Fraises au Maury
Mon premier vin, je l’ai fait à Maury. J’aime cette appellation. J’aime ses paysages. J’aime ses vins. Et voir cette appellation unique au monde s’effondrer un peu plus chaque année qui passe me fend le cœur. Pour moi, c’est inexplicable. Je ne connais personne à qui je n’ai servi un petit verre d’un vintage de qualité à l’apéritif qui n’ait eu envie de me voler la bouteille. Personne qui n’ait été surpris et charmé par un 6 ans d’âge, vieilli en bonbonne de verre, sur un beau Roquefort ou une fourme d’Ambert. Et ne parlons pas de l’accord d’un vieux Maury et d’un gâteau au chocolat, accord mis au point par mon ami Didier Bureau à la grande époque de l’Archestrate et qui semble si évident aujourd’hui à tout le monde qu’on le croit traditionnel. Et pourtant, l’AOC Maury est en crise. Inexplicable.
Bon, au lieu de se lamenter, je voulais vous donner ma recette de fraises au Maury. En cette saison où l’on a envie de fraises alors que tout le monde sait bien qu’il est trop tôt, elle prend un sens particulier. Allez, ne nous mentons pas, s’il vous plait. On se connaît trop, maintenant. Ne me dites pas que, comme tout un chacun, vous ne vous êtes pas laissé attraper un jour ou l’autre par une de ces barquettes de fraises au rouge éclatant qui ont l’apparence d’une fraise, la forme d’une fraise, le parfum (discret…) d’une fraise mais le goût… d’une courge !
Et bien voilà, nous y sommes, il est temps pour vous de vous lamenter si vous n’avez pas, dans votre cave ou votre frigo, une bouteille de Maury, qui, tel Zorro perché sur son beau cheval blanc (ndd, impossible de retrouver le nom du cheval de Zorro !), est là pour sauver la pauvre fraise, manipulée par un horrible serriste hollandais.
FRAISES AU MAURY
500 g de fraises
75 g de sucre (en fonction du degré de l’arnaque dont vous avez été victime
1/2 gousse de vanille bourbon
Poivre du moulin
20 cl de Maury, si possible jeune et sur le fruit
Laver et égoutter les fraises.
Les équeuter et les couper en deux, en trois ou en quatre en fonction de leur grosseur.
Les mettre dans une jatte en verre avec le sucre. Fendre le bâton de vanille et gratter les graines qui sont à l’intérieur. Mettre un tour ou deux de moulin à poivre. Laisser macérer à température ambiante, sous un film alimentaire, pendant une heure ou deux.
Au début du repas, ajouter le Maury (très frais…), un tour de moulin à poivre et servir.
Attention : le secret de la recette est bien, vous l’avez compris, de travailler en deux temps. Une macération à froid des fraises dans le sucre va, par osmose, faire sortir un peu de jus des fraises. Celui-ci, sucré et vanillé, va se mélanger, au dernier moment, avec le Maury. Si l’on fait macérer les fraises et le Maury trop longtemps, cela a beaucoup moins d’intérêt, les fraises étant « mâchées » et cuites par le vin. Si l’on a des enfants, il suffit d’isoler quelques fraises et leur jus avant de rajouter le Maury. Tout le monde est alors content… Les fraises n’aiment pas le froid, qui leur enlève tout leur arôme. Epargnez leur s’il vous plait cette épreuve.
P.S. : je retrouve dans mes archives, classé à la rubrique « fraise » ce magnifique texte de Bernardin de Saint-Pierre que je ne résiste pas à livrer à votre gourmandise :
« … les fruits sont une harmonie de plus que la Providence a mise entre nos sens et nos besoins. Harmonie avec nos yeux, par leurs vives couleurs ; avec nos mains, par leurs formes arrondies ; avec nos dents, par leur tendreté ; quelquefois avec notre bouche, par leur diamètre ; enfin avec notre goût et les diverses humeurs de notre tempérament … suivant les saisons. Les fruits rouges et rafraîchissants comme les fraises et les cerises paraissent au commencement de l’été, saison où notre sang, dont ils portent la couleur, entre en effervescence ».
Dieu que la nature est, il est vrai, bien faite…