Sur la frontière, bis.


Bon, ce qu’il y a de bien, quand on n’écrit pas « à chaud » le récit de ses voyages, c’est que l’on parle par la suite de choses très différentes que celles que l’on pensait évoquer au départ. Par où commencer. Ah, l’alcoolisme. Je voulais parler d’alcoolisme. Rien à voir avec l’Alsace, en fait, mais, étrangement, pendant ce court voyage, j’ai été confronté à l’alcoolisme d’une façon étrange. Cela a attiré mon attention, parce qu’en fait, depuis que je vis à la campagne, le sujet, sensible, est moins voyant. Ici, on boit sans doute, comme ailleurs, pour oublier ou pour autre chose, mais on le fait chez soi. On en parle, un peu, on ragote, comme partout, mais on ne le voit pas vraiment.

Pendant ce court voyage, d’une semaine à peine, j’ai vu plusieurs alcooliques et cela m’a, comment dire, « interpelé ». Ça a commencé dans l’avion. Derrière nous, un homme d’une quarantaine d’années, propre sur lui, à la peau tannée, d’une couleur un peu jaunâtre, à l’haleine indescriptible (enfin, descriptible, mais je vais vous éviter ça…), marqué par l’alcool, en tout cas. Au moment où l’hôtesse lui demande ce qu’il veut boire, il choisit un whisky et somnole, ensuite, hébété. Quelques jours après, dans la galerie d’un supermarché où je discute avec un client caviste passionné, c’est un couple, qui passe, titubant, le caddie rempli à ras bord de canettes de bières. À Strasbourg, devant la cathédrale, c’est un clochard, au regard vitreux, une bouteille de vin en plastique à côté de lui, qui fait la manche. Sur la nationale 83, sous la neige, je m’arrête faire de l’essence et je vois, au bar de la station service, deux hommes et une femme, ne se parlant pas, assis au bar, en train de boire, le regard vitreux fixé, en hauteur, sur une télé grésillante. Bon, je ne sais pas pourquoi je vous raconte ça, mais, c’est un blog, il n’y a pas vraiment besoin de justification. Ca n’a rien à voir, bien sûr, avec l’Alsace. Mais j’avais envie de dire que j’avais été confronté « physiquement » à l’alcoolisme et qu’en tant que producteur de vin, je me sentais aujourd’hui plus impliqué qu’avant. Je ne sais pas quoi rajouter. J’avais envie de le raconter, c’est tout.

En Alsace, il y a donc des cépages. Ces cépages, ils sont réservés à l’Alsace et personne, en France, n’a le droit d’en planter. Le saviez-vous ? Peu de gens le savent. En Roussillon, je ne peux ni planter de Riesling, ni de Gewurztraminer, par exemple. Mais si je fais 50 km au sud et je passe la frontière, là, je peux en planter. Car en Europe, on peut. Et tous nos voisins ne s’en privent pas, Italie, Bulgarie au même Espagne. Torres, pour ne citer que lui, en cultive juste ce qu’il faut à côté de Barcelone, et, de fait, le plus modeste de ses vins blancs, à défaut de déclencher l’émotion ou de donner des frissons dans le bas du dos, permet de passer un apéritif fort agréable. L’été, je bois souvent, chez mon voisin, du « Vina Sol » et, à chaque fois, je me demande si un peu de Gewurztraminer, ici, ça ne donnerait pas un truc sympa. Un soupçon de Gewurztraminer dans un bon grenache/maccabeu, ça aurait peut-être permis d’éviter l’arrachage cette année en Roussillon de plus de 1200 hectares (prévision 2006, sans doute 15 000 en Languedoc…) qui ne seront jamais replantés. Mais je n’ai pas le droit, alors, j’arrête de fantasmer.

Les Alsaciens, ce sont les plus forts. Par exemple, et bien, eux, ils ont le droit de mettre le nom de leurs cépages sur l’étiquette. Les autres AOC, non. Mais eux, oui. Heureusement pour le commerce extérieur de la France, d’ailleurs, parce que sinon, on vendrait pas une bouteille de ces cépages là dans le reste du monde. C’est tellement simple de choisir, le soir, en rentrant du boulot, un Riesling ou un Pinot Blanc, chez son caviste de Tokyo ou de Copenhague. Mais, ça n’est que pour eux. Nous, les autres AOC, on n’a pas, sauf exception du genre « picpoul du Pinet », le droit d’indiquer le cépage. Je nai jamais compris pourquoi, mais bon, je dois être trop stupide pour « appréhender des stratégies globales destinées à assurer la stabilité des marchés sur le long terme ». Je n’ai pas envie de balancer sur l’INAO, car j’aime bien les gens qui bossent pour l’INAO. Ils se donnent du mal. Ils n’ont pas beaucoup de moyens et à eux, on ne leur demande pas la tolérance zéro sous prétexte de ne pas enflammer les campagnes. Pour paraphraser un comique, le contrôle à la parcelle, pour l’instant, c’est tolérance 5 ou 6, pas tolérance 0 :)). Enfin, si j’ai le temps, un jour, quand même, on évoquera l’AOC Fitou, séparée en deux par 40 km de montagne et dont la moitié est au bord de la mer et l’autre au cœur de l’AOC Corbières. Ou l’AOC Muscat de Rivesaltes, qui, des environs d’un petit village s’est étendue jusqu’…au département voisin, après avoir englobé de magnifiques « terroirs », fort réputés pour leurs capacités maraîchères depuis l’antiquité. Peut-être que j’en parlerai quand la nouvelle AOC Languedoc sera passée par décret. Je me lacherai un bon coup, comme ça. En une seule fois. Mon clavier en frémit déjà de joie et d’impatience… Mais bon, tout ca, après tout, ce sont les producteurs qui l’ont voulu. L’INAO, elle fait ce qu’elle peut.

Il est clair que l’Alsace est un bon sujet. Surtout quand on prend les chemins de traverse pour parler d’autre chose. Pour en venir à bout, il faudra un « ter ». A suivre demain, donc.

Laisser un commentaire

ABONNEMENT

Recevez les billets du blog dès leur publication. Et rien d'autre.

Archives