Les artichauts à l’étouffé


Étrange comme parfois il faut du temps pour se lancer dans la fabrication d’un plat, dans la réalisation d’une recette.

Les artichauts à l’étouffé ont berçé et enthousiasmé mon enfance. Assez réticent sur la version « vinaigrette », j’étais un fan de la version catalane que me mijotait ma grand mère, aux vacances de Pâques, quand nous retrouvions la maison familiale de Perpignan, allée des Camélias.

L’artichaut est une spécialité catalane. On en cultive beaucoup, sur la salanque, sur des sables bien irrigués. C’est surtout le petit « poivrade » que l’on aime ici. Ces terres fertiles ont désormais mauvaise réputation. Parfois, la vigne y est plantée. Ces terroirs, aujourd’hui méprisés (on les traite, justement, de « terre à artichaud ») ont pourtant fait la fortune de bien des villages, sur la zone de la Salanque, et il faut avoir vu des Carignan de bord d’Étang, portant fièrement leur 5 ou 6 kg de raisin à parfaite maturité, pour comprendre que tout est relatif. On manque tant de « vin de table » à faible degré, que certaines marques historiques françaises vont désormais s’approvisionner un peu partout dans le monde. Cherchez l’erreur.

Bon, je m’éloigne. Cette recette est pour moi si enracinée dans mon enfance, que je n’avais jamais osé le retenter, sans doute par respect pour ma grand-mère. Mais par respect pour mes enfants, gourmands, il est temps de franchir le cap, et, tant qu’en faire, en sa mémoire, tenter de vous la donner.

C’est une recette typiquement catalane que, pourtant, je n’ai pratiquement jamais vu dans les livres de cuisine régionale. Grand mystère. Bizarre, parce que les artichauts, on les trouve toujours attirants sur les marchés, mais on sait pas quoi en faire de délicieux, alors, on achète pas.

Ah, je vous préviens : c’est un acte d’amour, parce que c’est long…

Bon, il vous faut :

3 petits artichauts violets par personne

1 coquelle en fonte à la mesure de vos ambitions

2 pommes de terre (j’ai toujours une passion pour l’Agria, une pomme de terre pour frite/gratin fera l’affaire)

1 tranche de pain de mie par personne

1/2 tranche de jambon par personne

1 chouïa de lait

2 citrons

Un peu de graisse d’oie ou d’huile d’olive, sel, poivre

1/ Peler les pommes de terre, les jeter dans un saladier d’eau fraîche au fur et à mesure. Les couper en tranche d’un millimètre d’épaisseur, les remettre à tremper.

2/ Attaquer les artichauts. Au couteau scie, les trancher au dessus du cœur et la queue. Arracher le reste des grosses feuilles une par une, jusqu’à découvrir celui-ci. Re-trancher au ras du cœur pour ajuster la coupe. Avec un couteau d’office, « tourner » délicatement le fond des artichauts pour enlever les parties dures et vertes, ajuster la découpe de la queue. Citronner abondamment chaque fond dessus dessous et les mettre à tremper dans un autre bol d’eau fraîche, avec du jus de citron. Les reprendre un part un, avec une petite cuillère, pour enlever le « foin » et faire un réceptacle pour la farce future…

3/Prendre la coquelle. En frotter le fond d’une gousse d’ail. Arranger les lamelles de pomme de terre au fond, un peu comme un gratin dauphinois. Monter au moins 6 épaisseurs en salant et poivrant modérément entre chaque couche. Arroser de quelques centilitres de graisse d’oie liquide ou d’huile d’olive.

A ce moment, là, ça ressemble à ça :

artichauts1.jpg

4/Décrouter les tranches de pain de mie. Les couper en carré grossièrement, les malaxer avec un peu de lait dans un bol, du bout des doigts, pour en faire une purée pas trop liquide. Y aller progressivement sur le lait, il en faut très peu. Saler, poivrer. Y ajouter le jambon coupé en dés, ou des lardons en « allumettes » très fines.

5/Farcir chaque cœur d’artichaut de la farce en question, en étant généreux pour faire un beau « dôme ». Les arranger artistiquement sur les pommes de terre. Au moment de mettre au feu, ç’est comme ça :

artichauts2.jpg

6/45 minutes avant de manger, mettre à feu vif mais pas trop, couvercle de la coquelle en fonte fermé (c’est essentiel).

7/C’est prêt. Ca peut attendre et reprendre un petit coup de feu au moment du service.

Alors, le concept, c’est de coupler deux plaisirs :

– au fond, les pommes de terre sont très grillées, super croustillantes, voire un peu brulées,  c’est normal. Il faut bien gratter pour décoller le grillé…

– au dessus, les artichauts sont cuits par la vapeur dégagée par les pommes de terre. Ils sont fondants, délicieux…

C’est un plat de paysan, de cultivateur, encore meilleur, bien sûr, à la braise. Ca n’a rien de raffiné, mais c’est tout simplement sublime.

Bon, comme il me reste un peu de temps, et que votre culture m’importe, je vais voir si j’ai pas écrit un jour un truc sur ce beau légume…

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