Café bouillu, café foutu


Vers 11 heures, ce matin, j’ai pensé à ma grand-mère. J’aimais beaucoup ma grand-mère. Elle est morte trop tôt, j’étais trop jeune et surtout trop loin, dans une autre ville, depuis trop longtemps.

Si je tentais de lister ce qu’elle m’a transmis, j’aurais bien du mal à aligner deux ou trois lignes. Pourtant, une grande part de mon amour pour la cuisine, pour les bons produits, pour les plaisirs simples de la vie me vient, sans aucun doute, d’elle. Ce matin, en buvant mon café chez mon voisin, j’ai grignoté un tout petit bout de pain dur avec une petite « touchette » de beurre. Ce goût de pain sec, de beurre, de café filtre : Je me suis revu, enfant, dans la cuisine de ma grand-mère, allée des Camélias, en train de la regarder faire la cuisine. Souvent, elle buvait une minuscule tasse de café, soigneusement réchauffé dans une petite casserole en fer blanc dont je me sers toujours, en marmonnant pour me faire rire, « café bouillu, café foutu »… L’odeur, les sons, l’ambiance, son sourire, ses gros grains de beauté poilus qui m’impressionnaient tant, tout m’est revenu… Je la cite de temps en temps, car elle faisait preuve, à travers des maximes qui lui venaient de je ne sais où, d’une sagesse populaire dont je n’ai compris tout le bon sens et toute la profondeur que bien plus tard. Elle disait par exemple : « On oublie le prix, on se souvient de la qualité »… De temps en temps, quand on me « taquine » avec le prix de la petite Sibérie, la phrase de ma grand-mère surgit à point nommé et me rend un fier service.

Bon, je ne vais pas vous la faire genre « madeleine de Proust », mais je me demande ce soir si je n’ai pas pensé à elle parce que j’ai cuisiné une grande partie du week-end. Les cèpes sortent ici comme je ne l’avais jamais vu, et, sur le marché, samedi matin, ils étaient parfaits. Ajoutez à cela que mon ami Jean-Roger m’a fait passer cèpes, chanterelles et pieds de moutons (Marie, je sais que tu me lis, alors n’oublie pas de récupérer ton saladier :)) et que j’ai trouvé chez mon boucher une magnifique côte de veau triple, que j’ai fait cuire en cocotte et reposer trois heures… Bon miam-miam! comme dit mon fils, 2 ans et 5 mois…

J’ai eu néanmoins quelques angoisses, dans l’après-midi, car j’avais vraiment du mal à me décider sur la bouteille qui serait digne de ce repas de roi. Puis, soudain, j’ai senti que c’était LE jour pour ouvrir ma dernière (et ma seule…) bouteille de Landonne 85 de Guigal. Vin sublime, dîner délicieux, amis parfaits, cette bouteille, importante pour moi, a achevé sa course le bon jour, au bon endroit et n’est pas « morte » pour rien :)).

Pourquoi importante ? Parce qu’elle m’a été offerte par Marcel Guigal, il y a bien longtemps, après une visite de sa cave et un tour dans la Mouline et dans la Turque. Un article pour Cuisine & Vins de France m’avait emmené dans le coin et Marcel et son épouse nous avaient reçus avec simplicité et passion. Je me souviens parfaitement de cette visite « idéale », parce qu’en repartant en voiture, j’ai eu l’impression que c’était la première fois que Marcel faisait vivre cela à un client ou à un journaliste… Je repense souvent à ce jour là, surtout maintenant que je suis vigneron et qu’un amateur se déplace jusqu’à Vingrau, par passion pour le Clos des Fées. Je me dis qu’il faudrait qu’il arrive, lui aussi, à avoir l’impression que c’est la première fois que je fais une dégustation… Sans me forcer, j’espère y arriver parfois, simplement en étant moi-même et racontant mes joies, mes peines et mon travail. En tout cas, ce n’est, je crois, jamais pareil, parce que sincère. Sur ce …

Une touche de couleur

dessin d’enfant perdu sur le réseau

J’arrive, je repars, je tourbillonne.

Pour qui tricotent les girolles ?

Ouf, jai fini mon premier « aiku » culinaire :)) La semaine commence bien !

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