Quand le bâtiment va…


Toujours à Paris, de nombreuses personnes me pressent de questions : alors, ce millésime 2005, vous êtes content ? J’évoque avec prudence une qualité certaine, voire une certaine grandeur. Presque tout de suite, la question fuse : « et à Bordeaux, est-ce vraiment le millésime du siècle ? ».

Hum, vous connaissez la célèbre phrase : « quand le bâtiment va, tout va ». Eh bien pour le vin, ce n’est pas le bâtiment qui donne le ton, c’est Bordeaux. Donc, quand Bordeaux annonce un millésime du siècle, c’est le moral de l’ensemble des vignerons français qui remonte. Dix ans, quinze ans, vingt ans plus tard, la qualité des vins dans les autres régions, aux conditions climatiques fort différentes, sera oublié. Mais on se souvient qu’en 82, 90 ou 2001, « c’était bon à Bordeaux », et donc, c’était bon ailleurs, sans aucun doute possible. Ne vous moquez pas. Ce que je vous dit là, c’est aussi valable en France qu’à l’étranger, et nous n’avons pas de quoi être fiers.

Bon, la médaille à son revers. Impossible ou presque de vendre à l’étranger un bon millésime languedocien ou rhodanien si l’année était mal considérée à Bordeaux. Mais comme Bordeaux se refait une virginité chaque année et que personne ne compte les millésimes du siècle, tout est bien dans le meilleur des mondes possibles.

Alors, s’il vous plaît, ne boudons pas notre plaisir, 2005 sera sans doute un immense millésime à Bordeaux, un de ceux qui vont marquer les mémoires et pour longtemps. « C’est normal, me dit Claudine, fine mouche, ils ont eu le climat du Roussillon ». Je suis assez d’accord mais je consacrerai un article un jour ou l’autre à cet amusant problème.

Mais, dans un millésime au climat résolument méditerranéen, est-ce si facile que cela de tirer la quintessence de raisins et de moûts aux caractéristiques particulières ? Plus facile à dire qu’à faire. Cette année, les bordelais on découvert ce qui est notre quotidien :

– difficulté à faire la différence entre maturité alcoolique et phénolique ;

– Vendange chaude, imposant des règles de vendanges précises et nécessitant beaucoup de froid ;

– degrés élevés et donc extractions très fortes dès le milieu des macérations, avec le risque, en milieu fortement alcoolisé, d’extraction de tanins secs et peu élégants ;

– nuits froides et levures ajoutées parfois mal adaptées, entraînant des blocages de fermentation ;

– acidités volatiles naturellement élevées dues au forts degrés, d’origine fermentaires certes, mais ne pardonnant aucune erreur pendant les élevages ;

– pH très haut sur les raisins issus de vignes gavées d’azote, favorisant l’apparition de brett et autres joyeusetés ;

– difficulté à faire les malo, si tard dans la saison, dans des chais difficiles à chauffer;

J’arrête là, pour ne pas devenir trop technique, la liste de quelques uns des dangers qui ont guetté le vigneron bordelais cette année.

Mais ceux qui auront réussi vont, n’en doutons pas, faire des vins légendaires.

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