Vendanges 2017 – Day 6 – Mystères


Au fil de mes balades, l’étrange millésime 2017 commence à prendre forme.  Des sensations émergent d’un épais brouillard, voire un début de fil conducteur. Pourtant, tant de mystères resteront cette année encore, inexpliqués…

Certes, pas de canicule marquée. Quelques gouttes, par ci, par là, pour ponctuer l’été, mais rien de bien notable. Des entrées maritimes le matin, oui… (mais, n’allant pas à la plage, je m’en suis peut-être rendu moins compte). Du coup, comment expliquer ce feuillage si vert, jamais vu ici encore à cette période ? Pourquoi des grains si gonflés, si ronds ? Pourquoi un mildiou en embuscade, partout, qui ne demande qu’à exploser en septembre si le temps changeait ? Mystère. Clairement, il a fait plus humide cette année que je ne l’ai perçu. D’ailleurs, sur un morceau de parcelle toujours plus humide on peut trouver une «mouillière», qui n’apparait le plus souvent que vers l’automne. Le court-noué flambe lui aussi, les nématodes aimant l’humidité.

Mystère aussi cette explosion d’Esca, cette sale maladie qui ravage le vignoble Français depuis que la vigne existe mais qui redouble d’intensité cette année, sans doute parce que ses spores aiment aussi l’humidité. Mais pourquoi est il 10 fois plus virulent sur le Mourvèdre cette année que sur les autres cépages. Qui peut le dire… Les symptômes sont là, cette vigne survira peut-être un an, mais j’en doute et, de toute façon, son raisin est inexploitable.

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Le champignon est coriace, véritable cancer, il transforme peu à peu le cœur des charpentes en matière spongieuse. On le combattait avec de l’arsenite de soude, un poison certes, mais que l’on appliquait ici avec précaution. La vigne renaissait littéralement, libérée pendant des années de tous les parasites, et pas que de l’esca. Certains ont abusé, irresponsables et le produit a été interdit alors qu’un encadrement par des sociétés spécialisées aurait été tout à fait envisageable. Mais ce n’est pas dans l’air du temps. Le coût pour la viticulture est colossal et, dans certaines régions, les périodes pendant lesquelles il fait chaud et humide, c’est parfois 10 % d’une parcelle qui peut mourir, obligeant au remplacement des pieds. On en est loin, ne nous plaignons pas.

Pour celle ci, c’est terminé.
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On continue à couper Syrah et Grenache, « esprit Sorcières », sur les terroirs chauds d’Espira et de Cases de Pène où certaines parcelles commençaient à être en demande urgente. Si certains accélèrent, d’autres semblent étrangement paisibles, ignorant que, clairement, la clé de la vendange se joue cette année ici au mois d’août et que le retard pris sera irrattrapable. Concentrés sur le muscat petits grains, ils ne voient pas les Syrah « se lâcher » lentement mais sûrement. Heureusement qu’il n’y a pas de tramontane, mais beaucoup de parcelles passent très vite du fruit vert au fruit mûr, puis cuit, la peau se plisse et ensuite se dessèche, jusqu’au stade «peau de chagrin», la moitié des volumes étant de plus évaporée. J’ai du mal à comprendre.

L’autre clé du millésime aura été à l’évidence la machine à vendanger qui montre sa supériorité à cueillir au bon moment. Le plus beau raisin du monde ne peut donner son potentiel qu’à une période précise. 5 jours trop tard, ses qualités sont fanées. Après, il vaut bien moins qu’un raisin à maturité parfaite sur un terroir modeste. Pour vous donner une idée, 60 personnes, motivées rentrent 30 tonnes de raisins dans une journée de souffrance. UNE machine à vendanger, sur une parcelle chargée, fait de même en UNE petite nuit. Un de mes collègues, qui a tout compris, en fait tourner 5 en ce moment, attrapant au vol ainsi toutes les qualités du raisin au moment où il le faut.

L’équipe se renforce aussi, peu à peu. Tant mieux. J’ai besoin d’un massage. Déjà…

 

 

 

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