Et avec ça, on mange quoi ?


Où en étais je… Parce que je n’ai pas que ça à faire… Ah, oui.

«Alors, jeune homme, on mange quoi, avec cette stupéfiante bouteille… Si le chef veut bien mouiller le maillot ? »

Euh, s’il vous plait, non, pas «une truite saumonée cuite sur une compotée d’oignons cuits à la bière». Pitié. Mais un pigeon, ah, bien sûr, bonne pioche. Ou une belle entrecôte, grillée. Une « putain de belle entrecôte », comme la vendent les frères Costes au Petit Lutetia. «Grillée, vous êtes certains » ? Oui, Limousine et persillée, ça, c’est bon. Mais le grill, hein, parfois. «Et un marquage en sautoir, au beurre décanté, avec deux gousses d’ail et une branche de thym, pour bien la marquer ? Suivi d’un une cuisson au four, pour l’avoir chaude, bien croutée sans les scories du grill, juteuse et saignante à cœur, comme le l’aime » ? Non, le grill. Et rien que le grill. On ne connaît plus que le grill. Tout se perd. Maturée ? Bonne idée. Combien de temps ? «Deux ans» me propose un candidat. Je tousse un peu. 30 à 60 jours me proposent les autres. C’est mieux.

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L’agneau revient souvent. Le Baronnet du Limousin, bien sûr. Pas folle, les guêpes, il y a des sponsors. On les abat à quel âge les agneaux ? Deux ans. Putain, deux ans ? Euh, ça peut se faire, jeûne homme, mais c’est hors du cahier des charges, qui impose 10 mois maximum. A cet âge là, ça s’appelle du mouton et le mieux, à part le Mouton de Barège, qui fait deux esquives et reste l’exception magnifique, que tout gourmet doit gouter une fois dans sa vie, le mieux, à cet âge, c’est de l’épargner jusqu’à la prochaine fête religieuse. Bon, ça, c’est dans ma tête, hein, et entre nous. En concours, c’est poker face. L’agneau, moi, au fait, je l’aime à 120 à 140 jours, donc le Limousin, je dis oui. Quand il commencé à brouter, mais ne s’éloigne pas trop de sa mère. La connaissance des produits est désormais très limitée, et, pourtant, c’est là qu’un maitre-d’hôtel peut vous faire voyager, vous attacher à lui. Je n’insiste pas. Je suis décalé, c’est clair. Une autre vie antérieure, que voulez vous, j’ai écrit pendant quatre ans sur les produits, avec Jean-Pierre Coffe, fait un CD-Rom et un livre avec lui, sur le «Marché». Ah, mon Jean-Pierre, j’ai commencé cet article le 24 mars, la date de ton anniversaire. J’espère que là haut, dans le potager du Seigneur, tu as trouvé ton public, toi qui rêvais si fort d’être acteur…

«Bon, au fait on met quoi en garniture avec la selle d’agneau» ? Une compotée de chou rouge (du Limousin) et de la pomme rouge (AOP, du Limousin). C’est de bonne guerre. Mais au bout de deux heures, je fais une overdose virtuelle de compotée de choux rouge et de châtaignes. En mars. Les saisons ? Le concept est désormais lointain. Il y a que les vieux et les membres d’Attac que ça intéresse, le moment où on cueille les châtaignes ou les pommes et le pourquoi on trouve ces dernières en Avril, sorties du frigo en conservation sous atmosphère pas vraiment naturelle. L’agneau, je suis fan avec le Vieilles Vignes, moins avec le Clos des Fées, sauf après dix ans. Encore que « rôti, sa peau craquante, jus maigre et échalotes confites», je me laisserais bien tenter… « …et de la fève tonka dans la sauce… ». Ah. Pas mal. « …et des artichauts frais, plus une touche de bourgeon de sapin». Sans chou rouge ? OK, mademoiselle, va pour l’agneau. Ça sent bon le trois étoiles Michelin, ça, le chef ne dort pas la nuit et cherche au lever du soleil l’ail des ours dans le champ du paysan voisin quand il ne ramasse pas lui même son sel rose dans l’Himalaya pendant ses congés. Tout ça reste virtuel, je commence à avoir faim. Vous aussi, j’espère. C’est fait pour, je suis un monstre.

« Mais voilà, mon ami, déteste l’agneau…» Mince, coincé, on avait préparé que l’agneau… Euh, du canard ? Bonne idée. Je rêve d’un double magret, cuit sur coffre, découpé en salle, sa sauce terminée devant le client. Celui – merveilleux, dégusté à Lannemezan, cet automne, chez l’inénarrable Gilles Capelle, me revient en mémoire. Concentre toi, Hervé. « Saisi, la peau croustillante, (le meilleur, la peau…) légumes glacés et poivre noir » Bonne idée. Un légume, bien que « le confit, c’est un légume comme on l’apprend dans le bonheur est dans le pré » ? Mon trait d’humour tombe à plat. Trop jeunes. Pas le temps, sauf pour Netflix. «Et une pomme Anna, tient, avec le Magret » ? Une pomme quoi ? Les chefs, condamnés à une création permanente et vaine, l’ont oublié ou ne savent plus la faire. «Des pommes soufflées» ? Ah, la pomme soufflée semble un peu résister. Et la purée, personne ne pense plus à la purée, bordel ? Je suis las de cette cuisine actuelle qui, par sa complexité, ne laisse aucune place au vin, alors même que le vin reste le principal contributeur à la marge des restaurants. Devant certains plats, je ne sais plus quoi boire. Alors un mec normal… « En en saison de la chasse, une idée » ? Le lièvre, le lièvre, le lièvre. Huit lièvres pour un sanglier et un chevreuil. Le lièvre gagne. Pourtant, le chevreuil et le Clos des Fées, c’est top moumoute. Ou la biche… Un filet de biche, imaginez…  Allez, j’arrête de les torturer. Les notes sont rendues, prenons des forces pour visiter l’usine Havilland, au programme de ceux qui ont l’après midi libre. Parfait, ça tombe pile poil, moi qui pense à faire potier dans ma prochaine vie. Et Weston ?  Non Havilland ou rien. Allons. Et d’ailleurs, même pas. Il manque un jury pour les élèves, l’après-midi, donc, on m’a réservé une place d’honneur à l’atelier « tartare de truite»… L’envie me saisit de tenter un yoodle, pour la première fois de ma vie, seul art majeur capable d’exprimer ma joie. D’ailleurs….

Suis je capable de faire un billet sur le tartare de truite ?

Sans doute. Mais aurais je temps, c’est une autre histoire. Parce que là, j’ai un peu autre chose à faire…

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