Drôle d’époque


Ah, pour ça, c’est une drôle d’époque…

Pensif en regardant mes vignes – et certaines autres – c’est la phrase qui me venait à l’esprit l’autre jour, au milieu de ma verte vallée. Alors, ce matin, au café, j’ai parlé avec Michel, mon voisin  –bientôt 90 ans au compteur — de… l’herbe.

Parce ce que cette année, de l’herbe, ici, il y en a. Un peu. Beaucoup. Chez certains, vraiment, mais vraiment beaucoup. Et au lieu de s’en inquiéter, je pense qu’ils en sont fiers. Dans un millésime où il n’a jamais autant plu et où le Mildiou est en train de passer du rêve à la réalité, il va y avoir des morts.

Je les comprends quelque part : l’herbe est devenue un moyen de communication. Ou tout au moins un truc dans l’air du temps. Tendance.

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Vous avez de l’herbe, dans les vignes, plein d’herbe, le plus d’herbe possible, et voilà, vous êtes du «bon côté de la force».

Moi, de l’herbe, je l’aime dans les champs, dans les cinquante hectares de bois, de landes, de prairies naturelles ou semées qui entourent mes vignes et que j’entretiens avec amour ou que je laisse en liberté. Mais pas dans mes vignes et surtout pas en été, en Roussillon.

Oh, je sais, me voilà immédiatement catalogué comme un suppôt de satan. Je laboure, beaucoup. Je désherbe, un peu, mais oui, je désherbe encore, à la machine à dos, avec l’italien et l’arménien, « parcimonie » et « bon escient », quelques vieilles vignes. Faute de temps, de moyens humains (qui veut passer sa vie à piocher, de nos jours ?) ou matériels, à cause de l’étroitesse des rangs et de l’âge canonique de certains ceps sculptés par la tramontane. Et je dois me justifier, parfois, devant des personnes qui n’ont jamais touché un manche de pioche et qui, formatés par le discours ambiant, pensent que l’herbe, dans les vignes, c’est bien. Bien pour les vignes, non, c’est sûr. Bien pour qui ? Il ne sait pas vraiment, mais il est sûr que c’est bien. C’est… naturel, le grand mot à la mode. Ca serait même indispensable, pour certains qui donnent surtout des conseils mais ne font pas de vin. Parait que je devrais me lancer dans la permaculture (l’autre mot à la mode), faire de mes vignes un «milieu naturel», une sorte de forêt enchantée. Et pour cela, faudrait que je les prenne comme consultant. Mes vignes vibreraient en harmonie avec le flux cosmique. Mes vins seraient enfin «vivants». Mais bien sûr…

Avec Michel et Jeannette, mes voisins adorés, l’autre samedi matin, au café tardif de 10 heures,  je lorgnais, au milieu de la magnifique toile cirée vintage de la table de sa cuisine, sur leurs radis. Sortis le matin même de la terre de leur potager, ils s’épanouissaient dans l’eau d’un bol en pyrex. Manger ses propres radis, juste sortis du sol, minuscules, craquants, sans une once de piquant, avec du beurre frais, un bon pain de Cucugnan et de la fleur de sel, ça vaut, croyez moi, tous les caviars du monde dans tous les Four Seasons du monde. On a fait le tour des potins du village, de la météo et on a donc parlé de l’herbe.

– Ouvrez la parenthèse…. Non, pas de l’avenir de Vingrau en temps que terroir mythique de culture de la marijuana ce qui arrivera sans doute un jour, tant, ici, sol et climat sont propices à l’émergence d’un grand cru de «beuh». Mais faudra attendre  un peu et je ne suis pas certain que nos futurs gouvernements aient l’esprit assez ouvert pour voir combien l’application du concept des AOP au cannabis pourrait être judicieuse… Fermez la parenthèse  –

«  Tu vois, me disais Michel, toute mon enfance, toute mon adolescence, une grande partie de mon âge adulte, je l’ai passé à lutter contre l’herbe. C’était bien avant le désherbant, bien avant la facilité. Au cheval, à la mule, au bigos, cette pioche à deux dents et à l’escousaillère, sorte de bêche  pointue, en forme de cœur. Des heures, des jours, des mois, des saisons, des années à marcher, derrière un cheval ou à piocher. Une technique, bien précise, par outil. La règle, c’était 400 pieds par jour. 400 m2. Par personne. En damier. En partant de l’extérieur et non au raz du pied, mauvaise idée, pour que la terre soit peu rejetée, ramollie. Mais à la fin, tu te retournais, ta pioche sur l’épaule et tu étais fier de toi, de ton travail, de ta vigne, de ta vallée. Alors crois-moi, si je te dis que l’herbe, ici, dans la vigne, ça vaut rien, c’est que ça vaut rien…”

Jeannette, sa femme, a rigolé. « Moi aussi, j’en avait une d’escousaillère, à ma taille. Michel l’a retrouvée, l’autre jour. Souvent, il passait devant, labourant, au cheval, j’allais derrière, et en deux ou trois coups, j’enlevais les dernières herbes, au raz des souches, en gobelet, au carré, dans la terre fragilisée par le passage de la charrue qui l’avait décompactée ».

Et, là, tu bois une gorgée de café, et tu enlèves tes œillères, tu ouvres ton esprit et tu te demandes pourquoi, en climat méditerranéen, alors que c’était un travail surhumain, on était certain qu’entre l’herbe et la vigne, ici, il fallait choisir. Parce qu’il n’y avait pas à manger pour deux. Ni à boire pour deux. Tout simplement. Parce que l’expérience, des années d’expérience, des générations d’expérience l’avait prouvé.

Que l’herbe soit excellente, dans certaines régions, pour absorber l’excès de vigueur des sols, pourquoi pas. Qu’elle protège les sols, ici et ailleurs, l’hiver, n’en doutons pas. Qu’un couvert végétal soit bon pour lutter contre l’érosion ou pour la décompaction des sols, j’en suis bien sûr convaincu. Mais quand je vois des vignes de 80 ans tuées en cinq ans par des néo-vignerons qui viennent ici formatés par un délire de pseudo-science, ça me fend le cœur, ca me rend triste. Pour elles. Pour eux. Combien d’hectares de vieilles vignes auront ils sacrifiés en Roussillon sur l’autel de simples croyances, foulant au pied des traditions centenaires ? Combien de domaines, ici, installés puis repartis, faute de bons vins équilibrés, faute de vins tout court, les rendements s’étant écroulés ? Juste parce que pétris de certitudes, ils n’ont jamais pris le temps de parler avec un vigneron de plus de soixante ans (de travail…), d’écouter les anciens ? Je les compte plus. Leur rêve était beau. Leur réalité, moins drôle. Leur conception de la vigne : du jetable. Le tout avec la complicité ou même les encouragements de certains qui, à de rares exceptions près, ne descendent jamais de leur voiture hors de l’asphalte, pour ne se salir ni les pieds, ni les mains. C’est comme ça.

Définitivement, nous entrons dans un drôle d’époque où l’on considère l’herbe, dans certains cercles, comme une promesse de qualité. Voire un gage. Un pré-requis.

Ce billet n’y changera rien. Chacun croira ce qu’il voudra. Moi, je continuerai de croire Michel. Et Jeannette.

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Merci les amis. Pour ces vingt ans d’accueil, de soutien, d’amitiés. Vous voilà, pour toujours, sur Internet.

 

17 commentaires

  • Sauer mireille
    26/05/2018 at 8:12 am

    Merci Hervé – mon grand père qui aurait 115 ans et une vie d’agriculteur vigneron disait « l’herbe sur le bord du chemin, et les bidons de poisons chez le fabriquant – je n’ai pas l’age D’avoir été gazé dans les tranchées, ce n’est pas maintenant que ça va commencer » .
    Je t’rmbrasse

  • Stany
    26/05/2018 at 8:29 am

    Quelle prose !!! Quelle coup de plume pour exprimer la sagesse , le savoir faire et l’amour de ses vignes au confluent de la tendance et du respect des anciens qui ont déployé leur science sur le sol de l’expérience ….Merci pour ce recadrage …

  • Michel Gratioulet
    26/05/2018 at 10:05 am

    C’est la loi de l’enherbement maximum.

  • Berenguer Christophe
    27/05/2018 at 8:23 am

    Merci Hervé, je vais transmettre ce magnifique texte à mes élèves du lycée Bonne Terre de Pézenas et étudiants de l’IUT de Perpignan, mais aussi aux jeunes collègues de l’enseignement agricole qui ne jurent que par le bio, l’herbe et la pérma !!!

  • Céline Tarrius hernandez
    28/05/2018 at 8:29 pm

    Quel beau texte. Quel bel hommage. Quel amour et quelle passion qui en ressort. Petite et arrière petite fille de viticulteurs et sœur de viticulteur votre récit me touche beaucoup. Merci

  • marc Parcé
    01/06/2018 at 1:39 pm

    Samedi 2 mai 2015, 3 h 25 du matin, le thermométre devant la maison affiche 18° : le printemps s’est vraiment installé , tout est vert autour de nous, dans le jardin, la rue, quant à la vigne elle pousse fort et les racinés, greffés il y a quelques semaines, sortent de terre… C’est aussi à cette saison que l’herbe apparaît dans le vignoble. Pour nous vignerons banyulencques l’évocation de cette « sortie » de l’herbe, évoque surtout la gestion de ce qu’on appelle communément « les mauvaises herbes », celles qui concurencent la vigne et qu’il va falloir maîtriser sérieusement si on ne veut pas qu’elles se développent à son détriment !
    Contrairement à ce que le plus grand nombre pense, le climat de Banyuls est humide, la proximité de la méditerranée étant une des caractéristiques, ce qu’on appelle dans notre jargon des vins d’appellation, le lien au terroir de ce vignoble coincé entre mer et montagne : même si les pluies ne sont pas fréquentes mais peuvent être abondantes, l’air est chargé d’humidité excepté les jours de « tramontane » ( vent de Nord-ouest )
    Sur ces sols pauvres, les herbes se développent facilement et le lot des vignerons avant l’arrivée des désherbants en était l’arrachage manuel . Ce travail ingrat est souvent rejeté par nos contemporains qui le trouvent fastidieux et lent, les surfaces exploitées aujourd’hui étant plus importantes que par le passé. En fait il s’agit d’un travail de bénédictin, actuellement on dirait de chinois tant le rythme, la lenteur et l’ampleur de la tâche découragent les plus vaillants. Bien sûr c’est une question de coût mais également de perspective et nécessite une réflexion sur le travail et le rapport de l’outil à l’oeuvre – je renverrai aux travaux de Jacques Ellul sur le sujet – mais il me semble aussi à la nécessité d’apprendre à travailler au quotidien, je veux dire vivre au présent, dans un éternel présent sans se laisser envahir par un avenir qui semble impossible à réaliser tant l’ampleur de la tâche effraie et semble immense : c’est en arrachant herbe après herbe que la parcelle sera nettoyée sachant qu’il faut quarante jours pour faire un hectare –
    Les montagnes se déplacent avec ceux qui savent travailler au jour le jour et qui inlassablement en modifiant le présent changent aussi l’avenir !
    Enfin quand je réfléchis à ce travail dans les vignes je ne peux pas le faire sans penser à ce texte de Gustave Thibon, le philosophe vigneron à qui on posait la question de sa mort :
    « je mourrai comme une plante qu’on arrache. J’ai trop aimé la terre pour mourir sans déchirement. Mourir est à la fois naturel et inhumain. Toute une part de moi-même refuse de suivre la nature. Je me sens fatigué de la terre et attaché à sa beauté. J’ai peur du néant, et en même temps, une telle lassitude de la relativité des choses d’ici-bas, du mélange de bien et de mal, que j’aspire à un monde non mélangé ; selon les moments, j’incline vers le refus ou vers le désir. Il faut consentir à ce que les choses se détachent de nous puisque nous ne savons pas nous détacher d’elles. »
    texte écrit en 2015; depuis les idéologues pétris de bonnes intentions ( mais nous savons bien que l’enfer en est pavé !) sévissent chaque année un peu plus et le nombre de vignes où l’enherbement n’est pas maîtrisé augmente chaque année : c’est plus de cinquante hectares que le Cru Banyuls voit se perdre chaque année . Tu as raison Hervé la nature c’est aussi ce qu’on appelait « les mauvaises herbes » qui dans nos régions peuvent « tuer » la vigne: le vin est bien culturel avant d’être naturel !
    Marc Parcé

    • Hervé Bizeul
      04/06/2018 at 7:05 am

      Merci Marc. Soit mon invité sur ce blog quand tu le souhaites. Ce que tu dis est toujours passionnant. La façon dont tu le dis toujours magique. Donc…

  • Jean Orliac
    01/06/2018 at 4:10 pm

    Merci Hervé de ce texte , quand une expérience vigneronne authentique rencontre un talent d’écriture… Merci de « dire » aussi bien notre métier.

  • Bourrier Philippe
    04/06/2018 at 6:56 am

    Merci pour ce texte plein de bon sens : la vigne doit être cultivée et si cela se faisait tout seul’ on l’aurait Fait depuis longtemps !
    Comme tous les matins depuis le 1 et mai, deux heures de bigos et de hachade ce matin pour nos six ouvriers ( le mot est bien choisi: celui qui œuvre !) puis relevage : tous ont compris la nécessité d’avoir des vignes propres.
    Être bio ce n’est pas ne rien faire, c’est faire autrement mais c’est faire !
    Merci Herve de remettre le travail des vignerons à l’honneur. Nous avons la fierté du travail bien fait et de produire des vins qui se boivent
    Philippe Bourrier
    Château de l’Ou

  • Philippe Pouchin
    05/06/2018 at 10:29 pm

    Bonsoir
    Je prends le risque de rompre une si belle unité, mais je me fais défenseur de l’herbe pour l’avoir pratiquée 25 ans sous le climat provençal qui n’a rien à envier à celui de Banyuls, et je pense que mes vins tenaient debout, droits et fiers, certes sur calcaire, mais nul n’est parfait.
    J’entends la concurrence, nous en avons parlé souvent avec Marc. J’entends aussi le combat, la force, l’endurance, l’ampleur de la tache. Oui je sais que rentrer une récolte est un combat, j’en ai 42 à mon actif, je sais les angoisses de la météo, la défaillance matérielle, humaine. Je sais aussi que les usages façonnent les paysages et les hommes.
    Mais à la lumière de ce que découvrent tous les jours les chercheurs en matière de vie du sol je suis devenu aussi plus curieux de comprendre comment nous pourrions collaborer avec les micro-organismes du sol, dans ce qui ne serait plus un combat, mais une coopération fertile. Evidemment que l’herbe l’été dans un contexte de schiste en 2017 c’est surement pas possible, mais jeter l’herbe avec l’eau de sulfatage aujourd’hui devient juste un peu court, une façon de ne pas toucher un cadre qui s’est construit dans le souvenir de la guerre et de la reconstruction et si en plus c’est lyrique !
    Alors, au discours certes bien né de Péguy et Ellul, je substitue celui de Lao-Tseu « Le plus grand conquérant est celui qui sait vaincre sans bataille » car l’art de faire du vin est un combat quotidien, ce n’est pas une guerre menée contre nos sols.
    Bonne soirée, Philippe

    • Hervé Bizeul
      06/06/2018 at 6:35 am

      Cher Philippe, merci pour ce commentaire.
      Transformer les sols viticoles en sols lunaires n’est pas le propos. Nul ne condamne l’herbe et, parmi ceux qui se retrouvent dans ce billet, dont moi, beaucoup en sèment, soi dit en passant et sont ravis d’en avoir une partie de l’année. Pas quand il n’a pas plue depuis deux ans. Nous n’avons pas, ici, le canal de Provence qui, il faut le dire, représente aujourd’hui l’essentiel d’une bouteille de rosé de Provence, et tant mieux pour la France. Le propos est de signaler un comportement en fort développement qui tant à faire passer l’herbe, surtout incontrôlée, comme étant un signe de qualité, voire un « préalable » à toute démarche qualitative. Voire même, de faire d’une non culture ou d’un abandon total une « démarche écologique » elle même préalable à ladite démarche qualitative.
      Le travail des micro-organismes du sol est une piste, à mon sens difficile en vigne, le paillage au foin ne générant pas de concurrence hydrique, l’herbe oui. En permaculture (où ne gagnent leur vie pour l’instant que ceux qui vendent des conseils et des formations…), qui sait… En attendant, les conseilleurs qui nous donnent des leçons depuis des années (dans les deux sens du terme) lorsqu’ils sortent du « y’a qu’a faut qu’on » et s’y mettent, n’ont que bien peu de résultats.
      Je ne parle ici que de ce que je connais, les vignes dans leur milieu d’origine, l’arc Méditérannée, terres pauvres, stress hydrique l’été, sans vouloir donner ni leçon, ni conseil, ni faire la morale à mes confrères en climats continental ou océanique.
      Et je ne parle que de ce que j’ai vu, fait, essayer : une vigne en concurrence pour la vie avec l’herbe ne fait pas de bons vins. Et ses maitres vivent bien mal de leur métier.

      • Philippe Pouchin
        06/06/2018 at 10:08 am

        Merci Hervé pour ce retour
        Merci également de réduire la Provence au canal éponyme et au rosé… mais ce n’est pas le sujet.
        ‘Le travail des micro-organismes du sol est une piste, à mon sens difficile en vigne’
        euh comment dire, la vigne ne peut se passer des micro organismes et des mycorhizes, sinon elle meurt. Qu’elle ait trouvé des stratégies pour survivre dans les schistes entre sécheresse et labour j’en suis convaincu, l’histoire en témoigne. Que ce soit le meilleur moyen de produire dans un monde qui bouge ; deux ans de sécheresse dîtes vous ? (entre nous deux ans de sécheresse et l’herbe meurt en premier) Mais aussi les pluies torrentielles qui emportent la meilleure terre, les froids intenses et j’en passe surement. Il conviendrait, à mon sens, de sortir des postures confortables et nostalgiques, juste pour remettre la pensée en mouvement, je n’ai pas dit remettre en cause un système qui fait ses preuves, même s’il est très consommateur de carbone, je dis seulement s’autoriser à interroger les modèles, juste pour rester en vie. Ce qui ne vous empêchera pas d’aller boire des coups avec Michel et Jeannette.
        ‘Une autre convergence, similitude plus vague mais très saisissante, existe entre le tube digestif et la rhizosphère. Ces deux sites sont, pour l’animal et la plante respectivement, vitaux pour le prélèvement de ressources dans le milieu et sont en contact direct avec celui-ci ’ (Marc André Selosse Jamais seul p106)

        • Hervé Bizeul
          06/06/2018 at 11:44 am

          Merci Philippe pour cette leçon. Ce n’est pas moi qui est autorisé l’irrigation en Provence, y est connecté l’essentiel des vignes à la source et donc pas ma faute si un terroir est transformé en usine de production de boisson alcoolisée rose 😉 Mais certains doivent assumer. Ils assument très bien d’ailleurs, les poches pleines.
          Je ne vois aucun modèle, autour de moi, viable, qui permette de faire cohabiter en climat Méditérannéen, une implantation permanence d’herbe, des grands vins et une rentabilité économique à la porté disons, d’un « certain nombre ». Mais si tu as un domaine à me signaler, dont vous pourrions gouter les vins, aller voir TOUTES les vignes et non celles qu’on montre aux journalistes, analyser les vins et les sols (et les comparer aux miens, libérés de l’herbe l’été mais bien sûr pas l’hiver) puis l’équilibre économique (désolé si j’assume le fait que je fais aussi du vin pour vivre et faire vivre ma famille, pas dans une démarche artistique, religieuse, politique, de défiscalisation ou de fin de vie au soleil avec l’argent gagnée ailleurs).
          Le jour où je boirais de meilleurs vins fait sur ces vignes là, vivantes dans la durée et non moribondes comme il y en a tant ici, car mortes de soif, je regarderai avec attention comment ce vigneron fait, car j’aurai trouvé un maître. Pour l’instant, je ne vois, en y réfléchissant, aucune convergence entre la vie de la terre et la vie de mon intestin, en tout cas dans la cadre de mon rêve de production de bons vins. Sans doute parce que, comme, Jeannette et Michel, je vais confiance surtout à mon bon sens, du sais, celui que l’on qualifie de « paysan ».

  • Eric Esnault
    16/05/2019 at 12:20 pm

    J’apprends donc qu’en Roussillon c’est l’herbe qui est néfaste pour la vigne et son environement et non les herbicides de synthèse.

    • Hervé Bizeul
      16/05/2019 at 2:16 pm

      Ce n’est pas qu’en Roussillon que l’herbe est néfaste pour la vigne. C’est partout. C’est d’ailleurs pour cela qu’on l’enlève, depuis deux mille ans, avec des mains, des pioches, des charrues ou des herbicides. Content de vous avoir appris quelque chose. Quand au « de synthèse », vous noterez que toute notre civilisation l’est. Sinon, nous vivrions dans des cavernes.

      • Eric Esnault
        16/05/2019 at 8:45 pm

        L’herbe est maintenant néfaste partout dites-vous, alors que quelques lignes plus haut, je lis sous votre plume que vos remarques ne portaient que sur les vignes de l’arc méditerranéen et que « nul ne condamne l’herbe et, parmi ceux qui se retrouvent dans ce billet, dont moi, beaucoup en sèment ». On comprend que vous vous retrouvez vous-même dans le billet que vous avez écrit, ce qui est bien normal, mais tout de même, il faut suivre. Cela dit, les produits phytosanitaires de synthèse ont un siècle, pas plus, leur élaboration prenant son essor à l’occasion de la 1ère guerre mondiale, grand moment de civilisation s’il en est. Autre période notable de progrès des molécules biocides de synthèse, la 2ème guerre mondiale… Mais gardons-nous d’une vision trop simplificatrice de l’histoire humaine, d’ailleurs les soi-disant hommes des cavernes avaient aussi une civilisation, celle que leur environnement et leurs moyens techniques leur permettaient. Si la dame de Brassempouy, ce n’est pas de la civilisation, qu’est-ce que c’est alors ? Ce qui pose vraiment problème, c’est de mettre charrue ou pioche et herbicides de synthèse sur le même plan. Je me demande si on ne tient pas ici un exemple, peut-être involontaire, de fausse analogie. Mettre sur le même plan pioche et décavaillonneuse mécanique, oui. Charrue et glyphosate, non, ça ne marche pas. L’objectif de ces deux outils est en partie le même mais dans leur essence, ces deux outils n’ont rien à voir. C’est comme comparer un brochet et une canne à pêche. Les deux attrapent des poissons, certes, mais l’analogie ne fonctionne pas. L’analogie possible pour les désherbants de synthèse serait de les comparer aux désherbants d’origine minérale comme l’acide sulfurique. Pour revenir à la vigne, on enlève l’herbe depuis 2 000 ans, peut-être. Mais M. Bizeul, vous savez bien qu’on cultivait aussi des plantes potagères entre les rangs. On la faisait croître jusqu’à la cime des arbres morts (les vignes en crosse en Chablais perdurent jusqu’au siècle dernier). Au Moyen-Age, les treilles sur lesquelles la vigne poussait dépassaient largement la hauteur d’un homme et l’Ile de France était la plus grande région productrice de vin en France. Personne ne nie que la culture de la vigne est une culture, elle n’est pas naturelle. C’est la raison pour laquelle ses techniques ne sont pas immuables, elles dépendent des facteurs environnementaux et humains, tout comme le vin qui en est issu. Face au phylloxera, il a bien fallu abandonner la culture en foule et le marcottage. Pourtant on avait toujours fait comme ça depuis 2 000 ans. Le climat, c’est un exemple, change. Donc oui, pourquoi pas l’herbe ? Ah mais il y en a qui vont trop loin ! C’est trop haut ! L’herbe assoiffe la vigne ! C’est possible, chez certains. Pas tous. Laissons-les expérimenter, recommencer, trouver des solutions. Au fond, ça gêne qui ? Les vendeurs de phyto ? On pourrait presque penser que l’argument d’antiquité a été utilisé ici, en attaquant ceux qui veulent essayer d’autres voies, comme celles qu’explique très bien Philippe Pouchin plus haut, pour fondamentalement justifier l’usage des herbicides. C’est dommage.

        • Hervé Bizeul
          17/05/2019 at 7:51 am

          C’est un plaisir, Eric, de trouver sur ce blog des commentaires aussi bien écrits et aussi argumentés. Je laisse bien sûr chacun disposer de son herbe dans ses rangs. Et, si tant est que l’on aurait une baguette magique pour enlever les herbes (certaines surtout, pas d’autres, ce serait parfait), on continuerai effectivement à gratouiller, pour d’autres raisons. De là à dire, comme je l’entend, le lit, le voit si souvent : oh, regarde ma vigne, l’herbe y est belle, mon sol est donc « vivant », mon vin l’est aussi, permettez moi de penser que tout ceci est une vaste fumisterie. Comme de penser que le glyphosate serait le produit de synthèse que l’on devrait interdire en premier, sous prétexte de névrose collective. Sur les aliments, il n’aurait jamais du être autorisé, pourtant, c’est 60 % des volumes utilisés qui le sont sur les céréales, OGM bien sûr, mais pas que, uniquement pour augmenter les profits, les tomates pour les faire murir, et j’en passe. Qui le sait ? Qui le dit ? Personne. Pourtant, si l’arrêt du glyphosate pose problème au niveau culture, sur les aliments, rien ne s’oppose à une interdiction immédiate. Il n’y a pas à justifier ou pas l’utilisation des herbicides. L’agriculture va payer ses excès. Mais la société est-elle capable de payer les siens ? Elle reste le dernier bassin d’emploi où trouvent place une partie des hommes et des femmes qui n’en ont plus ailleurs, pour des raisons de génétique (tout le monde, non, n’est pas capable de tout…), à cause de l’endroit où ils sont nés (le mauvais avec les mauvaises personnes) ou parce que la société a raté leur « formation ». Sans herbicide, le modèle agronomique actuel est invivable. Les paysages vont changer, des économies disparaitre, des prix changer. Je ne dit qu’une chose, au final : réfléchissons bien, pour une fois, aux conséquences de nos choix, à court, moyen et long terme. C’est un vœux pieux, car l’opinion publique a déjà décidé. Et j’ai déjà dit au revoir aux vieilles vignes que, bientôt, j’arracherai, après que je me serais « adapté » aux nouveaux diktats. Permettez moi, en sentimental que je suis, de penser qu’il y aurait eu d’autres voies, plus « au milieu ». Cordialement, hervé bizeul (qui, contrairement à d’autres, assume ses pratiques)

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