Vendanges 2022 – Jour J+1 – Pressurer dans la nuit


Extérieur jour, de bon matin.

Je descends vers la cave, l’air est encore frais, 20, 22° ? Ça ne va pas durer. A Montpins, je laisse deux cyclistes me couper gentiment la route. Deux vieux messieurs, 75 ans passés, sur un… tandem. Je pense à Charles Trenet, va savoir pourquoi et me demande si c’est deux potes, de vieux pro, un couple qui reste, avec l’âge, passionné de vélo. Les combinaisons sont largement ouvertes sur leur torse de père noël. Pittoresque, comme la journée va l’être mais à ce stade, je l’ignore encore. Je vous trouve très beaux, messieurs.

Plus loin, sur la route, un blaireau a croisé une voiture et, dans ce cas, la voiture a le plus souvent raison. C’est triste, un animal sauvage mort, au bord de la route. Les blaireaux, ça me fait toujours penser au premier livre que je me rappelle avoir lu, c’était «un raton laveur dans l’espace». Pourquoi je pense à ça, moi ? Tiens, hier, au Pinot, j’ai croisé un jeune chevreuil, tout marron, peu farouche. Juste entre le faon et le brocard. Pour ce que j’en sais. Vivant, hein. Plutôt l’air stupide en fait. On croise de ces choses… Bref.

Tour des vignes pour voir si on fait un peu de blanc ce soir. Du Vermentino. Vu comme ça, on est pas mal…

Vu de plus près, c’est très hétérogène, sur la grappe et sur la parcelle qui elle même est très hétérogène au niveau du sol. Si on attend, on va perdre en acidité et en fruit. Or, pour les Sorcières blanc, ce sont les deux clés.

Par çi par là, des grappes, plus au soleil, commencent à passeriller. C’est délicieux en bouche, mais pas du tout intéressant pour le profil du vin dont j’ai le goût en bouche et que je rêve de faire.

Le week-end arrive, les températures vont atteindre des sommets, il faut y aller. Encore faut-il que notre prestataire soit libre car tout cela va être vendangé à la machine. J’ai abondamment parlé sur ce blog des avantages de la machine (80 % du vignoble français je crois est fait à la machine, machines désormais ultra performantes avec leur trieurs embarqués) quand, comme ici, la vigne est solidement préparée pour ça : vendanges de nuit, à la fraiche, rapides, au jour J. De toute façon, plus personne ne veut vendanger (sauf quelques rêveurs qui ont encore dans la tête des images d’Épinal). Vu le climat actuel, la fenêtre de vendange journalière se réduit à quelques heures par jour, de 6h à 12h. Après, ça s’appelle de la torture.

Je me permets un gros plan et me dis que comme Etienne Klein, j’aurais bien fait un canular de cette formidable première photo permise par le JWST de… de quoi en fait ? Songeur, je passe en revue dans ma tête toutes les étoiles où, enfant, adolescent, adulte, j’ai voyagé grâce à ma passion de la science-fiction. La nébuleuse de la Lyre, oui, parfait. Véga…

Voilà, les amis, pour vous et vous seulement la nébuleuse de la Lyre par le télescope James Webb…

Pendant quelques instants, en roulant, en conduite automatique, je me reconnecte, sourire aux lèvres, à l’enfant de dix ans que j’ai été, solitaire, plongé du matin au soir dans ses livres, ne pouvant plus lâcher «Les Rois des Étoiles» d’Edmond Hamilton. C’est pour ce livre que l’on a inventé le terme «Space Opera»… Je l’ai relu je ne sais combien de fois, menant aux côtés de John Gordon, simple comptable, la bataille de Deneb et la mise route du destructeur des mondes…

Machines dispo. Yes ! Courte sieste, à 23 heures tout le monde est en place. Egouttage du jus à l’arrivée, chargement du pressoir, inertage, début du cycle qui va durer quatre heures, sans pratiquement de rebêche, un truc à la champenoise.

La fumée, c’est la glace carbonique qui sublime en passant directement de l’état solide à l’état gazeux.

Les bennes s’enchaînent. Une grille d’égouttage casse, boulon de fixation cassé. On termine le déchargement à la main. Pas d’outils sur place, 30 mn pour aller les chercher, 30 mn pour réparer. Pan, une heure de brûlée. Peu après c’est un tractoriste qui part trop tôt, sans débrancher le câble qui attache sa benne inoxydable au vibreur. Une heure pour trouver un câble de rechange, en pleine nuit et pour réparer. Les machines ne peuvent pas attendre, elles ont rendez-vous ailleurs. On ne finira pas ce soir. Mais bon, pas envie de m’étendre… Enfin, oui, très envie de m’étendre, justement. Mais pas de raconter.

Six heures trente, Serge et Sylvère s’en vont, pressoir démarqué, cave désinfectée. Nuit blanche.

C’est aussi ça, faire du vin.

Ce que j’écoute, au jour le jour, pendant les vendanges. Mais pas tous les jours.

Mac Miller, c’est parfait, dommage qu’il soit plus là, ce c..

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