New York, ça se réchauffe


Le temps se gâte. Entre 0 et 5, si c’était des Celsius, ce ne serait pas grave, mais voilà, c’est en Fahrenheit… Avec le fameux facteur vent, on devrait frôler les -14° ressentis. Bon, je bosse pas dehors, c’est déjà ça.

Aujourd’hui c’est tasting. Un tasting «classique», avec des tables, des verres, des seaux à glace et, on l’espère, des clients. L’endroit est classe, en plein centre de Manhattan, ça s’appelle Four Seasons, à ne pas confondre avec la chaîne d’hôtels fort prestigieuse où j’aimerai bien aller plus souvent soit dit en passant… C’est un restaurant, avec un bar et une salle de banquet, à coté, un des plus vieux buildings «modernes» de Manhattan, une salle un peu mythique ou, m’a t’on dit, Kennedy a fêté son anniversaire et Marilyn, pompette, chanté un fameux « happy birthday Mister Président » entré dans la légende. Pas de temps de vérifier, après tout qu’importe, reste l’amusement de se dire qu’émoustillé je suis de, ce soir, poser mes fesses pas loin de l’endroit ou Marilyn a posé les siennes… Bon, au retour, j’ai vérifié, et c’était pas là comme me le confirme mon pote Wiki… J’ai du mal comprendre un truc. C’est la vie… Mais c’est classe quand même.

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Onze heures, ça commence. Clairement, je ne fais pas être la star de la journée. Je sais, c’est excellent pour mon ego. Certains font le voyage depuis des années et ont su, à l’évidence, tisser des liens. Mon voisin, par exemple… Un show man slovénien qui fait le buzz, son épouse aussi, et devant, la foule se presse. Je vis la vis de mes voisins du grand tasting, ça me me va très bien. J’ai du monde, très divers et, tant que faire se peut, je fais le job. Sommeliers, journalistes, cavistes, le panel classique et la plupart du temps, après la petite Sibérie, que personne ne connait ici, un charmant «whouaouaa». J’aurai pu choisir ce nom, en fait, ça m’aurait évité des explications au fil des années. Ai-je besoin de préciser que c’est du second degré ? Oui ? Bon, c’est fait, on sait jamais. Aux dires de certains ce serait c’est encore « The wine of the show » en particulier pour  un petit restaurateur italien fort sympathique qui semble casté pour le Parrain, accompagné de deux costauds à faire peur, qui aiment aussi. Fou comme les images de cette ville et de ses clichés, réels ou fantasmés, nourrissent notre imaginaire. Bon, seul au stand, je n’ai le temps de rien goûter et, je n’aurai pas vraiment l’occasion de le vérifier la position de mes vins dans la compétition du jour. En même temps, peut me chaut comme dirai Jacques Berthomeau, qui utilise encore le verbe « chaloir » histoire de bien marquer la différence avec les autres blogueurs… 😉

Bon, revenons aux compliments sur la petite Sibérie, qui font toujours plaisir, et oui. Ca montre que je n’avais pas tout à fait tort de penser que c’était un grand vin, au printemps 2001… Mais bon, comme d’habitude, bon ou pas bon, grand ou pas grand, certains vins ont « le droit » d’être chers, d’autres moins. C’est la vie. Tiens en parlant de cher, un selfie où l’on voit Didier Depond un verre de petite Sibérie à la main, et moi, un verre de Salon, 1999, je crois. La classe, je ne vous le fait pas dire. Et un super Champagne. Faudrait que j’en boive plus souvent… Fin du message subliminal pour DP…

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Tous les vins se goutent bien, et ça c’est important, Walden, surtout. Je mesure, soudainement, toute la chance que j’ai de faire des vins dans le Roussillon car ici, le climat me donne le choix. Pas que le climat, d’ailleurs, le prix des vignes, sans doute et aussi leur âge. Je peux vraiment choisir de faire un vin léger, comme Modeste, ou beaucoup plus concentré, comme le Clos des Fées, avec toute une gamme entre les deux. Je peux aussi élever en bois, ou pas, n’étant pas soumis à une norme ni à un arbitre des élégances, quel qu’il soit. C’est parfait. Peu de régions, quand on y pense, ont ce choix, car bien souvent, c’est le climat qui décide plus que le vigneron où d’autres critères comme l’impossibilité d’accéder aux terroirs historiquement considérés, à juste titre ou  non, comme grands. Bien content de ma gamme, des vins fruités et souriants, d’autres serrés et énergiques, les derniers tanniques et crémeux, pour la garde. Petit à petit, l’effet boule de neige joue en plein et plus l’heure avance, plus le stand se remplit. Je retrouve deux ou trois têtes connues, ça fait plaisir. L’année prochaine, si je reviens, je tenterai de les joindre avant. Tiens, le Bizeul, il aurait envie de revenir maintenant ? Le charme de la ville et l’énergie de ses habitants agiraient ils ?

Retour à l’hôtel pour une courte pause, petite bière avec Bobby, mon nouvel ami, vieux briscard de l’importation de vin aux USA, qui m’a prit sous son aile. On change de chemise et direction le banquet.

La table est dressée. C’est mignon avec encore les décorations de Noël.

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A l’apéritif, des huîtres finalement assez bonnes, pas vraiment creuses ni plates, variété indigène à la cote ouest. La préposée à l’ouverture les… retourne. C’est une excellente idée, en fait, ça montre que le pied est bien découpé et ça lui donne une certaine esthétique, ça la normalise, en fait. Je lui pose la question si c’est la règle ? Non, me dit-elle, elle fait un extra et a trouvé ça plus joli. Belle idée, je la note. J’essaierai avec des creuses.

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Ah, les banquets. J’ai un peu de mal avec les banquets, depuis longtemps (j’en ai servi tellement comme extra, dans ma jeunesse), mais celui là se passe plutôt bien. A la table, on parle un peu Français, la nourriture est bonne, voire très bonne, le service impeccable et je n’ai jamais vu autant de verres sur une table devant moi…

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6 blancs, 6 rouges, le Clos des Fées 2012 au milieu, c’était vraiment sympa, Paolo et Allison, de mettre un vin du Roussillon au milieu de tant de fameux Barolo ! Merci ! Inutile de vous dire qu’il s’en sort très bien, mais, préjugés aidant, gageons que peu de vignerons présents l’ont regardé avec intérêt. En Italie, le Roussillon c’est un peu comme les Pouilles pour les Français : le sud, détendu, rustique. Pas plus. Bon, c’est pas grave, j’ai bu un excellent Grüner Vetliner, cépage Autrichien que j’adore, et un délicieux Pinot Grigio slovène, tendu comme le string de ma voisine vigneronne de la matinée, qui a eu la gentillesse de me montrer abondamment son tatouage de bas du dos que je rêvais de prendre en photo pour ce blog (pour des raisons purement sociologiques et ethnologiques…) mais son mari était VRAIMENT costaud. Sous ses airs de bateleur, ce gars fait vraiment de bons vins, comme quoi, il ne faut pas juger les gens à leur mine. Ni le vin à son nom, j’ai goûté ce soir là un excellent Barolo (incroyable le travail qu’à fait cette appellation aux USA…). Vais je finir en portant un sac comme celui ci ? Il y a encore un peu de chemin à faire…

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Danser ? Non, pas danser merci. Ni dessert non plus, merci. De toute façon dès qu’il y a du bruit, je ne comprend plus rien. Faudrait que je me mette vraiment à l’Anglais. Madame Gonet, des Champagnes éponymes, à ma table, m’explique qu’elle vit depuis 6 mois à Miami, qu’elle va y passer deux ans pour implanter son vin et que ses enfants parlent anglais. Bonne idée, je l’avais déjà vu faire par un vigneron espagnol. Un an à Bournemouth, voilà qui me ferait le plus grand bien et me permettrait, qui sait, «d’implanter en profondeur» le Clos des Fées sur la cote sud de l’Angleterre tout en ayant un accent à la Hugh Grant…. Hum. Je crois que je vais continuer à vendre l’essentiel de mes vins en France, qu’en pensez vous ?

C’est un peu la fin, je fais le tour de tous ceux qui ont été VRAIMENT gentils avec moi pendant ce court séjour et je dois dire qu’il y en a eu beaucoup, malgré mes réticences, qui ont bien du ce voir, le non-verbal étant universel. L’énergie de l’Amérique, c’est quand même quelque chose et, encore une fois, ils m’ont eu avec leur optimisme à toute épreuve et la simplicité de leur rapports humains. «Mon âme, réchauffée, elle est», comme dirait Yoda dans sa grotte. Le temps, lui se dégrade à la vitesse grand V et je suis bien content de partir avant la tempête Snowzilla qui arrive. Comme le dit fort à propos un de mes lecteurs, on va encore en parler en France, alors qu’on ne parlera pas des désastres climatiques dans le reste du monde ou si peu. Va comprendre, Charles… C’est la magie de New-York.

Je repars, dans la nuit et hélant un taxi, en face de moi, je vois une boulangerie de mon importateur… Coréen. Le monde est de plus en plus petit, son étrangeté me fascine de jour en jour, que dire de ses mystères…

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