Ciel gris et brûmes matinales


Je vous écris aujourd‘hui depuis Saint-Émilion… Ou plutôt, j’ai écrit ces lignes à Saint-Émilion, et, n’ayant pas trouvé de hotspot pour les mettre en ligne, c’est de retour à mon bureau que je les mets sur le blog. Mais on va faire comme si on était encore là bas, si vous le voulez bien, c’est beaucoup plus pittoresque.

Donc, à Bordeaux, la grand-messe des primeurs a, comme, chaque année, ramené vers la Gironde le ban et l’arrière ban des négociants du monde entier. Enfin ceux qui achètent et vendent des grands crus de Bordeaux. Ce qu’il y a de bien, entre autre, dans ce genre de voyage, c’est qu’on trouve des sujets de blogs pour une bonne semaine;-) Et encore, c’est parce qu’après une semaine, on en a un peu assez,… parce que Bordeaux, ses vignerons, ses coutumes un peu étranges et son univers impitoyable ;-)), on s’en lasse pas.

Au fait, j‘y pense, savez vous tous ce qui se cache sous cette fameuse «semaine des primeurs à Bordeaux» ? Pour ceux d’entre vous qui ne sont pas des «professionnels», une explication, (courte, si j’y arrive- :-)) s’impose, ne serait-ce que par simple politessse.

Chaque année, la première semaine d’avril, les grand crus classés et assimilés présentent des échantillons du vin du millésime, en cours d’élevage, prêt à être vendu «en primeur» quelques jours ou quelques semaines plus tard.

Au départ (je crois que ma première dégustation primeur sérieuse a dû être 1985 ou 1986, donc, avant, j’en parle pas car je n’y étais pas), l’Union des grands crus de Bordeaux organisait, pour les négociants d’une part et pour les journalistes de l’autre, un simple et joyeux «voyage groupé » afin de présenter les «œuvres» de leurs membres. C’était assez simple. Chic, mais simple.

Puis, un peu comme le Club Méditérannée est passé en 30 ans du village de cases avec douches collectives à l’hôtel de grand luxe séparé du monde extérieur par des barbelés et des gardes armés, la manifestation a enflé, enflé, et s’est, comment dire, «embourgeoisée» au fur et à mesure de la flambée du prix des vins. En parallèle, elle s’est enrichie d’une multitude d’évènements «off», organisés par chaque syndicat, par chaque association de copains producteurs, par chaque œnologue « dans le vent » faisant, telle une mère poule rameutant ses poussins, goûter ses protégés blottis sous son aile. Des vignerons d‘ailleurs, d‘abord venus en curieux, se sont greffés sur l‘évènement. Aujourd’hui, la semaine des primeurs à Bordeaux est un évènement mondial, où il faut être vu ou présenter son vin. C’est une sorte de gigantesque kermesse doublée d’un jeu de piste, à l’échelle d’un département, où, à chaque coin de rue, dans chaque chai, dans chaque restaurant, chacun essaie d’exister et où acheteurs et journalistes enchainent une multitude de sauts de puces afin de tout goûter dans un timing bien sûr impossible à respecter.

Comme vous l’avez déjà sans doute compris, nous y sommes aussi, grâce à la générosité et l’hospitalité de Jean-Luc Thunevin. En 2000, suite à ma première rencontre avec Jean-Luc et Murielle, par hasard, à la salle des sports de Maury (je l’ai déjà raconté, celle là, non ?), ils nous avaient invité à faire goûter nos vins chez lui, à cette période. J’ai d’abord refusé, ne voyant pas ce que j’avais à faire là-bas puis, devant son insistance, nous avons accepté. C’était en Avril 2001. La folie du millésime 2000 s’était emparée de Bordeaux, la semaine fut mémorable. Depuis, nous y retournons chaque année, pas vraiment pour vendre, plutôt pour expliquer au plus de monde possible que les vins du Roussillon, ca existe et que c’est très bon.

Dans une petite salle, qui servait autrefois de chai à barrique pour Valandraud, il y a une centaine de vins de bordeaux, du plus prestigieux au plus modeste, en dégustation, le propriétaire ou le maître de chai accompagnant son vin dans la plupart des cas. Dans une autre, les vins « d’ailleurs », du Roussillon et d’Espagne, principalement. Par exemple, cette année, à côté de nous, Peter Sisseck présente son incroyable Pingus 2005. En face, Vega Sicilia aligne une impressionnante ligne de tempranillo tous aussi incroyables les uns que les autres. Il y a pire comme voisins, vous en conviendrez ;-)) En 2000, les courtiers bordelais en costumes trois pièces et autres négociants nous snobaient carrément, et, il faut bien l’avouer, sautaient parfois notre table avec un air affligé. Aujourd’hui, presque tout le monde, à défaut d’aimer les vins du Clos des Fées, les goûtent, ce qui est déjà, vous en conviendrez, une sacrée victoire.

Bon, le décor étant posé, rentrons dans le vif du sujet et tentons de répondre à la question qui, j’en suis sûr, vous brûle les lèvres : 2005 est-il le millésime du siècle, annoncé par tout le monde ? Et bien les amis, il faudra attendre pour avoir mon avis, (qui, comme vous le savez, fait autorité, déclenche des actes d’achats compulsifs dans le monde entier et fait monter ou descendre le cours des grands crus classés ; – ))), que j’ai eu le temps de goûter quelques vins. Parce pour l’instant, je n’ai pu que me libérer quelques instants de derrière ma petite table pour écrire ces lignes. Mais peut-être que dans les jours qui viennent, j’oserai vous donner mon avis.

En attendant, et pour finir sur une note humoristique, comme dit mon ami Jean-Luc « on se demande pourquoi Bordeaux a des problèmes de commercialisation. Si les milliers de soit-disant acheteurs qui se ruent pour goûter en 3 jours des centaines de vins n’achetaient, allez, que deux ou ou trois palettes de Bordeaux, tous les négociants manqueraient de vin ».

Il y a de tout, en fait ici : des jeunes qui se forment, des anciens qui n’ont plus d’activité, des cavistes, des restaurateurs, des amateurs passionnés qui s’incrustent, des vignerons curieux (beaucoup…), qui en profitent pour goûter les vins du voisin. On passe beaucoup de bouteilles, dans une excellente ambiance, très polie (on est à Bordeaux), très casual, mais, pour nous, il est surtout question plutôt de partager notre passion du vin avec d’autres passionnés. Et de voir des amis. Et de philosopher. Et de remplir ce blog, bien sûr ;-))

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