Confiturons, mes amis, confiturons
Ça y est, on est en juillet. Le 12, exactement. Demain, dernier jour des travaux en vert. Ouf. On peut se relâcher un peu, si vous le voulez bien. Il reste bien sûr quelques parcelles à arroser, quelques vignes à attacher sur leurs échalas, un ou deux traitements, selon les parcelles. A noter que certaines n’auront vu que trois poudrages au soufre et un soufre mouillable cette année… Dans l’ensemble, on pourrait penser que le plus dur est fait et, écrasé par une chaleur de plomb somme toute habituelle ici, qu’il serait temps de s’accorder un peu de temps pour ma traditionnelle semaine de confiture.
Ceux qui étaient là l’année dernière se souviennent de mon billet sur les confitures. Je le mets en lien, ICI, pour les autres.
Cet hiver, je suis passé voir Christine Ferber à Niedemorschihr, un petit village à peine plus grand que Vingrau où, pourtant, l’on vient du monde entier pour acheter ses confitures, ses aigres-doux, ses tartes, ses gâteaux, ses chocolats… J’arrête, tout, chez elle, est merveilleux et j’aimerais avoir un peu de temps, un jour, pour repartir en cuisine, chez elle, un jour ou deux par an, histoire de remettre une tenue de cuisinier et replonger mes mains dans la farine.
En attendant, je confiture, à ma façon, à mon petit niveau, me contentant de sublimer, grâce à sa recette, quelques kilos d’abricots « Rouge du Roussillon », une formidable variété locale.
Le « rouge du Roussillon », c’est un petit fruit arrondi et légèrement oblongue, à la peau veloutée, duveteuse qui, parfaitement mûr, voit sa face la plus ensoleillée se colorer jusqu’à devenir rouge foncé. Sa chair est ferme, fondante, particulièrement parfumée lorsque l’abricot est à maturité. Mais il ramollit rapidement, reste fragile et, comme tous les abricots, les producteurs le ramassent presque vert pour pouvoir le calibrer et l’expédier selon les règles de la distribution moderne. Passons. On en trouve pratiquement que dans les Pyrénées Orientales, fin juin, début juillet et l’on ne fait pas mieux pour la confiture.
Je vous ai fait une petite photo de l’arbre. Tout le verger de mon ami Françis est ramassé depuis plus de 10 jours. Il m’a laissé un jeune arbre, une bonne quinzaine de kilos pendu dessus et, là, il est temps de le ramasser.
Je vous assure qu’un abricot mûri sur l’arbre, juteux et fondant, possède un goût unique que, jamais au grand jamais, vous ne pourrez trouver dans un abricot acheté en hyper. C’est comme si l’on mettait dans sa bouche un peu de soleil. Un rayon de miel. Un morceau de gaze pulpeuse/mousseuse/fondante, tant la texture du fruit est unique. Un bonheur.
Comme pour les cerises et le raisin, le tout est de le ramasser parfaitement mûr, sur son arbre, afin d’une part d’avoir le maximum de parfum, en quantité, en qualité et en complexité et, de plus, de diminuer la quantité de sucre. Allez, cette année, je vous dévoile ma recette, un peu différente de celle de Christine. Elle mélange plusieurs techniques, fait intervenir un macération à froid pour extraire les parfums, puis une extraction à chaud (pour la couleur, magnifique), le tout suivi d’une cuisson courte, les abricots étant déjà confits, pour respecter au maximum le fruit. Le fait de retirer la peau demande un peu plus de travail mais donne un résultat inoubliable, plus rien ne séparant l’abricot des muqueuses. Bon, qu’est ce que je raconte encore, là ;-)).
Bon attention quand même, pour que vous ne veniez pas vous plaindre : une fois que l’on a goûté la confiture d’abricot pelé selon la recette qui suit, impossible de revenir en arrière, toutes les autres confitures d’abricot paressent fades. A bon entendeur, salut les amis.
Sur une idée de Christine Ferber, la confiture d’abricot à la vanille.
Recette pour 3 kilos d’abricots, le maximum que l’on peut cuire correctement dans une bassine à confiture. Pour moins, faire une division…
3,5 kilos d’ Abricots « Rouge du Roussillon »
2 Jus de citron
2 Kg de sucre cristallisé si les abricots sont parfaitement mûrs
– 2 gousse(s) de Vanille
Le premier soir.
Rincez les abricots à l’eau fraîche. Coupez-les en deux afin de les dénoyauter, les jeter au fur et à mesure dans un grand saladier.
Presser les citrons, recueillir le jus, enlever les pépins. Couper les gousses de vanille en deux dans le sens de la longueur, faire tomber les graines avec la pointe d’un couteau. Ajouter le tout aux abricots, verser le sucre en poudre par dessus. Remuer un peu le saladier pour que chaque abricot soit tout collant de sucre.
On peut aussi utiliser un gros Tuperware, que l’on retourne plusieurs fois.
Couvrez d’une feuille de papier sulfurisé. Réservez au frais et laissez macérer une nuit au réfrigérateur.
Le lendemain matin, avant de partir au boulot (si vous êtes salarié…) ou en revenant de la vigne, vers 11 h (si vous êtes vigneron…), commencez à gouter un abricot confit à froid. Faire hummmm. Versez délicatement vos abricots sucrés dans la bassine à confiture, bien racler le sirop qui est au fond et portez au frémissement. Il faut que cela soit à peine chaud, inutile que cela bouille. Les oreillons doivent être chauds à cœur, pas plus. Donc, pas d’écume, s’il vous plait. Ca ressemble à ça :
Versez à nouveau dans la terrine. Couvrir d’une feuille de la même feuille de papier sulfurisé et réservez au frais pendant une nuit.
Le deuxième jour, verser cette préparation dans une passoire posée au milieu de la bassine à confiture (jamais ma femme ne m’a fait un cadeau plus utile… Merci, Clo ;-). Laisser s’égoutter cinq minutes. Pendant ce temps, mettre une assiette tout ce qu’il y a de plus normal au congélateur. Revenir devant la bassine. Du bout des doigts, pincer la partie ronde de l’oreillon : la peau glisse facilement et l’abricot pelé tombe dans un autre récipient, dont la forme et la nature importe peu, et que vous aurez eu l’intelligence de mettre sous l’abricot pour éviter qu’il ne s’écrase dans votre évier… Ne pas trop se lécher les doigts, parce que c’est déjà drôlement bon…
À la fin de l’opération, vous avez donc d’un côté le sirop, de l’autre les oreillons confits pelés, de l’autre encore les peaux. Essayer de trouver une utilité pour les peaux. Moi, je n’y suis pas arrivé. Si oui, écrire la solution sur la partie commentaire de ce blog. Si non, faire comme moi et les foutre à la poubelle :-))
Portez le sirop recueilli à ébullition pendant cinq minutes environ, puis baisser un peu le feu et le laisser se concentrer doucement en écumant tout le temps. En théorie, si vous avez un thermomètre à sucre (Alain Ducasse, si tu me lis, toi tu dois avoir un thermomètre à sucre, j’en suis sûr ;-)), notez que le sirop doit se concentrer à 105° C . Je sais Alain, on appelle ça le « petit perlé ». Mais tu vois, ici, tout le monde s’en fout, du petit perlé ;-))
Bon, donc, comme vous n’avez pas plus de thermomètre à sucre que moi, ll vous faut laisser parler votre instinct et acquérir ce que l’on appelle, dans le language vulgaire de l’artisan de base un «savoir faire… » On regarde la confiture, on la tourne, on la fait couler d’une dizaine de centimètre de haut pour voir comment elle tombe, on « sent » sa consistance. Peu à peu, elle devient sirupeuse. Si on a un doute, on en met une cuillère à soupe sur une assiette qu’on sort du congélateur (ah bon, vous l’aviez pas mis ? Dommage ;-)). Puis on passe le doigt au milieu, pour ouvrir un chemin, un peu comme Moïse, vous voyez ? Si les deux rives restent solidement de leur côté, c’est bon. Sinon, on fait cuire un peu plus. Ajouter les oreillons d’abricot. Redonner un petit bouillon de cinq, six minutes en remuant délicatement, écumer soigneusement. Ils deviennent translucides. C’est fini. Champion du monde.
Retirer alors les gousses de vanille. Mettez votre confiture en pot. Si vous n’avez pas d’entonnoir à confiture, mettez en un peu partout et jurez vous d’aller en acheter un.
Couper la vanille en petits bâtonnets de deux ou trois centimètre et les glisser verticalement dans chaque pot, collé au verre. qui décoreront les facettes des pots.
Laisser prendre. Pendant ce temps, faire la vaiselle. (mais oui, mesdames, je fais AUSSI la vaiselle).
Selon la nature du pot, visser, couvrez de paraffine ou couvrir d’un papier cristal trempé dans l’eau de vie. Moi, je prend des pots anciens, alors, je prend l’option paraffine. D’ailleurs, si vous trouvez quelques pots anciens pas trop chers dans une brocante, pensez à moi, en train de suer devant ma marmite. Si vous passez au domaine, si vous m’en apportez deux ou trois vides et avec un peu de style, je vous en donnerais peut-être un plein ;-))
Bon, si vous avez réussi, la confiture a une couleur magnifique, est parfaite, chaque oreillon étant un pur bonheur. Au début, n’en faites qu’un kilo à la fois. Comme ça, vous pourrez voir quand elle est trop cuite (la principale erreur du débutant) ou pas assez. Rapidement, vos amis, à chaque passage, vous demanderont d’un ton innocent : « au fait, tu n’as pas fait de confiture, cette année ? »
Allez, à vos bassines !
P.S. : on peut encore diminuer la dose de sucre (jusqu’à 50 %) mais il faudra alors la conserver au réfrigérateur.