Vendanges 2018 – Dernier jour – Toujours finir par les Mourvèdre


Il pleut. Enfin. Alors, bien sûr, on arrête.

Me voilà multiface : content, enfin, de voir la pluie après six mois de sécheresse, conscient de tout ce quelle va apporter à la nature et aux vignes. Un peu grognon parce qu’on avait pas tout rentré. «Et oui, Madame Michu, dans le Roussillon, les vendanges ne sont pas terminées, vous le croyez, ça, vous ?»

On était pas prêt pour les derniers Mourvèdre, de toute façon. Comment seront-ils après ces épisodes de pluie intense, bien malin qui peut le dire. Il nous reste deux hectares et ce choix veut clairement dire une chose : qu’on est prêt à les perdre, comme un général peut parfois sacrifier une partie de ses troupes.

«Qui ne risque pas tout ne gagne rien» dit le proverbe Chinois. Ou quelque chose comme ça.

«Je le risque et Dieu m’assiste» dit le proverbe allemand. Super.

Je garde les proverbes qui m’arrangent, bien sûr. Parce que d’autres pourraient bien me stresser tant ils sont «anti-risque». Ainsi va le proverbe depuis la nuit des temps, ou du moins depuis Ptahhotep, le précurseur, dont on gagne toujours à consulter et à méditer ses préceptes, sur papyrus – s’il vous plait –en particulier ceux sur l’humilité. On ne rit pas, s’il vous plait. J’aime tout particulièrement son «Nul ne peut atteindre les limites de l’art». Tiens, ça vous fera réfléchir pour la journée, celle là… Et puis, dans le prochain diner, en citant Ptahhotep, vous allez briller, forcément…

De toute façon, on aurait pas eu vraiment ce que l’on espérait, en récoltant avant la pluie. On a réussi à faire tout ce qui pressait, alors, tout va bien, on est capable de se passer d’un Mourvèdre moyen. En revanche, si la pluie débloque la situation, on risque bien de gagner une superbe cuve. Ne visons pas le médiocre, on risquerait de l’atteindre.

Bon, c’est l’automne, c’est clair. Sauf à Paris, où c’est encore l’été, parait-il. Il faudra que je vous parle de la cave, un peu. Après, il y aura une pause. Là, on démarre les plaies d’Egypte : quatre jours de tramontane à 120 km ont littéralement déchiqueté les feuilles, qui changent de couleur, et que le froid va faire tomber, on le souhaite, le plus tard possible car c’est là que se font les mises en réserve pour l’année suivante, voire « les » années suivantes.
p1020448
p1020449

Les Carignan commencent à changer de couleur, se parant d’orange et de rouge, les Grenaches restent verts, les Maccabeu tournent au jaune, tout cela enflamme la vallée.

p1020446

On presse, on remonte, on déleste et puis la vie bien sûr continue : commandes, reprises de tiré bouché, visite de vignerons Chiliens, contrôle de Bercy qui vient contrôler FranceAgrimer avant d’eux même être contrôlés par l’Europe… Pensif, je me demande toujours à quel moment l’administration a pris le pouvoir sur nos vies, à quel moment on a accepté autant de contrôles, à quel moment on a perdu toute liberté. Je dois être fatigué…

En attendant, chaque facture est épluchée, chaque cuve examinée, chaque lampe comptée, pour la deuxième fois, par des contrôleurs qui, clairement, ne sont pas avec vous mais contre vous, se demandant si je n’aurais pas revendu de la peinture subventionnée pourtant posée sur les murs… On est dans «Brazil»… Le changement d’attitude, même si parait-il, j’ai désormais «droit à l’erreur».

Journée grise. J’arrête là. Vivement mardi.

 

 

.

2 commentaires

  • Frédéric Loison
    14/10/2018 at 3:10 pm

    Merci Hervé pour ce supllément d’âme au quotidien et bien au delà.
    très bonnes fin de vendanges et belles vinifications.

  • HP
    15/10/2018 at 7:27 pm

    Vous prenez le temps d’écrire, nous essayons de prendre le temps de lire, d’être avec vous l’espace d’un instant… le temps d’une pause, une petite fenêtre que l’on ouvre pour laisser pénétrer dans nos coeurs parfums roussillonnais.
    Merci Hervé pour ces récits et reflexions à la fois empreints de poésie, de malice et de petites flèches à la bizeuloise… C’est bon.
    Il est préférable, me semble-t-il, de possèder un flair d’oenologue qu’un flair de tapir. Plus enrichissant. L’Un crée et grandit, l’Autre vérifie, applique, condamne, interdit, … s’interdit. On se sent quand même un peu plus à l’étroit. Mais, il doit y avoir quelque chose d’assez rassurant dans le fait de contrôler.
    Maintenons le désir, restons dans l’En-Vie… Merci.

Répondre à Frédéric Loison Annuler la réponse

ABONNEMENT

Recevez les billets du blog dès leur publication. Et rien d'autre.

Archives