? Oui, Hervé, en Anglais» Mais c’est que vous voyez, l’Anglais et moi, ça fait deux. J’ai quitté l’école à quinze ans, j’ai repris un peu après, pas lontemps, c’était pas là que j’avais les meilleures notes, vous voyez. Et puis l’enseignement des langues, à l’école, en France, tout le monde sait que… et puis milieu populaire, pas de stage linguistique. Jamais bossé dans un pays Anglo saxon non plus, bref, je suis nul, vous savez ? Vas y, mon gros loup, on s’en fout, tu peux le faire, on me pousse gentiment sur la scène parce que derrière, les étalons italiens piaffent de raconter la beauté de leur cyprès toscans et la noblesse du Sangiovese…

Good morning everybody… c’est parti. Ce que j’aime bien, dans mon exécrable niveau d’anglais, c’est que je sais jamais si j’ai vraiment dit ce que je voulais dire… En fait, je CROIS souvent dire des trucs. Mais j’en ai jamais vraiment la confirmation… Quand on a compris ça, on se détend très vite et très facilement… Et on attaque avec le sourire aux lèvres. Vingrau, le cirque, les vieilles vignes, le fait que je suis un peu le frère de Cinderella (la vraie Cendrillon du vin, c’est Jean-Luc Thunevin… ça fait rire personne, raté…), la passion, le vent, le côté maverick, le fait que j’ai pas vraiment de vin à vendre et qu’il faut qu’ils se détendent parce que je vais pas leur mettre d’objectifs cette fois ci. Ni de prime d’ailleurs (personne rigole, et merde, je crois que je suis pas encore prêt pour le stand up à NY…).  Que j’ai ENVIE de vendre du vin, à les gens sympa, mais j’ai pas BESOIN. Ils ont l’air tous un peu étonnés et un grand calme s’installe, que j’hésite à décoder… Que le marché US me fatigue un peu parce que personne n’est fidèle à personne, et que moi je suis un affectif pur et dur et que je veux qu’on aime mes vins ET moi, si possible longtemps, même si je suis arrogant, moqueur, prétentieux, ce qui ne cache, comme tout le monde le sait, qu’un immense déficit d’image de soi. Je crois que je m’égare un peu, j’aurai dû un peu préparer, structurer. Là c’est Pinder… On va s’arrêter là, je crois, ç’est mieux. Mais bon, quand même :  I got it ! Yes I can ! Maintenant, savoir ce que j’ai vraiment raconté pourrait me surprendre… Risque pas de vous mettre une vidéo, c’est clair. Merci à ceux qui m’ont soufflé dans la salle les mots qui me manquaient… Les Italiens me poussent quand à eux gentiment vers la cuisine, faut qu’ils montrent leur cravate. . Ah, il fallait une cravate… Je plaisante, je plaisante…

Bon, comme d’habitude, je me replie vers la cuisine. Que n’aurai je passé comme temps dans les cuisines, tout au long de ma vie… C’est ma pièce préférée. Y’a du passage, on se présente, on y discute de tout et de rien avec des gens très bien. Je rencontre Gustavo, qui vient de racheter la boite, la grande classe, vraiment. Cultivé, amoureux du vin, polyglote, j’ai bien fait de venir et cet homme pourrait bien me réconcilier avec les USA… Il est bolivien d’origine, je repense à cette nouvelle trouvée sur FB au cœur de la nuit, et lui promet le lien, en espérant qu’il a le sens de l’humour… Voilà Gustavo, c’est ICI. L’élection de miss Bolivie. Sa femme est brésilienne. Ouf 😉

Beth passe la tête, sac à dos prêt : time to go. Oui, c’et ma journée préférée, visite clients à travers NY. Ne vous méprenez pas, j’aime bien aller voir les clients. Mais pour construire, parler, raconter, convaincre, sur le long terme. Beth a compris, c’est que nous allons faire m’assure t’elle. Quatre rendez vous, un lunch rapide, je résume, on aura vu que des gens sympa, compétents, attentifs. Beaucoup de Français, ouf 😉 Je suis quand même bien meilleur en Français, vous l’aurez compris. Deux grands sommeliers qui ont peu de temps mais m’en accordent, ce que j’apprécie, on discute et puis surtout on marche dans le froid, on prend le métro, puis un taxi pour rentrer, parce que je suis glacé. Vont ils acheter du vin ? Je l’espère. Mais j’espère surtout qu’on va se revoir, qu’on va construire une vraie relation, je ne cherche après tout qu’une dizaine de restaurants et quelques cavistes dans cette ville, mais des qui aiment le Roussillon. Ca devrait le faire. Ca n’a pas été si terrible, avouons le. Merci, Beth. Tu as été super !

Soirée de présentation de tous les vignerons présents. J’ai du mal avec les « party », décidément, un peu agoraphobe comme tous ceux qui vivent dans la nature, et puis je ne connais personne, sauf Bobby, qui me prend sous son aile et me fait gouter des vins, en vrai passionné qu’il est, et du coup, c’est sympa; mais je suis crevé, il y a de la musique, du bruit et là, tout de suite, mon oreille ne peut plus trier l’anglais du bruit, c’est terrible. 21 h, pitié, il faut que je dorme, c’et encore 3 h du matin pour moi et il faudrait pas trop que ça change sinon le retour va être mortel… Mince, j’ai pas assez pris de photos, c’est sûr. Ah, peut-être celle là, sinon ça va faire vide : tout le monde aime cet étrange building à NY, à l’angle de Broadway et de la cinquième… Sur google street view, on peut se dépanner…

Capture d’écran 2016-01-20 à 14.50.10

3 commentaires

  • Jennifer Fluteau
    21/01/2016 at 10:48 am

    Bonjour Hervé,
    J’aime beaucoup votre blog. Je ne suis pas vigneronne, mais mon mari l’est, en champagne et je travail avec lui. J’attends avec impatience de vous lire sur les champenois… ! Dans le paysage viticole français, c’est peut-être un monde à part, ou j’étais parachutée il y a plus d’un quart de siècle! Moi-même d’origine Américaine, je peut sympathiser avec votre expérience à New York. et quand vous dites « je veux qu’on aime mes vins ET moi, si possible longtemps » je m’y retrouve.

  • PIERRE LIGER
    22/01/2016 at 2:58 pm

    Hervé – Toujours un plaisir de lire ces blogs …. Ca me rappelle mes BDs de jeunesse : « Tintin en Amerique », « Tintin au Congo », « Tintin … « . C’est toujours plein d’aventures et de finesse. Parfois, c’est une peu « Asterix ches les Bretons » 🙂
    J’attendais avec impatience cette série à NYC … et je ne suis pas déçu. C’est exactement ce que j’avais anticipé … Un monde si différent de la finesse asiatique, si eloigné du monde rural, si distant avec chacun … Mais, en jouant avec les règles locales, on peut aussi s’amuser, en voyant le bon côté des choses.

    Impatient de connaitre les 10 tables élues de votre coeur qui porteront les couleurs de Vingrau à NYC.
    Sachez que vous avez quand même quelques clients fidèles qui voyagent d’Asie en Amerique, uniquement en prenant vos vins ….

  • Maetz
    14/02/2016 at 2:50 pm

    Bravo pour ce blog…ce billet est à se tordre de rire tant la réalité sublime les clichés…je ne me lasse pas de vous lire merci!

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