Joyeux anniversaire


Avec quelques jours d’avance (lecteur anonyme, au cas où, je suis né le 19 décembre :))), un ami très cher m’invite à déjeuner.

Surprise, il a apporté une bouteille pour fêter ça. Merveille, cela fera deux fois cette année que j’aurai eu la chance de boire un Latour 59, mon année de naissance. Je dis bien « boire », car, en général, ce type de bouteille, on y trempe juste les lèvres car, quand l’occasion se présente, on est en général beaucoup à la partager. Oh, je sais, pour paraphraser la citation célèbre, « il faut mieux être à plusieurs sur une bonne bouteille que tout seul sur une mauvaise », mais, là, j’avoue qu’à deux, c’était parfait.

Ne comptez pas sur moi pour vous faire une note de dégustation style « concours de sommelier ». Bizarrement, alors que j’ai fait ça pendant des années, le cœur n’y est plus. Non, je vous dirai simplement que ce vin est une pure merveille, un jeune homme qui paraît vingt ans de moins que son âge et qui exprime tout à la fois une sorte de modernisme évident (raisin mûr, élevage présent), de classicisme rassurant (juste ce qu’il faut, où il faut) et de force tranquille (inutile de minauder pour être irrésistible).

Ces compliments sur un vin vieux, venant de moi, en surprendront certains. Car je ne suis pas de ceux qui voudraient faire croire aux gogos qu’une vieille bouteille est forcément bonne. Pour en avoir bu, des millésimes vénérables, et plus que de raison, chez mon ami Michaël G. (Michaël, si tu me lis, que tu sois ici publiquement remercié), dans son inoubliable cave-débarras de la rue de Bièvre, je sais que, quoi que certains en disent, rares sont les vieilles bouteilles qui sont aujourd’hui encore intéressantes. Il y en a, bien sûr. Mais fort peu. Latour 59 est l’une d’entre elles. Je te souhaite, oh, lecteur anonyme, d’y tremper un jour tes lèvres.

Tout en savourant une inoubliable et exceptionnelle pièce de bœuf, simplement rôtie mais à la perfection, sur une effilochée de queue de bœuf (ah oui, j’ai oublié, nous étions chez Apicius :), je me suis mis à rêver de l’invention d’une machine à remonter le temps : que ne donnerais je pas pour une visite de Latour, à l’automne 1959, pour voir l’état des vignes, la gueule des raisins, les méthodes de vendanges et de vinification et bien sûr, pour savourer le goût du vin à l’écoulage… Las, ce genre de fantasme ne sera, je le sais bien, jamais assouvi et il me faudra continuer à faire du vin avec les méthodes d’aujourd’hui, le goût d’aujourd’hui, en espérant qu’un jour, qui sait, dans 15 ou 20 ans, l’un de mes vins au moins déclenchera une émotion de ce genre.

Pour l’anecdote et pour éviter cette erreur à ceux qui auront la chance d’ouvrir cette bouteille légendaire dans les années qui viennent, on notera qu’étrangement, le vin ne collait pas, mais alors pas du tout, aux fromages, quelque soit la direction choisie.

Nous l’avons donc terminé tranquillement, juste pour lui-même en pensant que certains jours, quand même, la vie est belle.

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