Petit à petit, l’oiseau…


Ouf, ça y est, on est rentrés. Quatre jours de voyage, un rythme trépidant, une foule de choses à vous raconter. C’est ce qui explique ce long silence. Pardon, je ne vous avais pas averti…

Je n’ai pas eu vraiment le temps d’écrire pendant le voyage. Mais j’ai pris quelques notes sur des serviettes en papier, stocké dans ma petite tête quelques anecdotes croustillantes, engrangé quelques notes de dégustations et eu le temps de philosopher de l’intérieur pendant les vols et les transferts en voiture. On croit que je dors, mais en fait, je médite ;-) (quand il médite, il ronfle comme un phacochère, note de Claudine ;-))

Mardi, c’était notre montée des marches à nous. Nous étions invités à une soirée dégustation, suivie d’un grand dîner très chic, chez Laurent, à Paris. Le thème ? « Vingt des meilleurs vins du monde », tout simplement. En plus, ce n’était ni pour faire l’animation ni pour remplacer un sommelier absent, mais bel et bien parce qu’il y avait un de nos vins dans la sélection des « vingt meilleurs vins du monde »… Je sais, nous non plus, on n’en est pas revenu ! Bon, attention, cet évènement a lieu chaque année depuis trois ou quatre ans et donc, on est déjà bien 60 ou 80 à faire partie des vingt meilleurs vins du monde;-)). Mais enfin, se retrouver à faire goûter la petite Sibérie à deux pas de vins comme la Chapelle, La Conseillante, Angélus, Zind-Humbrecht, d’un Bonne-Mares ou d’une Vieilles Vignes Françaises de Bollinger, pour n’en citer que quelques-uns, ça fait sacrément plaisir et ça rend drôlement fier, je n’ai pas honte de l’avouer.

Bien sûr, on le sait, c’est sans doute jusqu’au dernier jour de notre vie de vigneron que nous devrons supporter, en souriant s’il vous plait, les regards mi-dédaigneux, mi-surpris, mi-condescendants de certains buveurs d’étiquettes qui sautent carrément notre table, stupéfaits de voir ici « un vin du Roussillon », roturier égaré au sein du gotha du vin mondial… Mais bon, «l’effet petite Sibérie» agit encore ce soir là, et, alors qu’au début nous n’avions pas grand monde, à la fin de la dégustation, le bouche à oreille fonctionne et nous sommes les derniers à avoir encore autour de nous des dégustateurs passionnés, à l’esprit ouvert, stupéfaits de la concentration et du fruité intense du vin, éclatant ce jour là. Notre voisin, un certain monsieur Dassault, qui présentait « son » très-super-premium-vin-argentin fait par Michel Rolland himself, était quant à lui déjà parti depuis longtemps ;-))

A chaque fois et donc bien sûr ce jour-là, on se dit que même si seuls 10% des dégustateurs ont été convaincus, c’est déjà extraordinaire. Un petit pas de plus pour nous, un pas toujours plus grand pour le Roussillon. Car, bien souvent, ce genre de clientèle triée sur le volet ne connaît du Roussillon que le Maury ou le Banyuls. C’est déjà mieux que rien et, au passage, ce soir-là, j’ai pensé que si tous ceux qui nous avait parlé des vins doux naturels en achetaient une bouteille par an, on se demande pourquoi on arrache tant de vieilles vignes chez nous cette année …

On aperçoit David Douillet, plus petit que je ne l’imaginais mais beaucoup plus carré. J’évite de ce fait de le bousculer ;-)). On nous demande un verre, qu’une main charitable nous explique être destiné à Jean Reno. On ne saura jamais si cela lui a plu. Entre deux explications du pourquoi du comment, on plaisante avec les sommeliers. Il y a là un vieux copain, perdu de vue depuis longtemps. Le revoir me fait plaisir. Une des sommelières lit mon blog. Je comprends pourquoi elle me souriait depuis 10 minutes ;-)) On discute, comme si on se connaissait. On ne dira jamais combien ce blog améliore et facilite le contact entre le vigneron et l’amateur : alors qu’on ne s’est jamais vus, on a l’impression de déjà se connaître. Enfin de me connaître. Le contact est alors plus facile et plus chaleureux. On brise la glace, même si on goûte la petite Sibérie ;-)).

Rien de spécial à vous dire sur le dîner, où l’on ne sert que des Bourgognes. Comme d’habitude, les producteurs nous vendent leurs « terroirs » qu’ils ont désormais décidé, juré-craché, de « respecter » après les avoir transformés en trente ans en substrat hors sols digne d’une culture hydroponique. A la table, tout le monde préférerait du vrai vin plutôt que des grands discours. Passons. Sauf sur un blanc, merveilleux. Le homard est le meilleur que j’ai mangé cette année, le pigeon aussi. Les navets confits sont grandioses, mais avec le vin, ça coince un peu. Ou alors, vraiment, je ne comprends rien au Pinot noir. Ma voisine ne connaît rien au vin mais adore boire, c’est sincère et rafraîchissant. Mon autre voisin est un amateur éclairé, la conversation est brillante. Il adore le Bourgogne, lui, mais est encore plus dur que moi. Qui aime bien, châtie bien…

Au début, j’ai un peu de mal à communiquer avec tous ces gens qui travaillent dans la communication: il y a cinq heures à peine, j’étais dans les vignes… J’ai l’impression que les extra-terrestres m’ont pris par les épaules et m’ont transféré par un « trou de vers » (un racourçi qui traverse l’hyper-espace, pour ceux qui n’ont jamais eu la tête dans les étoiles ;-)) dans une autre galaxie, sur une autre planète. Il ne manque que Guy Carlier, le sosie de Jabba le Hunt, pour que le dépaysement soit total ;-)). Ma cravate, que je n’avais pas mis depuis mon mariage ou presque, me semble elle aussi être une bien étrange chose. C’est Paris. C’est brillant. C’est rapide. Après une heure, je suis à nouveau dans le rythme, dans ce bain social, attirant et si délicieusement superficiel. C’est bien aussi. Parfois, ça manque un peu, bien que tout le monde, à l’écoute de notre histoire, semble envier la « vraie vie » que nous menons, paumés au milieu des cailloux, du thym et du vent…

Il est temps de partir. Le directeur du restaurant, un des meilleurs (et peut-être le plus gentil…) sommeliers du monde, m’offre une boîte de palmiers incroyablement fondants, tout simplement inoubliables. Laurent, c’est un grand restaurant, précis et généreux, qui a du savoir-vivre. On y retournera.

P.S.: A ma table, un invité travaille chez Skyrock. Ils sont leader du blog en Europe. Cette semaine, ils vont sans doute ouvrir leur 5 000 000ème blog…

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