Vendanges 2019 * Jour J-4 * En attendant la danse


Voilà, le bal va bientôt s’ouvrir.

Longtemps, j’ai vu les vendanges comme un combat, une campagne, quasiment «napoléonienne» certaines années. Oh, bien sûr, à un moment de septembre, épuisé, las, dans le doute, je vais à nouveau me prendre pour un soldat, dans la boue, la neige, les larmes. En campagne, avec le général Dumas, un homme que j’aurais bien aimé rencontrer, le seul être humain vendu «à réméré», sans qui je n’aurais pas lu quatre ou cinq fois le Comte de Monte-Cristo… Je vous laisse regarder, ça nous ferait trop digresser à ce stade. Et la digression, hein, ceux qui me lisent depuis un moment savent que c’est ma «cup of tea…» sur ce blog.

Là, devant la mer, cette année, il y a quelques jours, j’ai vu – ou j’ai décidé de voir, je ne sais plus et après tout qu’importe – cette vendange 2019 comme une danse.

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Pourquoi ? Pour de nombreuses raisons, connues et inconnues, souterraines ou assumées, conscientes ou inconscientes. Mais ce grain de blé, de riz, cette minuscule chose qu’on rajoute sur le plateau d’une balance et qui la fait pencher d’un côté ou d’un autre, c’est peut-être cette vidéo qu’une amie Facebook, comme le Clos des Fées en a tant – de ceux je ne connais pas et ne rencontrerai sans doute jamais, – passionnée de tango, a mis sur son mur un soir de mois d’Août, à Barcelone.

Une musique, lointaine, une danse, maladroite et émouvante, il ne m’en pas fallu davantage pour passer d’une état à un autre, faire basculer une attitude, changer la bouteille à moitié vide en bouteille à moitié pleine, faire d’une guerre une danse. Même si sans doute étais je prêt, merci, S…

Me voilà donc rentré, attentant que le bal commence, me voyant bientôt danser, intensément, joyeusement, le cœur ouvert, avec vous, mes vignes, vous soulager de vos fruits, les transformer en vin. J’espère être à la hauteur, cette année. Qui sait, pour une fois ?

Je me suis éloigné d’elles quelques jours. Elles m’ont vite manqué. Que voulez vous, nous sommes liés. Un énergéticien, un jour, me l’a dit et je l’ai cru. On est peut-être «intriqués», allez savoir, madame Michu. Par les temps qui courent, on est sûr de rien. Quantiquement, tout est parait il possible. Mais bon, je ne suis pas assez intelligent pour comprendre tout cela. Pas sûr que je ressente l’intrication quantique, là, maintenant. Ce genre de communication, avec les forces mystérieuses, les archanges et le reste, c’est réservé aux bio-dynamistes stade 7 (le plus haut, ceux à qui «on» répond…).  On va s’arrêter à «connectés», si vous le voulez bien. A l’ancienne, de visu. Car entre vignes et vignerons, on ne peut en effet s’envoyer de smiley ni de sms. Pas de wifi. Pour les paysans comme moi, traditionnels, à la Fernand Raynaud – sans la corde pour retenir le pantalon quand même, – il reste les bonnes vieilles méthodes, celles qu’on employait il n’y a pas si longtemps pour rencontrer les gens, se lier et se délier : faut se déplacer, prendre le temps. Etre dans le monde réel. Et donc beaucoup marcher au milieu de ses vignes. Ouvrir ses capteurs. Sentir le sol. Frôler les feuilles. Caresser les sarments. Observer les abords. Ressentir. Mais pas que… Compliqué à expliquer. Faudra venir marcher, les arpenter, de bon matin, un de ces jours, OK ?

A mon dernier passage, hier soir, les frôlant longuement, je repensais à ce billet que je porte en moi depuis si longtemps et n’ose encore écrire : « les vignes ont-elles une âme» ? Certains jours, je l’avoue, je le pense. D’autres, je le souhaite. A minima, je l’espère. En bon romantique nostalgique du XIXe, j’espère qu’elles pensent à moi, parfois, comme je pense à elles, qu’elles sont fières de s’être, cette année, comportées comme les pur-sang qu’elles sont, aidées par une équipe qui s’est sortie les doigts du cul toute l’année pour les accompagner et dont je ne parle pas assez souvent, ces vignerons de l’ombre, plus vignerons que moi en un sens.

Les raisins sont magnifiques, cette année encore. Pour autant, le mystère du vin qu’ils vont donner reste, à ce stade, entier.

Bientôt, nous saurons, mes chéries… La danse va commencer. Le journal de vendange, c’est fait.

3 commentaires

  • Francis
    27/08/2019 at 8:30 am

    Bonjour Monsieur Bizeul,
    En route pour un nouveau parcours magnifique.
    Bon courage à tous.
    Merci.

  • Roger Nesti
    27/08/2019 at 9:08 am

    Salut Hervé, ravi de voir ton blog renaître pour ces vendanges que je te souhaite à la hauteur de tes attentes. Amitiés. Roger

  • Vincent GRENIER
    28/08/2019 at 3:57 pm

    M. Hervé Bizeul,
    Quel hymne à la vigne et à la symbiose entre le vigneron et la nature!
    C’est un ravissement de partager vos émotions, vos perceptions, vos doutes…
    Les vendanges sont après tout « un combat » intime de corps à corps, tel qu’un tango fougueux avant la concrétisation, la récompense d’une longue année de lutte…
    Le respect du terroir, l’amour des vignes (de l’autre), l’intelligence et le savoir-faire du vigneron (le soi) contribuent sincèrement à la reconnaissance du vin, donc de son terroir, de sa région…
    Certes, c’est une progression, mais pas pour autant une victoire (définitive)…
    C’est un combat passionnel millésime après millésime, jusqu’à l’un des « amants » soit dépossédé de cette énergie mystérieuse qui unie le vigneron à ses vignes, « une maîtresse cyclothymique au gré du climat »…
    La reconnaissance est plus motrice, plus excitante, plus addictive car le prochain millésime sera un autre combat aussi attrayant et intense que l’envie d’accomplir un « nouveau » défit!
    « Les vignes ont-elles une âme? »…Voilà, ma modeste mais sincère contribution!
    Au plaisir de vous rencontrer prochainement!
    Vincent G.

    PS : Je vous ai écrit récemment par le biais de votre page « contact » pour avoir vos sentiments (infos) sur les cuvées « Vieilles Vignes » et « Le Clos » 2015 et Sans Nouvelles de votre part jusqu’aujourd’hui.

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