Vendanges 2018 – Jour 19, 20 et 21 – Savourer la chance du choix


Bon, c’est décidé, on s’arrête.

Ça va vous faire quelques jours de vacances, j’ai bien compris que les photos de raisin, ça commençait à faire beaucoup.

Il en est ainsi de certaines vendanges, dans certains lieux. Il y a, à un moment ou à un autre, un «tournant». Ce moment où, des années après, en goûtant ce vin, on se dit, comme on se le dit parfois de sa vie : «là, j’avais le choix, un choix clair et précis, devant moi; j’ai pris à droite, pas à gauche». Du coup, notre vie, à défaut de basculer, prend un chemin, large ou étroit, confortable ou semé d’embuches, qui conduit vers ce que l’on pense un échec ou un succès. Parfois un  simple changement de direction, infime, mais qui fait que des années et des années plus tard, on voit le carrefour, le chemin prit, les conséquences de son choix. Dans la vie, savoir qu’on prend la bonne décision prend du temps. Et puis, parfois, des années plus tard, on change d’avis sur la chose. Pas simple.

Hier, en décidant d’arrêter les vendanges, terriblement stressé jusqu’au moment où je l’ai prise, que j’avais une sacrée chance d’avoir le choix : non pas un mais des grands terroirs, 6 semaines de décalage de maturité entre les plus précoces et les plus tardifs, 4 cépages principaux, 4 pour éviter de s’ennuyer et créer un peu, des moyens humains et techniques importants, des clients fidèles et curieux, tout le monde ne peut pas se le permettre. Sans parler d’un climat somptueux et une équipe de choc qui, grâce à un travail acharné et après tant de sacrifices cette année (combien de nuits et d’heures…), met devant moi en cette année difficile des raisins parfaits.

L’équinoxe est passée, dimanche et, bien sûr, le temps a changé. 35°, la plage, les nuits moites, ça devenait insupportable et, mardi matin, comme la nature le veut, on avait perdu 20° le matin, 10° l’après midi. Mais le ciel bleu semble accroché pour un moment, même si la nature des nuages changent. Météo France me chuchote que les températures vont peut-être même remonter, mais cette semaine, c’est certain, on aura un temps plus froid, avec un peu d’air, enfin, ce qui va faire un bien fou aux vignes. On reste en short, même si le matin, ça pique.

Les raisins qui restent, et Dieu sait qu’il y en a, je ne les sens pas encore prêts. C’est comme ça. Oh, ils semblent parfaits, visuellement, mais au goût, il manque un truc. Du fruit, de la profondeur, de la magie. Pourtant, visuellement, ça le fait…

N’insistez pas, en bouche, il manque un truc. Je veux plus… Trop ? On verra.

On termine un jeune Grenache, on fait les Mourvèdre de Case de Pène, la dernière de nos vignes «d’en bas», pour apporter de la fraicheur et de l’esprit aux Sorcières, et puis on va aller se «relaxer» en cueillant des olives. C’est ça qui est bien, dans la polyculture, quand on est pas au four, le moulin a besoin de vous. On se remettra dans la vignes lundi. Ou pas.

Vu que ce blog est fait pour transmettre, au cas où un de mes descendants ou successeurs prenne la peine de le lire, j’espère qu’il trouvera dans ces récits des réponses à ses questions, réponses que les anciens ne m’ont pas laissées, tout simplement parce qu’ils n’avaient pas les mêmes buts : le grand vin, le vin de garde. Les diktats sociaux les ont empêché d’en boire, d’en rêver, de s’autoriser à tenter d’en faire, les traditions et autres décrets de caste, étant trop forts. En cela, ce que j’aurai tenté cette année et raconté ici donnera peut-être des pistes. Mais ce que j’aurai fait de mal, où même ce que je n’aurai pas fait, mes échecs compteront tout autant. Alors que je suis parti d’une page blanche.

Décision prise, je redescends vers la plaine et capture cette image où la terre, l’étang, la mer et le ciel cisaillent le ciel.

Nicolas de Staël aurait aimé. René Char, son ami, lui écrivit un jour : « Staël et moi, nous nous approchons quelquefois plus près qu’il n’est permis de l’inconnu et de l’empire des étoiles. » Autorisé aux poètes et aux peintres. Mais aux vignerons ? Je ne sais pas. Mais ça m’attire, bien sûr…

La patience n’est pas ma qualité principale, va falloir m’attacher…

 

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P.S. : le titre de ce billet aurait pu être : savourer la chance d’avoir le choix dans la date…

Dsl, j’ai pas pu résister…

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