Les anciens, le poudrage et le bon temps du disco


Dimanche, c’était le déjeuner des anciens. Ma maison jouxte la salle des fêtes. Ceux qui sont passés à Vingrau le savent. Je ne comptais pas m’imposer, vu que c’est réservé au troisième âge (encore que ça me pend désormais au nez…), mais l’entrée de ma maison étant bloquée par une voiture, je suis gentiment aller demander qu’on déplace le véhicule récalcitrant.

Quel bonne idée ! J’y ai salué bien des amis, dont le doyen du village, Émile, 94 ans, toujours bon pied bon œil, prouvant que la gentillesse est sans doute une des clés de la longévité.

Vingt ans que je suis là… Un bail… Du coup, j’ai croisé beaucoup d’amies et d’amis, souriants et souriantes, ceux qui m’ont accueilli il y a vingt ans, certains avec bonhomie, d’autres avec un petit sourire en coin, il faut le dire, en me regardant acheter les vignes les plus caillouteuses et les plus âpres de la contrée. Bon, tout cela est oublié, le temps fait bien les choses et c’est la magie du village, brouilles et réconciliations, raisons et sentiments, toute cette vie grégaire, à l’ancienne, que l’on ne peut comprendre tant qu’on ne l’a pas vécue. Ca se résume en une phrase, que m’a dit un jour Jeannette, ma voisine, 89 ans cette année : « tes voisins, tu ne les choisis pas. Et ils ne te choisissent pas. Alors il faut faire avec ». J’aime cette vie de tribu, de petite communauté, où le monde, ses passions, ses beautés, ses bassesses aussi, tout cela comme enfermés dans une bouteille, en minuscule, avec qui on «fait avec» les uns et les autres. J’aime mon village, en vérité, et j’y serai bien allongé dans sa terre, un jour, au repos, cette terre que j’aurai eu tant de joies et de peines à cultiver.

J’y ai vu le maire, les conseillers municipaux, tous sur le pont pour donner un coup de main aux employés municipaux (la vie n’est pas toujours comme la décrivent avec humour les Chevaliers du fiel 😉 pour servir un bon repas aux anciens. Bientôt 130 personnes sur un peu moins de 400 habitants ici, ainsi va la campagne. Elle meurt. Et avec elle des générations d’hommes et de femmes, que l’on peut croire simples mais qui ne l’étaient pas, qui auront marqué une époque morte elle aussi, celle où l’on piochait les vignes derrière l’un des 80 chevaux de Vingrau, au bigos, la pioche à deux dents seule capable de retourner la terre caillouteuse des bacs. Alors qu’ils n’ont eu le tout à l’égout et l’eau courante parfois qu’au milieu de leur vie. Mais ont toujours bu l’eau de la source du village. Le moule est cassé. Le lien social aussi. Mais c’est un autre billet, à écrire, un jour de spleen.. En écoutant Jean Ferrat..

Alors, du coup, on m’a proposé un café, un bout de fougasse, un verre de blanquette – pas de marc, merci – et on a refait le monde, à deux, puis à quatre, puis à six, comme on le fait gaillardement ici, toujours avec le même plaisir, parlant du temps qu’il fait, de la récolte qui s’annonce, des chasseurs qui vieillissent et qui ne vont plus nous protéger des sangliers, et bien sûr du vignoble qui se meurt, faute de vignerons. On s’est dit qu’on était cons, tous, pas assez solidaires, pas assez «communicants» entre nous (c’est mes mots, hein, pour résumer, pas les leurs), ne sachant pas travailler ensemble comme à la grande époque de la création de «l’idéal coopératif», lui aujourd’hui toujours foulé au pied. Bosser en grappes, comme dirait l’autre. Ou en meute, comme disent les allemands il parait. Je crois qu’on avait un peu bu. Qu’on avait oublié, a dit Dédé, que les anciens allaient, par exemple, et c’est pourtant simple, merde, tous poudrer au même endroit le même jour, pour lutter contre l’oïdium, créant ainsi un effet masse qui protégeait tout le monde des maladies, même ceux qui n’avaient pas pu se lever se jour là.

Ca tombait bien, la semaine précédente, j’avais pris une photo de notre poudrage sur le Carignan des Toto, à Génégals. J’aime bien l’idée que vous passerez peut-être un jour par là, que vous prendrez la route de Génégals comme si vous étiez d’ici, et que vous direz, reconnaissant cette vigne : «tu vois, ça c’est la vigne des Toto»… Le jour se levait, le temps était parfait, juste avant la floraison.

poudragecazot

Et que le lendemain,  j’avais revu mes tracteurs poudrer une partie du cirque, me disant que c’était vraiment balo qu’on soit pas ce jour là tous à le faire. On aurait rempli le cirque de soufre, ça aurait été une belle photo. Chargée de sens. De brume. Et d’efficacité…

poudrage-cirque

 

Bon, y’avait plus de blanquette alors je suis rentré après avoir apprécié un groupe de mamies chanteuses qui tentaient de faire se lever la salle en alternant, ma foi fort gaillardement, ABBA et Michael Sembelo. Chacun est rentré chez soi, un peu nostalgique de ce temps où l’on était – par habitude, culture, force ou ennui – solidaires…

J’ai gardé Flasdance dans ma tête doute la journée, je me suis dit que l’année prochaine, je leur ouvrirai un trois litre de petite Sibérie. ils le méritent….

Ah, deux liens, pour deux plaisirs différents mais que je place au même niveau.

TOUT savoir sur le poudrage et rendre hommage à Henri Mares, sauveur du vignoble. C’est la page culture. C’est important.

Tout aussi important, cette VIDEO collector de «Maniac», en live, avec mention spéciale pour… tout ! les tricots de peau, les poils, les danseurs et les danseuses à l’arrière plan, le piano en verre, la guitare clavier, le bandeau du batteur… A savourer sans modération.

Et on se remue !

3 commentaires

  • Stephany
    17/06/2017 at 11:37 am

    Merci de tes mots généreux. Ils m’ont donné l’idée de lancer un repas sous les arbres à Cabara. Pour ne plus attendre et partager sans tarder.
    Merci d’écrire Hervé.
    Merci pour ta force et toute ta sensibilité.
    Me tarde que l’on se revoit tous. Souvenir ému de la visite du mas de la Chique
    De l’odeur des oliviers et de ce contraste entre leur gris vert et l’ocre rouge de ta terre.
    Je t’embrasse.

  • Nicolasderouyn
    17/06/2017 at 2:53 pm

    C’est balo (lactique) ou c’est ballot ?

  • Isa baumann lenot
    18/06/2017 at 2:22 pm

    Oh quel beau billet mon cher Hervé ! Tout cela n’est pas que nostalgie mais saveur du temps qui s’ecoule au présent et tu les croques à pleines dents ces moments des ainés qui avaient souvent raison « d’un coup de revers de manche »! Tu sais, c est simplement le bonheur… Heureuse que tu sois heureux sur ta terre. Et oui…re dansons sur Maniac . Amities de La nouvelle France …de Montreal.

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