Tuber mélanosporum, mon amour…


J’ai décidé de commencer aujourd’hui une petite série de recettes autour de la truffe.

En dehors du fait, je l’espère, que certaines d’entres elles vous feront saliver au point que je vous demanderai d’étaler au préalable un morceau de papier absorbant devant votre clavier ou sur votre pull :-)), cette série de recettes a deux objectifs qu’il me semble inutile de vouloir dissimuler.

Premièrement, il s’agit de me simplifier la vie. Voici une bonne vingtaine d’années que je cuisine des truffes pour mes amis, lorsque la saison est bonne et lorsque mes moyens me le permettent. Même dans mes années les plus noires sur le plan financier, même les années où elles ont atteint des prix ridicules, j’ai toujours trouvé une centaine de francs pour casser trois oeufs brouillés, les truffer et les partager avec un ami cher. A chaque repas ou presque, l’un d’entre eux me demandait la recette du met dont il était en train de se délecter. J’ai pourtant l’impression que ma façon de servir la truffe est si simple, si évidente, qu’il suffit de déguster pour comprendre comment le plat a été fait. Mais ce serait oublier un peu vite ma formation de cuisinier qui, bien que lointaine, m’a servie tout au long de ma vie. Alors, je pense qu’il est temps de mettre mes trucs et mes recettes sur le papier. Après chaque repas, il suffira de renvoyer les curieux à ce blog ;-))

Deuxièmement, et bien QUE cela fasse sans doute frémir Claudine quand elle lira ses lignes car elle déteste quand je parle de cela, je pense souvent au fait que la vie ne tient qu’à un fil, que nous ne sommes qu’un souffle, et qu’à tout moment, ce que mon assureur (Patrick, si tu me lis… ;-) appelle pudiquement « un accident de la vie » peut m’emporter. Quelques jours plus tard, je ne serai regretté que de quelques-uns. Quelques dizaines d’années après, je serai oublié de tous, ainsi va la vie. Il me semble alors important de laisser à mes enfants quelques fines recettes et quelques bonnes bouteilles, en pensant qu’un jour, que j’espère le plus lointain possible, ils penseront à moi en tournant leur œufs brouillés ou en moulinant leur purée aux truffes. La nourriture apportant un plaisir immédiat et toujours certain, chose trop rare dans la vie quand on y pense, j’aime l’idée qu’on se souvienne de moi en s’enfournant une belle cuillère de haricots tièdes et parfumés dans la bouche ou en sauçant avec concentration la sauce aux truffes d’un magret de canard. ;-)). (François, si tu me lis, toi, tu me comprends ;-))

L’époque où l’on gravait dans le marbre étant terminée, c’est donc à ce blog, chaque année, que je confierai la lourde tâche de transmettre quelques uns de mes tours de mains et modestes « secrets » de cuisine.

Fin du moment « émotion » ;-)) Passons au préambule. Et au sujet, la Truffe.

Pour moi, la Truffe est un condiment, un rajout de dernière minute qu’il faut le plus souvent possible servir cru. Oh, mon métier m’a permis de déguster à mainte repriseS des plats complexes, mitonnés par quelques-uns des meilleurs cuisiniers du monde. Je les ai savourés toujours avec curiosité et appétit, souvent avec plaisir, mais je me suis aussi parfois pris à penser que la Truffe, qu’ils s’évertuaient à intégrer dans un de leur plat alambiqué, aurait connue une fin plus honorable dans une salade de pommes de terre ou dans une omelette baveuse.

Les livres sur la Truffe pullulent et vous y trouverez la réponse à toutes vos questions. Là n’est pas l’objet de ces quelques billets. Mais il me semble bon de commencer cette série de recettes par :

« Quelques conseils pratiques et vision personnelle du champignon adoré ».


Contrairement aux idées reçues, la cuisine aux idées reçues, la cuisine aux truffes ne revient pas très cher. 5 à 10 g par personne suffisent dans toutes les recettes que je pratique, et, au final, un plat revient souvent moins cher qu’un plat de viande, de poisson ou de crustacés. L’élément complémentaire, pomme de terre, œuf ou haricot ne coûte en effet que quelques fifrelins. Quelle que soit votre générosité, il est, croyez-moi, inutile de mettre beaucoup plus de truffes. Le plat n’en serait pas meilleur, certains de vos convives pourraient êtres gênés par trop de puissance et… Vous pourriez passer pour un parvenu. Si la saison commence aujourd’hui dès la mi-novembre et se termine fin mars, avec quelquefois de belles truffes jusqu’en avril, le véritable amateur ne cuisine à mon sens les truffes qu’après les fêtes de fin d’année. Le froid les fait mûrir, elles sont parfumées à souhait et leur prix redevient puis raisonnable.

Au début, commencez à l’acheter brossée et bien nettoyée chez un marchand de confiance. Elle sera certes plus chère, mais le plaisir sera alors garanti, ce qui n’est pas rien, quand on prend le temps d’y réfléchir. Plus tard, vous prendrez autant, voire plus, de plaisir à aller sur un marché de campagne, ou à vous en faire envoyer des truffes « brutes », pleine de terre, par un producteur de vos amis. Elle garde mieux ainsi ses arômes et le toilettage, soigneux, sous l’eau froide, à l’aide dune brosse à dents ou à ongles que l’on réservera pour l’occasion est une sorte de préliminaire. La conservation, 8 à 15 jours après récolte, se fait dans un récipient en plastique parfaitement hermétique avec un fond de papier essuie-tout qui va absorber l’excès d’humidité et empêcher les truffes de pourrir. En cas de quantités importantes, n’hésitez pas à doubler le récipient sous peine de voir votre frigo  » parfumé  » pour longtemps (un récipient hermétique dans un autre récipient hermétique, pour ceux qui ont la comprenette un peu lente ;-))

On peut aussi la congeler. Certains emballent alors chaque truffe dans un papier aluminium, d’autres les coupent finement avant de les congeler. Il est ainsi plus aisé de pouvoir disposer de la quantité qui vous est strictement nécessaire. J’aime bien ça, car cela permet aussi de « mutualiser » les goûts, ce qui est loin d’être idiot, chaque truffe ayant sa personnalité et son intensité aromatique propre.

Rapidement, un coupe-truffe ou une mandoline à truffes vous sera indispensable. Pour une vingtaine d’euros seulement, vous vous faciliterez grandement la vie, augmenterez le plaisir et le rendement. Un achat judicieux. Un dernier conseil : dans ce genre de cuisine d’une infinie simplicité, la qualité des produits de base est primordiale. Sans de bons oeufs ou de bonnes pommes de terre, pas de bonne cuisine aux truffes. On remarquera d’ailleurs que tout producteur qui se respecte a bien souvent quelques poules à proximité, qu’il appelle par leurs prénoms, histoire d’être sûr d’avoir toujours sous la main quelques oeufs de qualité. Enfin, ne négligez ni le pain, ni le vin que vous servirez avec votre plat. Comme Churchill, la truffe « n’est pas difficile, elle se contente de ce qu’il y a de mieux ». Mais elle doit rester un met simple qui se mange simplement. Avec appétit.

La semaine prochaine, je vous dévoilerai, pour commencer fort, le secret ultime des œufs brouillés. Celui qui vous permettra désormais de réussir à coup sûr de ces œufs brouillés dont on se souvient toute sa vie…

Laisser un commentaire

ABONNEMENT

Recevez les billets du blog dès leur publication. Et rien d'autre.

Archives