… Où la mort rode.


Au milieu de cette beauté printanière, le mildiou, nous guette, comme un coupe-jarret au détour d’une ruelle.

C’est la mauvaise nouvelle de l’année. On lutte. On est équipé. On est prévenu. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Ici, bien des vignerons pensent que le Mildiou, c’est une sorte de légende. Un truc du Nord. D’au «delà du mur»… Et cette année, pour certains qui ne l’ont pas vu venir, cela pourrait bien être la dernière saison. J’espère me tromper…

Le Mildiou, c’est une vraie saloperie. Un truc vicieux qui, comme le phylloxera, a des cycles, bizarres et différents, sexués et asexués. La seule chose qu’a ce truc, cet omycète (une insulte ciblée, entre deux hommes cultivés qui aiment le vin…), ce pseudo-champignon, c’est qu’il ne supporte pas le cuivre. Même à dose infime, ça le tue. Sinon, il n’y aurait plus de vignes telles qu’on les connaît depuis longtemps. Et plus de ce vin-là. Un autre truc, sans doute, mais moins bon.

Bon, depuis une trentaine d’années, il y a autre chose, au niveau produits phyto, que du cuivre – uniquement préventif -, en curatif. Des produits qui ont sauvé bien des vignes. Mais je ne vous en parlerai pas, l’époque ne… le permet plus.

Évoquer des produits chimiques qui n’auraient pas été autorisés par la police de la pensée, cela devient dangereux. On peut poster toutes les vidéos qu’on veux sur internet, la plus dégueulasse des immondes, à la portée du clic d’un enfant mais ça, c’est fini. On en est à clouer au pilori les députés qui ont refusé de laisser mourir l’agriculture française en refusant d’interdire certains produits, simplement parce qu’ils se souciaient, eux, des conséquences, c’est à dire de l’avenir d’hommes, de secteurs économique, d’indépendance alimentaire du pays, de paysages. C’est comme ça. On peut se gargariser d’inonder ses vignes de cuivre (je le fais, mais le moins possible…), que toutes les études annoncent plus nocif que le glyphosate (dont on attend toujours la preuve des conséquences cancérigènes pour l’homme, pour l’instant moins graves que le café…) mais on ne doit plus dire le mot pesticides, mot fourre tout qui ne veut rien dire. Vu, au fait, hier un reportage honteux dans «quotidien», ou on prenait en exemple un enfant de cinq qui accusait le glyphosate (un herbicide) d’avoir un effet d’insecticide en tuant «ses» abeilles. L’ignorance, la bêtise, la croyance, la régression, la manipulation des masses, l’époque me déchire par certains côtés, l’Alceste en moi qui a lu Gustave le Bon et sa psychologie des foules, n’est jamais loin. Nous verrons, au moment de l’addition, qui accepte, ou pas, de la payer.

Pour rester positif (enfin, pas sûr vu ce qui suit…),  je vais plutôt vous parler du mildiou et du formidable livre que m’a signalé mon ami David L. en début d’année, le petit livre d’un grand homme Joseph Capus, un de ceux fait dans un moule que l’on a, apparement, depuis, perdu (ou cassé…). On y apprend ou on y rappelle, en termes simples, qu’au niveau du cuivre, on sait comment s’en servir dans la lutte contre le mildiou depuis le début du siècle dernier, au millimètre, certes sans trop se poser la question de sa nocivité, mais parce qu’on avait que ça sous la main. A une époque où l’on avait pas la météo à dix jours. Du coup, on se dit qu’aujourd’hui, ça devrait rouler, qu’on devrait «savoir». Mais, c’est bêta, on a oublié, un peu, voire beaucoup, voire totalement chez nous, sans doute par facilité, mais pas que. Alors, ça merde grave, cette année, dans beaucoup de régions viticoles. En particulier chez certains, qui pensent que «croire» peu remplacer «savoir». Sauf que cette année, «croire», ça ne va pas suffire.

capus

Ca se trouve pour quelques euros sur ebay. Foncez…

L’idée, c’est que cette pourriture de mildiou – je suis bien content que ça ne me touche qu’une année sur vingt en Roussillon, la dernière, c’était je crois 1988 –, ça se planque, ça infeste doucement, invisiblement, ça germe, ça contamine, et, au moment où ça se voit, sur feuille ou sur grappe, le cuivre ne peut plus rien. Ça tue. Tel l’instrument du «Dieu multi-face» (c’est pour que les jeunes comprennent que c’est mal, le mildiou)

On se lève le matin et, le soir, on a perdu toute sa récolte. Parfois en quelques heures. Surtout sur les cépages sensibles, certaines l’étant sur feuilles et pas sur grappes, ou vice-versa, ou les deux. Et surtout dans les bas fond plus humides.

On sait depuis que le mildiou est arrivé en Europe, en 1878, qu’il faut commencer les traitements AVANT la pluie, voire pendant, traiter le sol, avant tout, au cuivre, et repasser en préventif tout de suite, qu’après la pluie, c’est trop tard. On sait qu’il y en aura beaucoup plus en cas d’hiver froid et pluvieux. Et que si le printemps pluvieux suit l’hiver pluvieux, qu’il ne va pas falloir décoller le cul du tracteur. Voire ressortir les machines à dos ou les atomiseurs si les tracteurs se plantent dans les sols détrempés.

Tout ce qu’ici, dans le sud, on ne sait pas, on ne fait pas. Parce qu’on pense que la Tramontane va arriver, et qu’elle va «guérir», «laver», comme on croit que la marmotte met le chocolat dans le papier alu ou que le sorcier du village va vous désenvouter, parce que vous êtes gentil, que vous méritez, que vous n’avez pas «péché» ou que vous «croyez» sincèrement. Sauf que certaines années, même les défenses immunitaires naturelles des vignes s’effondrent, sous le coup des salves d’eau rageuses et des rideaux de pluie. Alors, mes amis, j’ai bien peur qu’en Roussillon, dans le sud en général, et pas que, dans quelques jours, quelques semaines, ça soit la cata.

Parce que samedi, alors qu’il y avait une belle fenêtre de traitement dans les vignes, je n’ai pas vu beaucoup de tracteurs tourner dans la vallée. Bon, peut-être que personne n’utilise de cuivre et que tout le monde était couvert par des pénétrants. J’en doute un peu. Pourtant, la météo à  7 jours, fiable, devrait être d’une aide précieuse. A croire que certains ne la regardent pas. Nous, on est sortis («on», c’est les hommes ET le matériel), et j’ai été vraiment, mais vraiment content, vendredi et samedi, d’avoir les tracteurs et des pulvés qu’il fallait. Et écouter le ronronnement si particulier des Fendt Vario dans le vignes, ça m’a enlevé un poids.

 

fendt-clair

 

C’est bizarre, comme job, parce qu’on le fait en binôme. Avec 130 parcelles sur 25 km de rayon autour de la maison, chaque tracteur est suivi d’un fourgon «ravitailleur» qui lui assure de ne jamais manquer d’eau, la potence étant parfois à plus de 10 km. Ca paraîtra hallucinant à certains, qui ont tout autour du château. Moi, j’ai démarré comme ça, alors, c’est presque naturel. Un peu compliqué, surtout le week-end, mais naturel. Bon, on fait pas que traiter, d’autres facteurs jouent : raisonner la vigueur, travailler en vert (essentiel cette année), effeuiller, gérer l’enherbement, etc.

 

fendtpompe

 

Alors, hier, en  me promenant, cherchant des traces comme un chien des truffes, mais heureux de ne pas en trouver,  j’étais bien content d’avoir utilisé la moindre fenêtre de tir, d’avoir des terroirs en coteaux caillouteux et drainants qui permettent de passer presque tout le temps, parce que, j’ai compris que pour certains, c’était plié : le rot brun, le mildiou sur grappes, commençait à sortir.

Je vous ai fait quelques photos. Pour votre culture. Et pour, quand vous prendrez parti au prochain café du commerce sur l’interdiction totale des «pesticides», que vous pensiez à eux,  à eux qui ont des convictions mais vont perdre leurs récoltes, peut-être leurs propriétés, peut-être, en suivant, leurs familles. Je broyais du noir en pensant à certains de mes confrères, qui font TOUT perdre. Non parce qu’ils suivent une idéologie, certes estimable, parce qu’ils la pensent supérieure à la nature, supérieure à la science.

 

midiou-feuille

On voit parfaitement les deux états successifs d’attaque, le côté pelucheux et le côté «huileux». La feuille va se nécroser totalement.

 

mildiou-grappes

La grappe est attaquée, elle va noircir en quelques heures en fonction des températures, puis tomber.

 

midiou-fleur

En pleine fleur, le mildiou, les années où il est léger, fait avorter les inflorescences. Souvent présent à toute petite dose, certains invoquent (accusent…) la coulure, mais c’est bel et bien le mildiou. Là, pas d’excuses.

2 commentaires

  • Jean Orliac
    06/06/2018 at 12:25 pm

    Je confirme, au Pic Saint Loup la météo nous a laissé la même fenêtre aussi avons nous traité l’ensemble du vignoble en deux jours au lieu de quatre en travaillant 14h par jour ( et pas avec du cuivre désolé!) . Pas avec du cuivre, mais sans vent et avec des appareils performants qui autorisent des faibles doses. Le principe énoncé par Paracelse suivant lequel  » c’est la dose qui fait le poison « reste fondamentalement vrai pour les produits « chimiques »‘que l’on nomme aussi au choix : « pesticides » « produits phytosanitaires » « médicaments » famille à laquelle appartient bien sur le sulfate de cuivre ( capable lui aussi de stériliser les sols notamment les sols acides quant il est utilisé à trop forte dose. Ceci étant dit, il est bien sur nécessaire que nous les agriculteurs nous puissions travailler avec les chercheurs pour être encore plus des « acteurs » dans le grands theatre de la nature et non pas des destructeurs .

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