Satané papillon !
Je sais bien que « quand c’est trop facile, ce n’est pas amusant », mais je dois avouer que je me serais bien passé des 80 à 100 mm d’eau qui se sont abattus sur nous cette semaine.
Bon, l’avantage, quand on a des coteaux, c’est que l’eau circule bien. Et puis un grand terroir, c’est peut-être un de ces sols où, 24 heures après des trombes d’eau, on marche tranquillement entre les vignes, en basket, sans s’enfoncer le moins du monde…
Ceci étant, j’avais utilisé cette semaine de vacances pour cogiter intensément sur ma stratégie de vendange et je commençais à avoir une assez bonne idée de comment j’allais m’y prendre cette année.
Las, après cet épisode orageux, il me faut tout réexaminer…
Bel exercice pour le « demi-intellectuel » que je suis. Car tout ça me fait penser qu’avec mon copain Mike (Mike, si tu me lis…), je me souviens d’une soirée bien arrosée où nous avions envisagé de créer l’association des « demi- intellectuels », c’est-à-dire des hommes et des femmes, qui, un peu comme nous, comprennent un peu – mais pas tout – de ce que disent les vrais intellectuels… Non pas que nous nous sentions totalement idiots, mais il fallait bien nous avouer que certaines choses, la lecture de certains journaux littéraires, artistiques ou philosophiques par exemple, dépassaient purement et simplement notre compréhension ;)))…
Devant mes vignes, à nouveau, je me retrouve devant un puzzle dont on a soigneusement mélangé les pièces et qu’il faut reconstituer, sans pour autant savoir quelle figure, une fois terminé, il dévoilera : Quelle parcelle devra-t’on vendanger avant telle autre ? Quelle sorte de trie effectuer ? Combien de vendangeurs recruter ? La cave est-elle capable d’absorber chaque jour une quantité x ou y de raisins ? Quel cépage sera-t’il mûr avant l’autre ? Quelle parcelle assemblera-t’on, à la cuve, avec telle autre ? Quelle parcelle peut-on sacrifier, en désespoir de cause, en cas de « bérézina climatique » ? Toutes ces questions, et bien d’autres, tournent ce matin dans ma tête dans une sorte de chaos sympathique au milieu duquel il faut essayer de trouver un semblant d’ordre.
Tout cela me fait penser à cette fameuse « théorie du Chaos », immortalisée par la (trop ?) célèbre image du « battement d’aile d’un papillon au Japon ou ailleurs, enfin très loin en tout cas, qui de fil en aiguille, provoque par ricochet une catastrophe climatique en Europe ».
Je ne sais pas quel satané papillon s’est un peu trop excité pendant l’été vers hokkaido ou ailleurs, mais si je l’attrape, je lui fais sa fête !
J’avoue que cette histoire de « Chaos » et autres « Théorie des Catastrophes » m’ont toujours semblé être la parfaite illustration de la vie d’un vigneron à la recherche de l’excellence : une exploitation viticole vit en réalité, quoi que certains en disent, dans un chaos permanent. Toute l’année, on ne maîtrise en fait pas grand-chose, on se contente de vivre dans l’urgence et de parer au plus pressé. Pourtant, de tant de paramètres aléatoires, nait, un jour, un vin qui, parfois, touche l’âme de celui qui le boit. Miracle !
De plus, la notion de « sensibilité aux conditions initiales » me semble être la seule explication possible, parfois, pour essayer de comprendre, à postériorité, pourquoi un vin est si bon. On a fait quelque chose, à un moment donné, parfois au début de l’année, à la taille par exemple, parfois même des années avant, à la plantation et c’est cette mystérieuse et minuscule action qui sans doute, des mois ou des années plus tard, donne naissance à un vin magique…
Il faut lire les ouvrages de René Thom, en particulier ce livre-là, une réussite en matière de vulgarisation, mais dont pourtant je n’ai jamais réussi à comprendre tous les concepts. C’est dur, parfois, de n’être qu’un » demi-intellectuel ». :)).
P.S. : pour en savoir plus sur la théorie du chaos et savoir si vous êtes vous aussi un demi-intellectuel, il suffit de regarder ici et d’essayer de tout comprendre ;)))