Vendanges 2016 – J plus 3 – Chercher les maturités


Goûter, c’est bien, analyser, c’est mieux.

Même si au final c’est mon palais qui décidera du moment des vendanges et de bien des choses (j’en reparlerai, tiens, du « naturel « …), je sais trop, avec l’âge, combien ce dernier se met volontiers au service de mon imagination. Oui, clairement, je désire avoir de beaux raisins, mûrs à point, et les transformer en vin dense et parfumé, éclatant de fruit. Mais comme disait Spinoza, “On ne désire pas les choses parce qu’elles sont belles, mais c’est parce qu’on les désire qu’on les trouve belles ». Dans le délicat exercice du jugement des maturités, l’expérience m’a appris que son meilleur ennemi, c’est soi même.

L’échange, la comparaison des opinions sont indispensables et je plains le vigneron seul pour cela tant faire ce métier en étant entouré me convient. Mais rien de vaut un peu de raison au milieu de tant de sentiments et il convient de prélever avant d’analyser.

Un peu de rigueur et beaucoup de patience. On se promène dans la parcelle, on cueille au hasard, et vraiment au hasard, 200 grains de raisin sur toute l’étendue de la parcelle. On met dans des sacs congélation, enfin chez moi, j’imagine qu’à Bordeaux, chez les crus les plus huppés, Hermes a prévu un contenant plus adapté (un peu d’humour les Bordelais, s’il vous plait ;-). Sur le sol de la cave, j’ai trouvé ça stylé…

V2016sacsraisins

Il ne reste donc qu’à les presser avec la main sur une passoire, poche par poche, puis on les passe au multimètre et au densimètre afin de voir le degré, très vite. On peut aussi mesurer l’acidité, assez rapidement lorsqu’on connait la procédure, que l’on est soigneux et qu’on se rappelle des bases de chimie. On voit alors les degrés qui montent (on a souvent de grosses surprises entre ce qu’on croyait et la réalité…), au fil des prélèvements et des journées qui passent, tandis que l’acidité descend. On peut aussi porter chaque échantillon au labo, pour des mesures plus précises, voire l’examen des maturités phénoliques. Mais bon, ici, pour ces dernières, mes papilles, mes doigts, mes dents, ma langue me suffisent. Pas envie de me voir dicter non plus ma façon de faire par une machine ou un oenologue qui n’aura vu ni un bout de la chaine (les raisins) ni l’autre bout (mes clients, à table, chez eux, dans cinq ans). «Avant d’être bon, un vin doit être vrai», m’a dit un jour Nicolas Joly, et dans les deux grands dangers qui guettent le vigneron d’aujourd’hui, le plus grand est sans doute l’uniformité. Donc, c’est moi qui décide, certain qu’il faut mieux se tromper parfois que de faire comme le troupeau. Pas sûr, d’ailleurs, que ce millésime soit si tardif que l’on nous l’annonce…

Alors, arrête de bavasser, Bizeul, et donne nous plutôt tes impressions sur ces prélèvements, hein… Pas mal du tout, très hétérogène. Cette année, contrairement à l’année dernière, la situation géographique des terroirs va conditionner les maturités et nous après la Chique, déjà bien avancée depuis lundi, inutile, pour des vins de fruits, d’aller ramasser de la confiture tandis que la météo nous annonce des chaleurs qui font exploser les statistiques. L’acidité est bonne, le goût fruité intense, ne tardons pas. Les premières cuves nous ont montré l’extractabilité des peaux, les notes de l’ICV, le labo, nous confirment ce dont nous nous doutions, il y aura peu d’azote et il faudra sans doute aider un peu les fermentations, toujours en levures indigène au Clos des Fées sur les rouges.

On est vraiment parti et ça va cette année très vite…

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