Faites vos jeux. Les jeux sont faits. Rien ne va plus !


« Si tu veux faire du bon vin, vendange le dernier ». Cette citation, qui ne date pas d’hier (Virgile, c’était vers 50 avant Jésus-Christ et je me suis juré d’arriver à lire les « Bucoliques » cette année), me semble toujours d’actualité. Elle ouvrait le premier courrier que j’ai fait à mes amis, en 1999, pour tenter de les convaincre de m’acheter un peu de vin.

Tous m’aimaient bien, sans nul doute, mais bien peu d’entre eux ont cru à ma réincarnation soudaine en vigneron, ni vraiment misé sur ma capacité de faire du bon vin. Je ne leur en garde aucun ressentiment. À leur place, qu’aurais-je fais ? Changer de vie, prouver sa valeur dans un nouveau domaine, réussir dans un nouveau métier, voilà qui n’est toujours pas facile à accepter en France en 2005.

Bon, tout ça pour dire qu’en 2005, les vendanges se seront terminées au Clos des Fées le vendredi 7 octobre. Une magnifique journée, ensoleillée à souhait, des Carignan magnifiques à 400 mètres d’altitude, du genre de celui-ci :

La dernière semaine de vendanges est peut-être la plus dure, physiquement et psychologiquement. Le temps est instable, parfois humide le matin, les nuits froides, les jours plus courts. Tout cela fait que le démarrage de la journée est souvent pénible, d’autant que les parcelles tardives ne reçoivent bien souvent le soleil qu’à partir de 11heures. Ajoutons que certains vendangeurs campent et que pour eux, c’est encore plus dur. L’équipe s’est réduite et il y a moins d’émulation. La fatigue physique, accumulée pendant 15 jours intenses, semble s’être amassée, par couches successives, qui semblent peu à peu engourdir tout le monde dans une gangue invisible. On est moins vif, moins rapide, moins gai. Tout cela est accentué par le fait que tout le monde dans le village a terminé et semble nous jeter soit des regards apitoyés, soit des regards d’incompréhension, soit des regards de moquerie… Le climat a de plus vraiment changé et, quand on vit dehors plus de 10 heures par jour, on ne peut qu’être sensible à cette nouvelle saison qui commence et qui vous donne plus envie de feu de bois que de courses dans les champs. Enfin, c’est terminé, les raisins sont dans les cuves. Après 3 semaines de lutte contre ce petit diablotin tout rouge et tout frétillant qui me criait « vendange, vendange, vite, c’est le bon moment, tu risques de perdre le travail de toute une année », j’ai préféré écouter le petit angelot tout brillant qui me parlait d’un ton tranquille et m’assurait « qu’avec du raisin pas mûr, je ne ferais que du mauvais vin et qu’attendre m’avait pour l’instant toujours réussi ». Les moûts fermentent doucement et, même si de nombreuses options de vinification commencent à se dessiner, j’ai l’impression que les jeux sont faits, que la roulette tourne et qu’il faudra attendre son arrêt pour savoir si mes choix étaient les bons. Ce qu’il y a de bien avec la fatigue, c’est qu’en y regardant pas de trop près, on peut la prendre pour de la sérénité ;)))

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