Vendanges 2017 – Jour 12 – Sous la peau


Ca y est, on y arrive. Dans le cœur de la meule. Dans le sanctuaire. Dans les plus belles vignes. Dans la «crème de la crème».

Oh, ce n’est pas que je ne les aime pas, les vignes «du bas». Bien au contraire ! J’aime vraiment faire (et boire…) des vins simples, du quotidien, pas trop ni trop peu, avec du fruit, du fond, de la mesure surtout. J’en ai besoin, même, pour rester en contact avec la réalité, dont tente de m’éloigner parfois le statut de «vin culte» de la petite Sibérie… Mais bon, l’injustice de la naissance, celle du terroir de naissance, je n’y peux rien. Je pense souvent à un mot de mon voisin Michel qui, il y a sept ans, quand je lui ai dit que je m’engageais à la Chique m’a dit «Oh, tu verras, ça fait de bons vins. Mais tu vois, ces vins, ils seront toujours un peu rustiques; ils ont, comment te dire… les mains calleuses». En disant ça, il me montrait ses mains, tannées par 60 ans d’une vie de vigneron, une vie manuelle. J’ai compris, depuis. Il y a des terroirs rustiques, et ils faut les aimer pour ça. Et puis il y a les autres, ceux qui sont capables d’autre chose, d’une autre dimension, celle de la finesse, de la longueur, du raffinement.

Ceux là, ils donnent aussi, parfois, sans qu’on sache vraiment expliquer pourquoi, des vins capables de changer avec le temps, comme nous changeons, nous. Certains en bien, toujours capables de s’améliorer avec l’âge. D’autres, restant, je dirais, pour rester fair play, où ils en étaient. C’est à dire pas très haut.

En pensant aux vins, qui sait, que je vais faire peut-être cette année, je pensais que ce qui ferait la différence ce serait leur texture, à la naissance où vingt ans plus tard, différente pour chaque vin comme peut l’être la peau humaine, certaines ayant une douceur, un toucher, un truc inoubliable. En tripotant des grappes, des feuilles et des raisins une grande partie de l’après midi, cherchant une réponse que je ne trouverai qu’en moi, celle du fameux jour parfait de récolte,  je regardais mes mains, ma peau. Voici la mienne. 60 ans, bientôt, il faut que je m’habitue, elle va encore changer sous les assauts du temps, du soleil et du vent…
peauvigne

Drôle d’idée de vous montrer ma peau. Elle m’est venue en photographiant une feuille de Carignan, un peu plus tôt, alors que la lumière faisait fambloyer un morceau du Clos des Fées.

En macro, on dirait une peau, me suis je dit. Une peau mature, qui est en train de se colorer avant de mourir. Elle renaitra l’année prochaine. Nous, non. Et c’est bien comme ça.

vigne-peau

Je crois qu’il faut y aller, c’est clair, qu’il faut finir… Les pulpes se détachent, les pépins sont aoûtés, la vigne est en pleine forme mais elle a tout donné. La lune était pleine lundi, elle va redescendre, la sève avec. Et l’essentiel reste de préserver le fruit, alpha et omega du vin, du simple au plus grand, enfin à mon avis et à mon goût. J’ai beaucoup hésité parce que les acidités semblent comme remonter, au fur et à mesure que la peau des raisins s’affine, se confond avec la pulpe, lui transmettant même, parfois, quelques pigments. Pourtant, aucun signe de flétrissement des peaux, cette année. Et si c’était moi qui me trompais ? Je ne crois pas… En sécurité, je prends quelques photos en macro, au ras des souches, couché sur les cailloux qui me rentrent cruellement dans le dos, la tête vers le ciel. En les regardant sur l’ordi, parce que ma vue n’a plus vingt ans, elle non plus, je me rassure…

gros-plan-syrah

On va donc attaquer les derniers morceaux, hors Mourvèdre, bien sûr, c’est décidé. Et laisser pour l’instant les blancs mûrir, ce qui sera vraiment une première. Clairement, on a deux semaines d’avance, et pas que sur les maturités. Les sensations dans la vigne, la lumière, le vent, tout me rappelle des moments vécus d’habitude fin septembre et non fin août. Année bizarre… Peu de volumes, mais, peu à peu, je me demande si je ne vais pas être surpris par une qualité exceptionnelle. Avançons.

 

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