Vendanges 2016 – Jour J plus 5 – Attaquer les blancs…


Bon, je suis à la bourre, mais je sais que vous ne m’en voudrez pas. Il faudrait me cloner, un pour vendanger et vinifier, l’autre pour gérer et écrire. Je crains qu’il ne fasse faire avec…

Le plus pressant est rentré, on pourrait penser que l’on va pouvoir souffler. Mais l’année, déjà précoce, a connu un affolant coup d’accélérateur la première semaine de septembre avec quatre jours de Tramontane forte. Ajoutée à la sécheresse rampante de l’été, les maturités ont mis le turbot et il est temps de regarder la vérité en face : ça serait bien, désormais, d’accélérer. Or nous sommes déjà trente à cueillir, la chaleur est extrême et, passé, 13 heures, il est illusoire de penser que l’on peut continuer à couper…

Bon, comme dit le sage «si tu peux changer quelque chose, fais le. Si tu ne peux pas, accepte le». Il faut accepter, tout simplement, que la nature est plus forte que nous, comme d’habitude et que ce qu’il faut faire désormais, c’est faire de son mieux. On s’y emploie.

En fait, la géographie parle et les terroirs reprennent leur place. Si l’année dernière nous avions vendangé certains terroirs de Vingrau avant  la Chique, tout rentre dans l’ordre cette année et les terroirs tardifs de Tautavel et de Vingrau seront vendangés alors que les autres seront presque décuvés. Mais nous aurons rentré des Syrah avant des Cinsault et des Grenache avant des Syrah, pour des questions de charge essentiellement, les vignes peu productives, avec la coulure en particulier, mûrissant très vite. On va dire qu’on ne fait décidément pas comme tout le monde et jamais comme d’habitude.

Je repense à une interview d’Eric de Seynes, grand manitou chez Hermes, lu dans je ne sais quelle revue cet été, remerciant son grand-père de lui avoir «toujours dit que le succès vient de la capacité à cultiver la différence». Nous dirons donc qu’Hermes et le Clos des Fées partagent certaines valeurs 😉

On respire, on se calme, on essaie d’analyser calmement la situation, de laisser l’affectif au vestiaire, les peurs, les influences. Pas facile décidément en 2016. Tout nous presse. Les «on dit» bruissent comme jamais, sur les degrés, sur les maturités, sur les faibles rendements qui vont encore diminuer, par évaporation si on attend. Sans compter l’ICV qui nous bombarde de notes alarmistes et généralistes qui mettent la pression alors qu’on parle d’autres vignes, d’autres terroirs, d’autres modes de culture. Certes, nous sommes tous vignerons dans la même région. Mais entre nos vignes, que de différences…

Au fil du jour, on prévoyait moins vingt pour cent, on est aujourd’hui à annoncer moins soixante dix pour cent sur certaines parcelles de Grenache, ce que je crois volontiers quand je vois l’état des vignes de certains. Toutes seraient en «stress», «moribondes», «déséquilibrées». Ah bon ? Pas chez nous, en tout cas. Dix ans de travail à remonter patiemment les vieilles vignes, dix ans de travail à bichonner les plantations, une vraie politique d’amendements ciblés, essentiellement organiques et sur mesure, des tailleurs formés qui savent apprécier chaque gobelet, la lutte contre l’herbe (mortelle ici pour la vigne quand il ne pleut pas), des travaux en vert intelligents et adaptés, en fonction des années et de la météo, tout cela fait que nos vignes sont belles, mûrissent bien, tranquillement, et qu’il est urgent d’attendre. Bon, au Mas Llianssou, notre terroir le plus tardif,  les Carignan sont bloqués, c’est évident, les peaux dures et amères alors que bizarrement les pépins sont déjà aoûtés. On verra bien si cela se débloque ou pas. Pour l’instant, ça «goûte pas bien», donc on bouge pas. Suivre son instinct reste la seule voie que je connaisse, et, jusqu’à présent, ça m’a plutôt réussi.

Attaquons doucement les blancs, adaptons les programmes de pressurage, surtout, qui vont être cette année essentiels. Une de mes grandes surprises en achetant il y a dix ans mon premier pneumatique, fût d’apprendre que 98 % des vignerons ne touchaient jamais à la programmation de leur pressoir, se contentant de mettre en route leur machine magique en choisissant un programme décidé en usine, par un technicien, sans se poser plus de questions. Pourtant, que de possibilités… Pression au gramme par cm2 près; montée en pression progressive; durée de chaque cycle; fréquence et nombre des rotations, équivalentes aux anciennes «rebèches» que l’on faisait à la fourche dans les pressoirs verticaux : tout peut désormais s’adapter à chaque cépage et à chaque millésime. Certains se contentent alors d’appuyer sur un bouton. Nous, non, et c’est verre à la main, à la sortie du pressoir, que nous tentons d’adapter la machine au raisin et non le contraire. La grappe entière, cette année, prend tout son sens, et, malgré la faiblesse du rendement en jus, nous n’irons pas chercher en fin de cycle des pressions trop importantes, les peaux, sur certains cépages, restant amères.

On démarre par les grenaches gris répartis un peu partout au milieu des vignes «métissées» comme les appellent joliment Marjorie Gallet, ces vignes où Gris, blanc et noir étaient plantées mélangées, pour faire «du vin doux», à la grande époque, celle où les vignes du Roussillon étaient plus rentables que celles de la Champagne aujourd’hui… Mais ça, c’était avant. On attaque par Calce, le soleil se lève sur la petite Sibérie, qui n’a pas coulé, miracle.

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On va peut-être faire peu, mais il est d’autant plus important de faire bon et l’année s’y prête. Un vieux Grenache Gris, en pleine forme. Ils sont rares cette année, mais il y en a. On a taillé tôt à Calce cette année, bonne pioche.

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On roule vers le Mas Farine pour faire la Roussanne, qui n’en peut plus, et le Vermentino, qui s’en sort mieux mais qu’on aurait sans doute dû faire la semaine dernière. A voir la bonne mine de cette grappe oubliée, on devrait faire quelque chose de vraiment bon en blanc.

v2016vermentino

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