A bas les pyramides, vive les tubes


Mise à jour d’un billet de 2007, qui me semble toujours pertinent, évoqué lors d’une discussion avec des amis. Pour ceux qui l’avaient raté…

Lors de mon dernier voyage aux Etats-Unis, longue discussion avec le staff de Diageo, mon importateur de Walden, sur l’actualité et le devenir du vin français.

Nous dérivons vite et, entre les huîtres et le poulet, me voilà à tenter d’exposer, en anglais bien sûr, ma façon d’appréhender le vin, de « modéliser » ma perception du breuvage.

Vous connaissez mon niveau en anglais (sinon, vous ne perdez rien, croyez moi…;-). Alors, vous imaginez combien je rame.

Je me lance alors tout d’un coup dans une grande comparaison où apparaissent des pyramides et des tubes et… ça a l’air de bien fonctionner. Pour moi, c’est plus clair. Pour eux aussi.

Alors, je me suis dit que j’allais essayer de la mettre par écrit pour voir si ça fonctionnait aussi en français et si ça pouvait faire avance le smilblick. Allez, je me lance.

Aujourd’hui, la majeure partie des acteurs de la filiière vin (producteurs, négociants, consommateurs , journalistes, etc.) voit le marché du vin sous la forme d’une pyramide qui ressemblerait un peu à ça :

Je sais, c’est mal dessiné, mais je fais ce que je peux, et je n’ai pas vraiment que ça à faire. Ou alors, je mets un abonnement à 70 euros par an à ce blog et je fais des beaux dessins en couleur et même des animations en flash ;-))).

A la base, les vins de table, abondants, pas chers, pas concentrés et pas très bons. En perte de vitesse et qui ralentissent donc l’ensemble d’après les dires de certains. Il faut s’en débarrasser et arracher les vignes, dit l’Europe. Berthomeau n’est pas d’accord et il a raison.

Ensuite, il y a les vins de pays et de cépages. Un peu plus de personnalité, une indication d’origine large et/ou de cépage, un peu plus créateur de valeur, assez en phase avec les besoins d’une catégorie de la population qui aime bien boire un coup mais ne veut pas se prendre la tête.

Au dessus, les AOC, en théorie aptes à satisfaire une catégorie plus restreinte de population. Des buveurs plus « amateurs », une catégorie plus « exigeante », souvent plus en théorie qu’en réalité, parce le vin, il faut quand même en boire de nombreux pour y comprendre qq chose… La catégorie est complexe, elle contient le pire comme le meilleur.

Un peu plus haut, les vins premium (pour les marques) fait par des sociétés sérieuses (new-world). Et les vins d’auteurs, élaborés par des vignerons talentueux à forte personnalité qui tentent d’exprimer une part d’eux même dans leurs vins et s’adressent à une clientèle passionnée et formée.

Tout en haut, les « grands crus », classés ou non, de Bordeaux, de Bourgogne où d’ailleurs, produits en quantités limitées, aux prix parfois stratosphériques et réservés à une clientèle ultra-privilégiée qui se partage entre « fous du vin » buvant au dessus de leur moyens et « hyper-riches ».

Bon, je sais, on peut discuter la forme de la pyramide, plus ou moins pointue, ou la part de chaque catégorie, faite ici au pif, ou le besoin d’une « antenne » qui représenterait les vins cultes qui dépassent les 1000 euros la bt, ou je ne sais quoi. Ce n’est pas le débat et vous pouvez la visualiser comme bon vous semble. En revanche, le modèle est reconnu et globalement accepté par tous, ou du moins par une majorité écrasante. Plus on monte, plus on est cher. Plus on monte, plus on est concentré (effet Parker). Plus on monte, plus on est, en théorie, apte à la longue garde. Plus on monte, plus, en théorie aussi, on est rare.

Et bien pour moi, cette structure pyramidale, elle est complétement has been. Démodé. Finie. Plus valable. Je ne déguste ni ne classe les vins comme ça.

Pour moi, la segmentation du monde du vin, quand je la visualise, quand je tente de « modéliser »  la façon que j’ai d’appréhender les goûts et comment je classe les vins, et bien elle est plutôt sous forme d’un ensemble de « tubes » qui tournent lentement dans ma tête, tel un carrousel.

Je sais, au premier abord, c’est bizarrre, mais patience, Simone, j’explique…

Chaque tube représente pour moi un « univers » de vins. Tous ces tubes évoluent dans une grande ronde ou il n’y a ni bas, ni haut, ni gagnant, ni perdant. Dans chaque tube, je mets un vin. Dans ce tube, le vin trouve sa place à côté d’autres vins, avec qui il a parfois des similitudes, parfois rien à voir, que ce soit au niveau de l’origine, du prix, du style, etc. Il y a cinq ou six « tubes » principaux :

– Il y a l’univers des vins de soif et de plaisir, à déguster sans trop se prendre la tête, pour retrouver le plaisir d’un vin gai et désaltérant, dit« de tous les jours ».

– Assez éloigné mais encore une fois sans effet de hiérarchie, il y l’univers des « grands vins ». Il m’est assez personnel. On y trouve quelques unes des icônes de la profession, bien sûr, mais pourquoi pas aussi, justement, un beaujolais parfait ou un rosé inoubliable bu sur un morceau de fromage lors d’un pique-nique en amoureux ? C’est en effet l’intensité du plaisir qu’il m’a procuré à MOI et/ou sa personnalité inoubliable pour MOI, qui me le fait mettre là et pas ailleurs.

– A côté (pas au « dessus ni au dessous, car il n’y a ni volonté, ni possibilité, d’ailleurs, de hiérarchiser ces univers) il y l’univers des « vins d’auteurs », mon préféré, là ou je puise l’essentiel des vins qui composent ma cave. A l’intérieur, des vins concentrés, d’autres légers, des jeunes, des vieux, des aromatiques et des massifs; des chers et des pas chers. En commun, il ont tous l’avantage d’exprimer une vision de vigneron, une idée, un travail, un terroir.

– Dans un autre « tube », je range les vins « alternatifs » Il y a les sans soufre, les  « bio-bizarres » ceux qui disent qu’ils sont « vrais » et que du coup, ils n’ont donc pas à être « bons »…; les expériences un peu extrêmes de certains, les vins durs et verts qu’on me promet ouverts et délicieux dans vingt ans, tous ces vins que certains aiment et que pourtant je ne pourrais pas boire. Je les range tous là-dedans, en attendant, qui sait de les comprendre, pourquoi pas, un jour. En attendant, ca m’évite de les juger. Après tout, il faut de tout pour faire un monde. Même Paris Hilton. Et mon mauvais goût peut être le bon goût de quelqu’un d’autre. Il y a en bien qui portent du Dolce et Gabanna, hein ? Et qui en plus en son fiers…

– Dans un autre encore, je déverse tous les vins qui sont pour moi « à défaut » J’y mets bien sûr les pas mûrs, les herbacés, les durs, les sur-extraits, les dilués, les boisés ratés, les atteints par les brett ou les pollution chlorées (il y a donc pas mal de vins du haut de pyramide du début, donc quelques 1ers crus classées 1855, mais bon, on ne vous dira jamais les noms…), les oxydés prématurément. Ceux là ne m’intéressent pas et dès qu’ils tombent dans ce tube, ils sont souvent oubliés.

Voici les principaux tubes que j’utilise. Bien sûr, il y en a d’autre et chacun, surtout, peut créer les siens.

Ce système a beaucoup d’avantages et peux d’inconvénients. D’abord, en mettant les vins dans des tubes « étanches », on comprend mieux pourquoi il est stupide de vouloir comparer des vins différents, dans leur style, leur goût, et leur origine et leur usage. Ensuite, si on veut continuer à noter, c’est bien plus facile. Il peut y avoir un « n°1 » dans le tube des vins de soif, un n°2, etc. Dans le tube d’à côté il y a aussi un « n°1 »mais il obéit à des règles de classement différentes et n’a rien à voir, sur le plan gustatif, avec le vin n°1 dans un autre tube. C’est clair, précis, honnête et impartial. Et, à l’extrême, le meilleur des rosés pourrait alors avoir un « 100 pts », ce qu’il mérite en fait mais n’atteint pour l’instant jamais parce qu’on mélange tout. De même, le vin le plus « alternatif » du monde pourra être intégré à un système de classement qui lui est propre (même si le vin, lui, ne l’est pas…;-))

Ce système permet d’être plus clair, d’être compris par tous en fonction de ses besoins et de ses envies (on regarde dans le tube qui vous intéresse ou qui vous plait, en fonction du moment de consommation), d’être tolérant et surtout d’être impartial.

Je vous encourage à tenter de réorganiser un peu votre « cave virtuelle » et de faire travailler vos neurones pour voir si le « système de classement à tubes dans un univers spatio-temporel à quatre dimensions », (aussi appelé système Bizeulien ;-)))) vous apporte une nouvelle vision. Sinon, rassurez vous, vous pouvez continuez à noter sur 100 ;-)) ou à classer les vins en fonction de leur prix ;-))

3 commentaires

  • Cyril
    13/05/2023 at 12:43 am

    « you tube » en somme !?

  • Michel Smith
    13/05/2023 at 8:41 am

    La mise en tubes après la mise en bouteilles ou la mise en boîtes ?
    Cela me semble logique et applicable dans d’autres domaines artistiques de la vie courante : lectures, gastronomies, cinémas, musiques…

  • Philippe
    14/05/2023 at 12:59 pm

    Tellement vrai

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