Vendanges 2017 – Jour 9 – Détachement


2017, année de la Roumanie, en tout cas au Clos des Fées.

Vendanges précoces, je crois que vous le savez et donc, plus que jamais, besoin inhabituel et pressant de vendangeurs, en pleine période appelée ici «estivale».

Réponses locales ? Aucune. Je sais, le boulot est dur, surtout en août – encore que des entrées maritimes nous sauvent depuis quelques jours d’une chaleur insupportable – payé au SMIC ; notre ami Hollande, socialiste pur jus ayant supprimé les «contrats vendange» qui mettaient un peu de beurre dans les épinards de ceux qui avaient envie de travailler en plein air pendant leurs congés, finissant de les dégoûter. Et bien sur de continuer à faire le lit de la machine à vendanger, cette merveilleuse expression du génie Français (nous en sommes les inventeurs) qui a déjà remplacé la main de l’homme dans plus de 90 % du vignoble Californien ou Australien, et sans doute bientôt les deux tiers du vignoble Français. Seules résistent les régions où c’est interdit ou celles où la vigne ne le permet pas. Les rares vignerons qui persévèrent par choix font figure d’illuminés.

Que vous dire ? J’ai longuement écrit sur ce blog les avantages et les inconvénients de ces monstres mécaniques à 250 000 euros qui, aujourd’hui, font souvent : 1/ mieux, 2/plus vite, 3/jour et nuit et 4/à l’instant T que les mains pourtant courageuses des vendangeurs. Mais voilà, illuminé je suis, illuminé je reste, j’ai fait d’autres choix, celui de l’humain. Et il me faut les assumer.

Le problème commence à piquer quand, de l’humain, il n’y en a plus. Je ne vais pas revenir sur ces millions de chômeurs qui rêvent parait-il de travailler. Ils ne sont apparemment pas dans le Roussillon, n’ont pas finalement peut-être pas une vraie envie ni surtout, à fortiori, un vrai besoin. Et ceux d’ailleurs ? A leur décharge, l’hydre administrative imposent aux vignerons une telle avalanche de normes hôtelières et culinaires, plus des responsabilités écrasantes, que loger et nourrir relèvent non plus d’une vision humaniste, mais d’un mix entre Mère Thérésa et l’Agence Tous Risques : on ne peut plus nourrir ni loger, donc, chacun reste chez soi et les voyages ne forment plus la jeunesse. La terre est basse, ça n’arrange rien, il est vrai.

Reste les Roumains, qui cette année, me sauvent. Ah, la Roumanie, pays latin d’où déferle, vous le pensez, une main d’œuvre sous développée corvéable à merci au prix du fameux travailleur détaché, c’est à dire rien, venant voler le travail de Super Dupont, habillé d’un T-shirt «I Love le Dumping Social»

romania

 

Que nenni… Si vous le voulez bien, un petit cours magistral : mes chers vendangeurs et cueilleurs d’olives Roumains sont employés en France, par une boite d’intérim française, payé au SMIC français. C’est en fait plutôt plus cher pour le Domaine, puisque l’entreprise rémunère son travail de recrutement et de gestion, largement mérité. Ces Roumains là ne volent rien, ne font aucun dumping, sauvent des exploitations maraîchères, fruitières, viticoles chaque année parce que, tout simplement, plus personne ne veut plus faire ce genre de travail chez nous, à moins que, malheureusement, peut-être aussi ne  peut plus le faire, parce le mental n’est pas là, le physique non plus. Quand les deux fonctionnent, et bien inutile de se voiler la face, le difficile n’est pas à mode, le dépassement personnel pas davantage, le pénible honni et, globalement, l’agriculture méprisée comme tout travail manuel. La vendange manuelle un luxe ? Oui, un luxe. Espérons qu’on pourra se le permettre longtemps.

Le plus amusant, dans tout cela, c’est que ces 50 (et oui, 50 depuis ce matin…), Roumains, qui me font découvrir cette année quelques plats locaux comme la «Ciorbă de burtă» ou les «Caltaboși», vont cotiser pour des prestations dont ils ne profiteront jamais, mais qui participeront à un système qui permet justement de survivre à ceux qui… justement les critiquent, oubliant qu’ils sont, comme vous et moi, Européens. Et puis, de toute façon, comme, Dyonisos serait né en Thrace, la Dacie, la Moldavie actuelle, c’est un retour aux sources… Donc, Camembert.

Au final, les travailleurs détachés (véritable honte…) NON; la libre circulation du travail en Europe aux conditions de chaque pays en attendant qu’elles convergent, OUI. Sinon, de toute façon, préparez vous à arrêter de manger tout ce qui doit être récolté à la main…

3 commentaires

  • Loïc V
    07/09/2017 at 7:07 pm

    Bonjour Mr Bizeul,

    Je suis votre blog depuis deux ans maintenant et je suis fils de viticulteur en Champagne.
    Notre région viticole a besoin de 100 000 vendangeurs pour les 33 000 Ha de l’appellation.
    Depuis deux ans nous avons ces même problèmes:
    – des demandeurs d’emplois à foison à qui Pôle emplois leur dit que s’ils allaient faire des vendanges ils perdent leurs droits.
    – le peu qui se mobilisent ne s’implique en rien, ils viennent à la carte selon leurs envies et j’en passe.
    – la plupart des équipes de vendangeurs sont en sous effectif très flagrant entre le manque de vendangeurs et de désaffection de vendangeurs qui trouvent le boulot trop difficiles!

    Comme vous sans le Sud, le vignoble pense sincèrement qu’ils faut compter sur les poonais, portugais ou roumains qui eux bossent!

    Bon courage pour le reste de vos vendanges Mr Bizeul

  • Norbert
    05/10/2017 at 7:34 pm

    Rassurez-vous: il n’est pas sûr qu’ils ne profiteront jamais de leurs cotisations (et que leur employeur ne verse des cotisations dont ils ne profiteront pas). Le système européen de sécurité sociale permet des transferts de droits. Reste à savoir sous quel régime ils sont effectivement employés. Le détachement ou un contrat de droit français?

    • Hervé Bizeul
      06/10/2017 at 7:23 am

      Je fait très attention à ce qu’ils aient un contrat de droit français…

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