Master Class à l’école du vin


Pas le temps de souffler, direction l’école du vin pour une dure journée.

Au programme, Master Class l’après midi, diner le soir. J’ai tour à tour chaud et froid, presque frissons, j’hésite entre un problème physique qui démarre ou un climat étrange qui passe de très chaud à très froid et humide dans la même journée. La fatigue, aussi, sans doute.

Un peu à l’avance et l’école du vin étant aussi celle du thé, Jennifer me propose un thé. J’accepte avec joie. Devant elle, une table en bois sculptée, à sa gauche, une installation amusante, reliée à une bonbonne d’eau. Un bouton, la bouilloire se remplit. Un autre, elle chauffe, à température précise, chaque thé ayant la sienne. So chic.

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Le thé à la chinoise se fait dans un petit bol ou une petite théière qui sera remplie plusieurs fois. D’abord ébouillantée et rincée, la première infusion de thé est même parfois jetée. Puis 6 à 10 infusions rapides font se succéder, donnant des thés à chaque fois différents. Beaucoup d’eau coule en fait sur la table, passe par un trou, est récupérée en bas. A l’hôtel, à la maison, un plateau ajouré récupère l’eau. Jennifer ne fait pas que le thé : elle observe attentivement chaque convive, s’enquiert de ses goûts, surveille sa consommation et adapte son rythme à la consommation du groupe en étant très attentive. C’est un art. Le don qu’elle nous fait, au delà du thé, c’est l’attention à l’autre. C’est beau.

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On me propose thé noir ou vert, on m’en fait sentir plusieurs, j’ai envie de noir, pour une fois, celui ci, très fermenté, a une odeur qui m’attire. Il sera pourtant léger et fruité. Un délice. Les troisièmes et quatrième infusions seront les plus florales. Un parfum.

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Chaque thé semble avoir sa théière mais, en général, dans un usage courant, c’est le petit bol de droite qui prédomine, le couvercle servant en fait de filtre. J’ai toujours des frissons, humides, mais je me détends un peu. J’ai appris quelque chose.

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Bon, la salle est prête. Pas vraiment le temps, dans la fureur des vendanges, de bien préparer le voyage, je n’ai pas vraiment de support alors qu’un rétroprojecteur me tant les bras. Aie. Je me sens largué dans ce monde de l’image. Je devrais avoir un film, des films, des images fixes, un power point, des statistiques, des cartes.Or, je n’ai rien préparé, et suis, malgré ma réputation de geek qui tient un blog, fort dépourvu quand le tasting fut venu. Ah moins que… Yes ! sauvé par mon dropbox pro, où j’ai tout jeté il y a quelques semaines, je me souviens d’une vieux ppt fait il y a dix ans, à mon premier voyage en Chine. Sauvé. Au moins une carte pour situer la région…

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Sophie est la responsable de l’école du vin, mélange étonnant entre un club, un caviste, un marchand de thé et une école. J’essai de simplifier mon discours, elle tente de le muscler car elle a bossé avant, c’est clair, pour l’adapter à son public, qu’elle connait bien. On passe en revue toute la gamme, c’est épuisant. L’assemblée se déride peu à peu, quelques questions me permettent d’aborder des sujets qui me tiennent à cœur, dans l’assemblée, c’est pas mal, sauf que bien sûr je ne décode pas encore le sens des visages Chinois, si tant est que cela est possible. Je me demande si certains vignerons aiment faire cela, s’ils sont à l’aise. Difficile pour moi, en tout cas. Mais cela fait partie du job. Tout le monde voudrait que les vins soient boisés, hors, seul le Clos des Fées l’ait. Etonnant comment toute une génération de Chinois a été formatée sur le pouvoir du bois, sans doute par les Bordelais. Déroutant aussi, le temps que passent tous les dégustateurs sur chaque vin, dix à quinze minutes par vin à tourner et retourner, sentir et renifler, goûter sous toutes les coutures avant de s’exprimer. Très scolaire. Mais passionnés. L’école du vin, je l’ai faite moi il y a quarante ans maintenant. C’est loin pour moi. J’aimerais temps leur parler de Wine mapping, de ressentis, de plaisir émotionnel et non intellectuels,  de goût personnel. Ce sera pour une autre fois, le Français de Sophie est excellent, c’est le public qui n’est pas prêt. J’évoque une invention vue sur internet, des oreillettes intelligentes, à deux doigts d’être mis au point, et qui feront que votre smartphone traduira à la volée votre parole dans n’importe quelle langue permettant la communication entre les hommes. Enfin. Ca, ça me plairait bien…

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Un coup de pompe me saisit, pas loin de deux heures d’attente avant le diner, à 18h30. Sophie me trouve une réserve, un fauteuil, je me blottis dans mon coupe vent, frissonnant et sombre, dormant 40 minutes, profondément, bénissant le ciel de pouvoir dormir vite, n’importe quand et surtout n’importe où. Je suis loin d’être calé sur l’heure locale, bien que cela s’améliore. J’en profite pour appeler un peu la France, le décalage horaire complique la chose, surtout avec les enfants.

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Diner de gala. Bizarre, il n’y avait que de jeune femmes cet après midi, il n’y a que des hommes mûrs ce soir. Français. le diner. Ah. Salade, confit de canard, le dessert j’ai oublié. Bon. Ce soir, c’est six Clos des Fées. Je me demande vers quoi renvoie le QR Code central. Peut-être au site de l’école du vin. Les QR codes ici sont partout, en particulier sur WeChat. On ne donne pas son nom, on montre le QR code que l’application vous fourni, scandé par votre interlocuteur. Hop, vous êtes connectés. WeChat, c’est l’outil de communication névralgique en Chine et impossible de ne pas l’avoir lorsqu’on veut voyager ici. Le vigneron 2.0 a donc Skipe, pour la famille, Viber, bien utile aussi pour le téléphone de qualité, What’sapp pour le japon et les US, WeChat pour la Chine, messenger pour son Facebook, signal pour ses communication cryptées, j’en passe et des meilleures. C’est le progrès. Ici, WeChat permet tout, en particulier l’achat et la vente, le paiement en direct C to C et certains y ont même des boutiques. On ne se téléphone plus, on s’envoie des messages enregistré, vocaux, qui évitent de taper et le geste de porter son téléphone horizontal près de sa bouche pour enregistrer un message, est étonnant au début à voir, puis commun. Autre pays, autre mœurs. Nous sommes très en retard. Moins connectés. Et, honnêtement, tant mieux…

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Les clos des fées sont alignés. Compliqué, là aussi, ces verticales. Je n’ai pas, comme dans certaines régions, des décalages de qualité en fonction des millésimes et je ne change pas chaque année ni mes assemblages de fond, ni mes élevages. Certes, l’effet millésime est perceptible, peut-être moins, au final que l’effet du temps, du vieillissement, qui fait ressortir le grand terroir calcaire de Vingrau. les vins sont croquants, charpentés, le fruit intact même après dix ans. Mais du coup, difficile à commenter. Faut dire que le repas français ne l’aide pas. Le confit de canard est à peine chaud, pas croustillant, le brocoli artistiquement glissé sur les deux patates déprimants. Je grignote ma salade machinalement, avec… mes baguettes. Pour la salade, c’est super, honnêtement, mieux que la fourchette. Je me rends compte que je suis désormais habitué à la table tournante, son partage convivial de mets que chacun mange selon son envie et son appétit, que cela va me manquer. Je picore quelques morceaux de confit, bon, c’est vrai que c’est pas mal avec le 2007 et, enfin, c’est salé et poivré, une des choses qui m’aura le plus manquée pendant ce voyage.

Pendant que tout le monde goûte religieusement, je me demande si le fait de penser en idéogrammes changeait la perception des choses, de la vie, et surtout du vin ? Quelqu’un a t’il fait une thèse sur le sujet,  l’imagerie cérébrale permet elle de savoir ce qu’il se passe dans le cerveau du Chinois qui goûte, alors qu’il  dessine des idéogrammes sans fin alors que nous assemblons quelques lettres ? Va savoir, Charles.

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Pas de serviettes, au fait, ici, mais une boite de kleneex sur la table, avec un beau damier que certains reconnaitrons. Savais pas que Vuitton faisait dans le mouchoir… Amusant. Tout le monde veut absolument savoir l’encépagement, au poil de cul près. Je parle d’instinct, de goût, de sensation, on s’attend à des chiffres et de la technique. Mais voilà, je ne suis pas directeur technique. Compliqué de ne pas vexer. Je médite sur la version chinoise de la cuisine française, pensant à la version française de la cuisine chinoise, illustrée désormais par des « buffets à volonté » en périphérie de centres commerciaux, tenus à 100 % par des Chinois de Wenzhou qui mélangent tout et surtout n’importe quoi, le tout surgelé et à base de produits de merde, de quoi pousser un gastronome cantonais au suicide… C’est la mondialisation…

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Le diner se termine, Sophie et son équipe terminent de ranger. Après une séances de photos + selfies avec TOUS les participants, je patiente dans le petit jardin, charmant, où trois élèves ont entamé une partie de majhong. Elles me proposent gentiment de me joindre à elles, ce que j’accepte avec plaisir. En cinq parties endiablées, je leur montre que je ne suis pas né de la dernière pluie et, du coup, elles me proposent d’aller fumer un peu d’opium dans une fumerie historique, vers le port, dans le bas fond. Curieux, j’accepte.


majong

Enfin, vous ne croyez pas quand même que je joue au mahjong ? Ni qu’on fume de l’opium encore à Canton ?

Rêveur d’une Chine disparue que ni moi ni d’autres ne connaitront plus, je rejoins mon hôtel, prudemment conduit par le mari de Sophie, venu la chercher malgré l’heure tardive, ayant peur qu’elle soit pompette. Chinois et gentleman, mais oui messieurs. Dernier regard du 69 ème étage sur Canton illuminé. Demain, retour.

 

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