Vivre sur le clitoris du monde


Bon, pour Noël, je me lâche… Un peu comme l’autre soir, au Vivier, à l’Isles sur la Sorgues, lors d’un magnifique diner Clos des Fées.

Épuisé par un mois de décembre bien trop occupé, honnêtement, j’ai dû puiser dans mes dernières forces physiques pour faire la route. Un vieil album de Coldplay, Parachutes, m’a bien aidé… Ah, Coldplay… On ne s’en lasse pas.

Rencontre avec notre agent sur le Vaucluse, Fabrice, avec qui je n’avais jamais vraiment passé de temps, en tête en tête. Après avoir posé ma besace, très style David Caradine dans Kung-fu – une vieille besace à olives toute rapiécée – à l’hôtel, nous voici attablés dans un bar à vin du centre ville, à refaire le monde comme seul deux amateurs de vin peuvent le faire.

J’aurais aimé qu’on me filme, les amis, tant je pense que notre conversation était typique de tout ce que nous partageons, lui, moi, vous, j’espère. Et qu’elle aurait été formatrice, sous-titré en chinois, pour leur expliquer que nous, les Français, avec le vin, on a vraiment un rapport très spécial.

A t’on parlé du vin d’abord ? Non. Mais de la Culture du Vin, oui. Un peu de name-dropping (Gérard pour Gérard ….., Les Frères pour les Frères ……., Le Domaine pour la …, Jean-Michel pour Jean-Michel …, etc.), pour se chauffer un peu, comme deux chiens se sentent la truffe pour savoir s’ils vont jouer ensemble ou se sauter dessus. Puis un choix, successif, d’un vin au verre, qui en dit parfois bien plus que toutes les déclarations pompeuses. Puis on se raconte notre vie d’amateur, nos expériences professionnelles, nos choix de vie, de restau, nos passions pour tel vin, nos erreurs de jeunesse sur tel autre, notre fidélité définitive à ceux que l’on aimera toujours, maintenant, c’est sûr. On grignote. Puis on dérive… La vie en amérique; le travail de sommelier; la critique; le bio; le nature… Le temps passe, la planche de charcuterie se vide, les verres se re-remplissent. On se dit qu’on est pas « raisonnable », qu’on va manger après. Mais on est bien. Le patron nous sert une trouvaille, un truc qui a VRAIMENT du sens. Le cercle s’agrandit. On est complice…Alors, on se connait, maintenant. On parle un peu politique mais on sort vite du sujet. On en vient à parler du tourisme, allez savoir pourquoi, et là on se dit qu’on est con, nous les Français : le monde entier vient chez nous pour… jouir.

Le mot est lâché.

Jouir des paysages, de leur folle diversité. De la mer, de la montagne, de la beauté des ciels. De Paris. D’Avignon. Des coteaux. Du tuffeau et des caves. Des rives de la Dordogne et des gorges du Lot. De la nature, du Lubéron aux Dombes en passant par l’Océan ou la Méditerranée. Des routes, incroyablement bonnes, on s’en rend compte dès qu’on roule ailleurs. De la sécurité. Et bien sûr du temps de vivre, que nous savons prendre. De la nourriture, encore saine, encore vraie, encore bonne. Et du vin bordel, le meilleur vin du monde, à ne pas en douter. Et donc de la vie. Jouir de la vie. Ce que nous devrions faire, tous, tout le temps, en arrêtant de nous lamenter au quotidien sur ce qui ne va pas. Le mot me reste. Jouir. D’être en bonne santé, d’avoir de beaux enfants, de vivre en paix, en démocratie, dans une égalité homme femme, dans un monde de prospérité et de richesse, qui, bien que tout ne soit pas parfait, reste sans doute ce qui pourrait bien être l’âge d’or du monde… Et, bien sûr, en cette veille de Noël, de jouir aussi de la présence de Dieu et de la force de la mystique Chrétienne…

Le soir, au diner, au dessert, passant de table en table, je repense à cette discussion et, un peu désinhibé par les bons vins du sud (les miens ;-), je lâche à mon tour le mot à tous ces amours de jouisseurs qui sont venus jouir avec moi d’un bon repas en bonne compagnie. Tout le monde acquiesce, pensif. A une table, l’évidence me frappe : nous vivons sur le clitoris du monde ! C’est un cri du cœur ! Ca surprend un peu. Mais, rapidement, homme et femmes hochent la tête, car tous, ce soir là, savent que j’ai raison.

Alors, cher lecteur, je ne pouvais garder cette vision Dalinesque pour moi et souhaitait, en cette veille de Noël, te la faire partager en espérant que cette évidence, te frappe comme elle m’a frappé…

«On reconnait le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va» a dit un jour René Char. C’est mon cadeau pour cette fin d’année, chers amis, le vœu que sachions tous profiter de cet emplacement très exceptionnel tout au long de 2014, sachant jouir du plaisir d’être Français, de manger Français et bien sur de boire Français.

Bon et joyeux Noël à tous ! Hervé

P.S. : billet dédié à Vincent Pousson, Nicolas de Rouyn, Jacques Berthomeau, Miss Glou-Glou, François Despérier, Patrick de Mari et tant d’autres à cheval avec moi sur cet emplacement de choix 😉

 

11 commentaires

  • François Desperriers
    24/12/2013 at 9:34 am

    Joyeux Noël Hervé !

    François

  • Julien
    24/12/2013 at 9:44 am

    Superbe texte, je me permets juste de corriger qu’on ne dit pas Lubéron mais Luberon avec un euuuuh au milieu 🙂
    C’était juste histoire de faire mon râleur… Avant de retourner jouir 🙂

  • Patrick de Mari
    24/12/2013 at 9:50 am

    Appeler un chat un chat est un privilège que bien peu s’accordent.
    Ici, c’est fait et depuis longtemps !
    Mais, entre nous, restons sages :
    une accolade est déjà un commencement…

  • Phil45
    24/12/2013 at 10:23 am

    Bravo Hervé pour ce réveil en fanfare et cette jouissance du matin! C’est du grand Hervé Bizeul, du Big Bizeul, comme je l’aime, toujours aussi vif et incisif.
    Joyeux Noël Hervé.
    Philippe I

  • Nicolas de Rouyn
    24/12/2013 at 12:07 pm

    Beau texte (j’aurais bien aimé l’écrire) et merci, Hervé, de cette dédicace qui me touche beaucoup. Je suis bien content d’être ton voisin et celui de Vincent, François, Patrick, de mon Glou et même de Berthomeau. Si.

  • Nicolas de Rouyn
    24/12/2013 at 12:10 pm

    Juste un mot à Julien. Lubéron et Luberon sont également admis par les ditionnaires qui s’y connaissent. Donc, on écrit comme on veut.

  • Vincent Pousson
    25/12/2013 at 9:34 am

    Tu as parfaitement raison, Hervé! Je suis en France, pas loin de la Loire, en train de petit-déjeuner, en remontant de la cave, avec des rillettes-maison du haut-Poitou, un volnay sans chichis, plein de mâche, un saint-nicolas-de-bourgueil frétillant et soyeux, le camembert m’attend. Ma respiration s’accélère, oui, oui, oui! Je viens! Encore! Je jouis!
    Joyeux Noël!

  • Michel Smith
    25/12/2013 at 9:47 am

    Non Môssieur : on dit le « lubeuron » !
    Enfin, merci et bravo Hervé pour ce texte vraiment jouissif !

  • Fred Zantman
    26/12/2013 at 6:53 am

    Merci Hervé et merci à l’ami du Vaucluse qui t’a inspiré ! Parmi tous ces mots si bien ensemble « enfant » est celui dont je ne me lasse pas… joyeux Noël Hervé, Claudine, tous les amis perchés sur ce clitoris que nous chérissons tant ! La bise

  • Isabelle Mouries
    26/12/2013 at 12:09 pm

    Joyeux Noël à toi et la petite famille, les garçons et la maman, la grande fille aussi..!
    Merci pour ce texte truculent, astringent, et réjouissant!! (Et re-jouir encore et encore!!)
    Happée par cette vision, en effet si juste, je m en vais continuer cette journée qui n à déjà plus tout à fait la même couleur!
    Baisers

  • Fabricewine
    29/01/2014 at 2:18 pm

    Merci Hervé, c’est juste le plus joli mot le langue française, que tu le dise du bout des lèvres, les dents serres ou la gorge déployée. c’est être recentré sur l’instant et ne pas le laisser s’échapper. donner su sens à nos sens…. à bientôt à VINISUD

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