Vendanges 2018•Jour 4 – Le temps de l’effeuillage


Dimanche.

Enfin un moment pour écrire. Seul jour où j’ai un peu de temps et un peu d’énergie. Et du courage. Pour l’instant… Seul jour aussi pour remonter les mails, répondre au plus urgent, car, pendant les vendanges, l’administratif ne s’arrête pas. Il ne s’arrête jamais. C’est la vie. Si me laisse déborder, on ne comprendra plus rien. Pas facile, un blog, pendant les vendanges. En même temps, le rythme quotidien oblige, structure, temporalise. C’est bien. Ca existe, «temporalise» ? J’espère que oui.

Fin août, je sais, il parait que c’est tard pour dévoiler ses grappes. Qu’il faudrait le faire plus tôt, au moment de la véraison. Que la science l’a prouvé. Que c’est désormais la tradition, à Bordeaux et ailleurs, où la nudité totale des grappes est la norme et où, comme ailleurs on enlève désormais certaines pilosités, les raisins sont à nu dès le début de l’été. Il parait que là bas les ombres portées des vignes à hautes densités protègent des brûlures. Ici, rien il vaut garder son feuillage le plus longtemps possible.

Bon, jusque là, on a donc pas fait tomber ni une feuille, ni un raisin, d’ailleurs, vu que pour moi, faire tomber des raisins, c’est le constat d’un échec agronomique. Les entrecœurs sur les Syrah en gobelet, c’est tout. Mais il est sans doute temps de s’y mettre.

J’ai effeuillé un pied de merlot en gobelet (je dois être le seul à en avoir en France, je pense). A gauche, après. A droite, avant. On comprend que sous nos latitudes (mais l’été a t’il été vraiment moins violent à Bordeaux qu’en Roussillon ?), les feuilles protègent… Bien sûr, on a pas eu le soleil pour détruire les notes de pyrazine, la molécule qui donne aux Cabernets et aux Merlot pas mûr ces goûts de poivrons vert qui ne sont plus à la mode. En mettant les grappes au soleil, on la détruit naturellement. Mais voilà, on détruit aussi pas mal de précurseurs d’arômes, ces molécules très fragiles, sans saveur ni odeur à la base mais qui, transmutées par la fermentation alcoolique, vont donner au vin, jeune et vieux, bouquet et arômes. La nature fait si bien les choses…

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Ce qu’il y a d’intéressant, dans ce pied de merlot, c’est qu’on n’a rien fait tomber. Pas une grappe. Alors qu’en Guyot, quinze à vingt grappes seraient nées. On en aurait coupé la moitié en vert, puis parfois les « ailes », puis on en aurait éliminé une partie malade ou pourrie à cause de l’excès d’azote, sans parler des quatre ou cinq rognages nécessaires pour calmer la végétation. Là, le moindre raisin «né» se retrouvera dans la bouteille. Sans même de tri, totalement inutile, ni de saignée : les grains sont minuscules, le rapport peau/jus, parfait.

Bon, je ne ne cherche à donner de leçon à personne, mais certains itinéraires techniques devraient parfois être remis en question. Certes, avec le gobelet, impossible de dépasser 30 hl/ha et encore pas chaque année. Donc, pas de deuxième vin, ni de troisième, la clé de certains modèles économiques. Ceci explique cela. Mais, en goûtant un Faune 2015 – qui ne peut bien sûr jamais espérer une énorme note sur 100 et qui s’en fou – je me disais que c’était quand même SUPER bon. Comme évident, comme un sorte de «mouvement naturel» de la vigne au verre, sans que je ne ne sois intervenu pour contrarier ce «geste».

Décision est prise : demain, tout le monde à l’effeuillage.

5 commentaires

  • un vigneron
    03/09/2018 at 12:07 pm

    « merlot en gobelet (je dois être le seul à en avoir en France, je pense) »
    Même les merlots de E. Reynaud ne sont pas en gobelet… (enfin s’il les avait planté récemment ça serait surement une autre histoire)

    Sinon à l’arrivé, pourquoi vous effeuillez ?

    • Hervé Bizeul
      03/09/2018 at 3:20 pm

      Cher « vigneron »,

      Je répond volontiers aux questions, quand j’ai le temps, publiquement ou en mail privé. Quand on met un vrai mail, qui n’est pas visible mais que moi je vois. J’aime bien savoir à qui je parle 😉

      Bien à vous, hervé

  • Eric Chaluleau
    03/09/2018 at 9:47 pm

    J’adore,
    Tu es toujours courtois !
    Je dois t’avouer une chose , je dois être un petit peu fêlé en tant que viticulteur !
    J’ai conservé mon feuillage par protection pour mes raisins et j’ai , depuis que les nuits sont beaucoup plus fraîches bien sûr supprimé les feuilles au niveau de la zone fructifaire.
    C’est mon choix et je l’assume !
    Je te souhaite et également à toute ton équipe une très bonne vendanges 2018.
    À bientôt

    • Hervé Bizeul
      04/09/2018 at 4:39 am

      Salut Éric. Oui, je te confirme, tu es cinglé, parce qu’en coopé, ton raisin va être mélangé à d’autres, BEAUCOUP moins beaux cette année. Mais bon, on te changera pas, j’en ai peur. Bon courage pour les vendanges, mon ami.

  • Francis
    04/09/2018 at 6:34 am

    ….demain, tout le monde à l’effeuillage.
    Tttttttt….

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