A qui le bonnet d’âne ? A Yves Calvi, l’autre soir, à la télé


Revenons à nos pesticides.

D’où diable peuvent venir ces chiffres répétés en boucle pour nous foutre la trouille, y compris hier soir à la télé par Yves Calvi, journaliste poutant en général respectable mais qui, là, peut engeuler la meute d’assistants qui lui écrit ses fiches…

Le plus simple est de partir du Grenelle de l’environnement, non ? C’est ce que j’ai pensé aussi. Facile à trouver, voici le rapport qui a servi de base à la réflexion de nos élus. Ce rapport « ne reflète pas la position du gouvernement », c’est marqué en gros sur la page de garde…

On y trouve plein de choses intéressantes, dont des itinéraires techniques différents (page 1.1), six, en fait, normalisés par le rapport qui va de « Na » (un gros débile qui épand n’importe quoi n’importe comment sans lire les étiquettes et sans descendre de son tracteur) à « N3 » (suppression de tout traitement avec des produis de synthèse autrement dit, bio).

Vous pensez qu’il n’y avait que deux stades ? « Nul » ou bio ? Non, désolé, il y six itinéraires techniques, bien listés, qui permettent, peu à peu, de diminuer les passages et les doses pour, un jour, se passer pourquoi pas de pesticides de synthèse ou en tous les cas de diminuer les épandages de manière drastique.

Ah, parce que vous n’aviez peut-être pas compris, qu’en bio, on utilise un paquet de pesticides ? Pourtant, c’est la stricte réalité. Ils sont « naturels » mais tout aussi « pesticides » car il répondent à la même définition et sont donc intégrés dans toutes les études. En fait, même si tout le monde était en bio en France, les « 3 % de vignes » utiliseraient un gros tonnage (encore plus gros, en fait, parce que le soufre et le cuivre, c’est lourd et qu’il en faut beaucoup). Et, vous allez voir, c’est sacrément important pour la suite.

Dans l’encadré 1, on y apprend une autre information primordiale : en fait, personne ne sait exactement combien on met de pesticides de synthèse ou bio en France et où… On va peut-êre le savoir bientôt car ils sont depuis deux ans lourdement taxés, ce qui est tout à fait compréhensible. Mais jusqu’à maintenant, tout juste peut on étudier le nombre de traitements à travers un « indice ». 12,5 pour la vigne pour… 36.5 pour les pommes de table. Tiens, c’est marrant, on en parle jamais, des fruits. Pourtant… Je vous passe le calcul de l’indice, c’est très savant et TRES sujet à discussion. Mais bon, personne ne l’a lu, ce passage, et donc, personne n’a discuté.

On y trouve donc un coût de traitement à l’hectare pour la vigne, de 394 euros/an. Tout cela est bien sûr estimé. Mais va servir ensuite à tous les journalistes (méritent-ils ce nom, vous en jugerez).

Savent-ils (savez vous), par exemple, que le prix de certains anti-fongiques, en particulier, dépend de la cible ? Que les firmes phyto font des prix « à la tête du client », à l’ancienne. La même molécule, au même dosage, mais sous un nom commercial différent va être vendu deux, trois, cinq fois plus cher à un vigneron qu’à un céréalier ? Bien sûr, un produit est « agréé vigne », l’autre pas. Donc, interdit d’utiliser le produit « blé » sur une autre culture. Certains, sachez le, bravent les interdictions (ce sont des idiots car bien sûr il y a, pour permettre à la magouille de continuer, d’autres molécules ou d’autres surfactants ou des dosages très différent ou des DAR – délai avant récolte- différents et c’est ultra dangereux et compliqué à adapter) et partent en Espagne les acheter. Là bas, le même produit ‘vigne’ est parfois, même, moins cher qu’en France, ce qui est un comble… Ne parlons pas du produit pour le blé… Ces produits sont bien sur vendus dans des région où il n’y a pas de blé…

Deuxième mesure simple, tiens, au fait, après l’annualisation : obliger les firmes phyto à mettre le même prix pour les même molécules partout en europe. Le lobby est-il fort ? TRES fort…

Mais avez vous vu quelques chose que les journalistes ne voient pas ? Et bien dans ce coût de pesticides à l’hectare, il y a inclus… les pesticides bio eux même dont on parlait plus haut ! Le soufre, le cuivre, la confusion sexuelle, etc… Combien ? Beaucoup. Donc, on met beaucoup de pesticides dans la vigne, 394 euros. Mais aussi beaucoup de pesticides bio là dedans, ce que personne ne dit.

C’est flagrant ICI, dans l’onglet « tonnage des substances actives entre 1988 et 2011 », où l’on voit que le soufre et le cuivre représentent 30 % des tonnages totaux, toute culture, soit beaucoup plus dans la vigne, principal utilisateur de ces pesticides naturels. Il vous le dit, ça, Yves Calvi, que dans les chiffres qu’il balance, la moitié au bas mot de ces 20  % qui insultent tous les vignerons de France et vous font peur de boire du vin, c’est des pesticides bio ? De quoi m’énerver, non ? Pas vous ?

Et on les retrouve où, au fait, ces fameux 20 % ? Mais 20 % de quoi, au fait, d’où il sort, ce vingt pour cent ? Et ce trois pour cent, d’ailleurs ?

De la même étude, toujours.

Au tableau 2, on lit, clairement, que la vigne, c’est 3 % des SAU en France, les surfaces agricoles utiles.

Vous le lisez le tableau ? Moi aussi. Et quand je RENTRE dedans, je découvre avec stupéfaction que sur 25 420 000 hectares de SAU hors parcours, et bien 12 560 000 sont des jachères, des prairies et des « fourrages cultivés ». Des surfaces qui utilisent, en tout, pas du tout ou peu de pesticides.

Ah. Rien ne vous choque ? Moi si.

Sur les surfaces vraiment ‘cultivées’ telle que vous et moi l’entendez, la vigne représente en fait 6.54 % des surfaces et non 3 %. Dire le contraire, c’est mentir, tout simplement.

Bon, reste le 20 %.

Ben là, vous voyez, j’ai eu beau chercher, je trouve pas. Sauf que Pierre Guigui, un excellent journaliste, très engagé dans la réduction des pesticides et la promotion du bio, mais pas ayatollah pour un sou, me dit que c’est un chiffre qu’il a lancé, un jour, il y vingt ans, dans un guide, et qu’à l’époque, il l’avait trouvé quelque part.

Et depuis, on le reprend, d’article en dépêche de l’AFP, et bien sûr dans toutes les études de diabolisation du vin…

Sur le tableau 2, on voit bien que les derniers chiffres (2006, quand même, rien de plus récent…) montrent 14.4 % des pesticides en VALEUR. Pas du tout en volume, en fait. En valeur. Intrégrant les produits chers, les produits bio, dont certains sont très chers, comme la confusion sexuelle, ce qui induit que plus on va utiliser de confusion sexuelle, plus ce chiffre qui terrorise va augemter, alors qu’on est dans la bonne fois. Amusant.

Troisième mesure simple : subventionner la confusion sexuelle, comme en Allemagne, et la rendre rapidement obligatoire, ferait baisser l’utisation d’insecticides dans la vigne à la vitesse grand V

On tombe donc, quand on bosse un peu son sujet et sauf erreur de ma part, toujours possible, ou données que je n’ai pas trouvées, d’un rapport de 1 à 7 (3/30) à un rapport de 1 à 2, ce qui n’est vraiment pas la même chose, monsieur Calvi et les autres, et ce en intégrant que les pesticides utilisés intégrent aussi les pesticides bio… Ca fait moins peur tout de suite, non ? Et encore moins quand on se souvient que c’est en valeur et que les pesticides de la vignes sont plus chers que ceux des autres cultures.

On trouvera ici l’information qui montre que plus d’un tiers des tonnages de pesticides sont assurés par le soufre et le cuivre bio. C’est pas moi, qui le dit, c’est le rapport en encadré 2 (mais qui l’a lu…) qui indique bien que le calcul est branquignol, car pour le souffre, on utilise plusieurs kg/ha, pour certains insecticides ou anti-germinatifs, 10 cl de substance active/ha…

Et on remarquera sur ce graphique que :

– l’utilisation en tonnage des pesticides en France a diminué de près de 50 % en quinze ans, ce qui n’est sans doute pas assez mais reste positif. On le dit ? Non.

– que les produits dits naturels représentent plus d’un tiers des substances actives ce qui n’est pas rien.

– que c’est sur la vigne que, malgré tout, la diminution des doses de pesticides montre le plus grand potentiel de progression, vu que ça va être drôlement dur de s’en passer en maraichage et en fruits, à moins que le consommateur et toute la filière change totalement de perception du « bon fruit » et du « bon légume »…

Ceux qui veulent avancer sur le sujet et parler d’un sujet complexe avec un peu de hauteur liront avec attentionCECI

Quatrième mesure simple : la création d’un label qui bannisse les produits de synthèse mais autorise les engrais chimiques ferait basculer très rapidement une large part de l’agriculture française vers l’abandon des substances actives de synthèse

C’est pas que je suis pour l’engrais chimique, qui est un véritable saloperie utilisé bêtement (Chaboussou, quelle perte…), mais si tout le monde se met à bannir les engrais chimiques, je sais pas où on va trouver le fumier… Dans la vigne, c’est 20 à 30 % de moins. Ailleurs, c’est une crise sans précédent des cours, à moins de retrouver des pratiques qui permettent le maintien, cf Claude et Lydie Bourguignon, mais ça va pas être simple au niveau des coûts…

Bon, j’espère avoir fait avancer le schmilblick et que désormais, quand on vous dira « 3 % – 20 % » vous direz, non, « 7 % – 14 % et ça inclus une bonne moitié de pesticides bio… »

Et que vous aurez compris qu’entre les six modes de culture, ce sont les modes de cultures intermédiaires qui vont permettre de vraies réductions et non les extrêmes.

Et qu’enfin, tout ça dépend du climat et qu’en 2003, on pas eu besoin de grand chose.

Ouf !

P.S. : n’hésitez pas à me corriger si je me suis trompé ou à apporter en commentaires d’autres études qui pourraient permettre de changer ou d’affiner le calcul.

2 commentaires

  • Bibeyran Marie-Lys
    13/06/2014 at 8:52 pm

    Et le smorts vous les estimez à combien ? Vous êtes allés comptabiliser les tombes ? Vous avez compté le nombre de familles endeuillées ? Vous avez visité les couloirs de la mort dans les hôpitaux?
    La vigne j’y suis , je vous y attend !

  • Olivier F
    04/11/2015 at 1:27 pm

    On peut faire dire n’importe quoi à des chiffres. Malheureusement, par paresse – ce qui conduit inexorablement à la faute – la majorité des journalistes relaient nombre études (sérieuses ou non) sans les contextualiser ni vérifier les infos. Il faut bien produire des « papiers » et alimenter la Toile.
    Les effets des pesticides sur la santé sont désormais connus. Vignerons, travailleurs de la vigne, consommateurs, journalistes, etc. chacun se doit d’adopter une attitude responsable. Pour que le vin reste un produit de partage et de plaisir.
    Un journaliste amateur de vin

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